Cinquième partie

Tout ce qu'on entendait ici, ce n'était qu'un bip. Un bip régulier, qui tranchait le silence comme une scie coupe un arbuste.
Un bip, qui revenait, revenait encore et toujours à l'infini.
Dans la grande salle était alignés plusieurs lits, et c'est à cet endroit qu'il aurait du habituellement se trouver, endroit où étaient stockés les malades. Mais ils n'étaient pas sûrs de son cas, de son taux de radiations tout d'abord. Et ensuite, il était dans un état trop critique. Ils l'avaient littéralement sauvé de la mort.
Un bip. Un simple bip qui garantissait qu'il était encore en vie.
Alors ils l'avaient placé dans une pièce non loin de l'infirmerie et branché à des machines, qui étaient sensées améliorer son état. Une aide respiratoire et une perfusion. Peut-être même deux. Il était allongé sur le ventre. C'était ainsi qu'ils l'avaient trouvé, sous un Terrien. Et c'était probablement ça qui l'avait sauvé. Son visage, enfoncé dans la terre, avait échappé aux flammes. Mais tout le reste de son corps avait partiellement souffert. Son dos, tout d'abord, entièrement brûlé. D'où le fait qu'il soit allongé sur le ventre. Sa cheville et son épaule gauche, désormais suturées, là où se trouvaient quelques jours plus tôt deux flèches.
Un bip. Juste un bip. Rien d'autre.
Etait-il réellement en vie ? Ces machines ne se trompaient-elles pas ? Non, on voyait son dos se soulever régulièrement, tandis que sa tête était soutenue, presque dans le vide, pour que le masque qui lui fournissait ce dont il avait besoin pour respirer lui couvrait la moitié du visage.
Oui, John était en vie. Mais pour longtemps ?

« - Peter ! »

Une nouvelle fois, la brune tapa contre la porte, mais rien, toujours rien. Seul l'écho de ses paroles lui répondit, et le garçon en face d'elle lui lança un regard désespéré. Il était là ! Lui qui avait disparu depuis tant de temps se trouvait simplement là, enfermé, comme elle ! Mais où étaient donc les autres ? La jeune femme sentait ses doigts trembler contre le bois de la porte, mais elle n'arrêta de frapper que lorsque Peter s'éloigna brusquement, comme s'il avait vu quelque chose. Qu'était-ce, encore ? Et puis, elle la vit. La silhouette, engoncée dans une grosse combinaison hermétique, avançait dans le couloir, dans leur direction. Qu'est-ce que c'était que ça ? Qui étaient leurs geôliers ? Que leur voulaient-ils ? En se retournant prestement, Billie chercha une arme du regard. N'importe quoi, qui pourrait lui servir à se défendre. Mais il n'y avait rien, strictement rien, dans cette vulgaire chambre d'hôpital qui sentait la javel et était décidément trop blanche pour les yeux de la jeune femme. A part ce lit, ces draps, cette machine qui s'était tue quand elle avait retiré les électrodes, et la perfusion, il n'y avait strictement rien. Mais elle n'allait pas se laisser faire si facilement, elle n'allait pas tomber sas se battre, oh que non. Ils avaient réussi à battre les Terriens, ce n'était pas pour tomber aujourd'hui, des mains de ... Elle ne savait qui.
Son regard revint donc vers la chambre de Peter, mais elle était désormais vide. Ou en tout les cas ouverte. Qu'avait-on fait du garçon ? S'en était-on enfin débarrassé ? La brune ne savait pas, ne comprenait pas. Trop de questions, et trop peu de réponses. Mais elle savait une chose. Il fallait qu'elle se débrouille pour sortir de là, et pour ça, il lui fallait une arme. Alors, son regard repassa sur le maigre mobilier de la chambre, et elle tomba sur la perfusion, qu'elle regarde avec un oeil nouveau. Le pied métallique pourrait parfaitement faire l'affaire. Il fallait juste qu'elle réussisse à .. Voilà, parfait. Elle venait de décrocher la petite poche en plastique ainsi que tous les fils qui pendaient, et la voilà, armée de son bout de métal. Que faire avec, maintenant ? Attendre que la silhouette étrange arrive ? Non, c'était bien trop risqué. Défoncer la porte, alors ? Elle avait l'air bien trop solide pour être enfoncée à coup de perfusions. Oui, elle était bien trop ... La fenêtre. Billie s'approcha de la fenêtre, regarda à travers, et, subitement, elle envoya le bâton métallique se fracasser sur le verre, qui tomba à en morceaux à ses pieds. Le bruit cristallin lui égratigna les tympans, et elle s'immobilisa un instant, le souffle court, en attendant de voir si des gardes allaient arriver. Mais personne ne vint. Rien. Aucun bruit dans le couloir, pas de pas, pas de cris. Juste le calme et le silence. La brune ne perdit donc pas son temps, et, en se hissant sur la pointe des pieds, elle passa son bras à travers la fenêtre cassée pour ouvrir la porte de l'extérieur. Une vive douleur la prit à l'avant bras, mais c'est sans se préoccuper des morceaux saillants de verre qui entamèrent sa chair qu'elle chercha encore et encore la poignée. Et, quand elle la trouva enfin, un déclic se fit entendre, annonciateur de liberté. Elle n'avait plus qu'à trouver une sortie.

Les yeux encore clos, peut-être continuait-elle de cauchemarder. Ou de rêver, cela était bien difficile à dire. Quoique cet étrange air sur son visage, presque paisible, faisait plus pencher pour la deuxième option. Mais cela n'était qu'apparence. Tout n'était qu'apparence au fond.
Si le garçon avait été brûlé au visage, la jeune femme elle, avait été brûlée sur la totalité de son flanc gauche, comprenant son bras. Sa chair, sûrement a vif les jours précédents, était désormais emberlificotée dans d'étranges feuilles, ou bien peut-être était-elle recouverte d'une étrange pommade. Quand à sa jambe droite, elle ne semblait pas bien en forme non plus. Si Jack lui avait subit d'autres brûlures, celles du flanc gauche d'Adèle suffisaient sûrement, et pourtant, il fallait donc ajouter à cela sa jambe, qu'on aurait dit désarticulée, heureusement compressée dans une sorte d'atèle précaire, et qui surtout, était presque bleue.
Son teint encore trop blanchâtre témoignait du fait qu'elle ne s'était toujours pas remise de son énorme perte de sang, mais fort chanceusement pour elle et Jack, ils avaient été sauvés. Sans quoi ils seraient déjà morts.
C'est peut-être le froid qui la réveilla. La sensation des poils qui se hérissent sur sa peau. Elle aurait aimé émerger lentement comme Jack, regardant simplement le plafond, mais elle se réveilla en sursaut.

« - Jack ... » fut le premier mot qu'elle prononça, encore à moitié sonnée.

Sa respiration se calma presque instantanément, et lorsqu'elle commença à prendre compte de l'environnement qui se trouvait autour d'elle, la jeune femme fini par noter quelqu'un à côté d'elle. C'était lui ! Ils n'étaient donc pas morts ? Elle voulu esquisser un sourire, mais sa peau tirée de toute parts par la pommade l'en empêcha, et elle se contenta de tenter d'attraper la main gauche de Jack avec la sienne.

Elle dormait. De cema au moins, il était sûr, et cela le rassurait, bien qu'elle n'ait pas l'air en forme. Et puis soudain, elle s'éveilla en sursaut, prononçant son prénom. Et, tout de suite, le jeune homme tourna la tête vers elle, avant de tendre la main vers son visage, qui avait été, fort heureusement, épargné.

« - Hé, je suis un dur à cuir ... » souffla-t-il dans un sourire, qui lui tira une grimace tant la peau de son visage le tiraillait.

Mais comment cela se faisait-il qu'il ait si mal à la joue, hein ? Il n'avait quand même pas .. Il baissa alors la tête sur son corps et nota les différentes blessures dans un coin de sa tête, quand Adèle attrapa sa main. Il tourna alors la tête vers elle et pressa ses doigts entre les siens, plus qu'heureux qu'ils ne soient pas morts, tous les deux. Ils étaient trop jeune spour mourir, et avaient encore des tas d'expériences à faire. Mais heureusement, la vie ne leur avait pas dit adieu. Pas encore. Il lui sourit donc simplement, encore ue fois, avant d'arrêter quand il se rendit compte de la douleur que cela déclenchait sur tout son visage. Mais pourquoi avait-il donc si mal ?
Il chercha alors à se lever, mais encore une fois, en fut incapable. Trop de douleur, de tiraillements. Mais c'est qu'il avait faim, en plus de tout ça ! Et puis, où étaient-ils donc ? L jeune homme n'en avait aucune idée, et ça, c'était une bonne question. Qui les avait amené là ? Qui les avait soigné ? Car il était clair qu'ils ne s'étaient pas traînés là tout seul, ni soigné tout seuls, vu l'ampleur de leurs blessures ... Non, si personne ne les avait trouvé, ils seraient certainement mort, à l'heure qu'il était. tous les deux, mais morts.

« - Où est-ce qu'on est, bordel ? » chuchota-t-il, comme s'il avait peur que quelqu'un ne les entende.

Car tout ça ne lui semblait pas de très bonne augure. Eux deux, dans une grotte emplie de choses plus étranges les unes que les autres, allongés par terre, sur une peau de bête, moitié à poil ? Non, ça ne sentait pas bon du tout ....

A vrai dire, Adèle n'avait pas vraiment prêté attention aux blessures qui ornaient le corps de Jack. Et lorsqu'il se tourna vers elle qu'elle dut retenir un haut le cœur. Une grande partie de son visage avait probablement été brûlée, et il lui semblait de là où elle était voir sa chair encore à vif. La jeune femme le regarda encore quelques instants, la mine inquiète. Il allait garder une énorme balafre sur la moitié de son visage à cause de ça. N'osant pas lui dévoiler ce qu'elle venait de voir, elle baissa légèrement les yeux.

« - Bien plus que ça Jack, bien plus qu'un dur à cuire ... »

Sa main resta encore dans celle de Jack, et la jeune femme voulu elle aussi tenter de se relever lorsqu'une énorme douleur irradia son flanc gauche. Elle plissa les sourcils, serrant les dents, avant de vouloir remonter son bras gauche pour essayer de voir ce qui était si douloureux. C'est seulement à ce moment qu'elle remarqua que son bras était badigeonné d'une étrange pommade. Mais à un endroit non couvert, elle remarqua alors sa chair à découvert. Ses yeux descendirent alors au niveau de ses hanches, et elle remarqua le même phénomène à ce niveau. Elle avait été complètement brûlée.
Se retournant vers Jack, elle nota alors que lui aussi avait été brûlé à de nombreux endroits, notamment au cou. C'est seulement en le détaillant ainsi qu'elle remarqua qu'il était seulement en caleçon. Et qu'elle, ne portait que des espèce de sous vêtements rudimentaires. Ses yeux se levèrent vers le plafond. Ils étaient dans une grotte. Qu'est-ce qu'ils foutaient dans une grotte ? Et qui les avait emmené là ?

« - J'en sais rien du tout » répondit-elle sur le même ton.

Il avait parlé sur le ton de la rigolade, avec un sourire en coin. Mais, quand elle s'était tournée vers lui, elle avait perdu son propre sourire. Pour dire vrai, son visage se décomposa devant Jack, qui la regardait toujours, perplexe. Mais quand il vit son expression passer d'un beau sourire à cette mine inquiète, le brun plissa le nez, ce qui lui arracha, une fois encore, un grognement de douleur. Bordel, mais qu'est-ce qu'il avait au visage ? Ainsi, il se redressa d'un coup, ignorant les douleurs qui irradièrent dans tout son corps, et il porta les mains à son visage. Et il n'eut même pas besoin de toucher sa peau à vif pour comprendre que quelque chose ne tournait pas rond, chez lui. Car il sentait la chaleur de l'inflammation sans même toucher. Qu'est-ce qu'il avait ? Il releva alors subitement la tête, en quête d'un miroir ou quoi que ce soit, mais là, assis comme il l'était, il ne voyait pas grand chose. Alors, en se tournant vers Adèle, il pinça les lèvres.

« - C'est si horrible que ça ? »

Parce qu'il avait deviné, évidemment. Ce n'était pas difficile à comprendre, et il aurait fallu être idiot pour ignorer le regard d'Adèle qui avait changé en croisant son regard, ou encore son expression qui s'était littéralement décomposée. Il avait quoi, au visage ? Que pouvait-il bien avoir ? Et puis il se remémora de ses blessures, de ses brûlures, sur le côté droit. Uniquement sur le côté droit. Et sa joue qui le tirait tant .. Sa joue qui le faisait souffrir ...C'était sa joue droite. Et, rien qu'à voir les brûlures qui s'étalaient sur sa peau nue, le brun ne pouvait qu'imaginer l'état de son visage.

« - Oh putain ... »

Il se leva alors, en titubant, à cause de tout le sang qu'il avait perdu, mais aussi et surtout à cause des multiples blessures qui tatouaient son corps de marques rouges, violettes, grises, parfois recouverts d'une substance verdâtre. Il tangua un instant et se prit la tête entre les mains. Défiguré. Il était défiguré. Exactement comme les Gueules Cassées qui étaient revenues de la Première Guerre Mondiale. Oh putain. Absolument, totalement défiguré. Jack n'avait jamais été du genre à se recoiffer toutes les trente secondes ou à se regarder dans le miroir pour vérifier que le reflet qu'il lui renvoyait était parfait. Mais apprendre, ou plutôt sentir, que la moitié de son visage a cramé, comme fondu, ça fait un choc. Un sacré choc. Surtout au ptit gars à la belle gueule que toutes les filles adoraient. Et beh, fini pour toi, Jackounet. En tout cas pour le moment.

« - Bordel de merde », jura-t-il encore une fois, en proie à une crise à la fois de colère et de panique.

S'il se retrouvait dans cette situation, c'était à cause des Sauvages. De ces foutus Terriens de merde qui les avaient attaqué alors qu'ils ne leur avaient rien fait de mal. Si aujourdh'ui, Jack était défiguré, c'était à cause des Terriens. Il donna alors un coup de pied dans un tabouret qui se trouvait près d'un établi, et, ignorant la douleur, il balança tout ce qui se trouvait sur la table en pierre au sol. Puis, tremblant, il se tourna vers Adèle.

« - T'ose même plus me regarder ... »

Son on exprima tout son désespoir, tout son chagrin, et il était en train de se laisser tomber au sol, quand, derrière lui, des pas retentirent. Quelqu'un arrivait.

Billie sortit dans le couloir, et, tout de suite, avant même de chercher à s'échapper, elle se dirigea vers la chambre de Peter. Il fallait qu'elle retrouve le garçon. Mais armée de sa perfusion, ça n'était pas génial. Alors, en déposant le morceau de métal au sol, le plus silencieusement possible, elle attrapa un bris de verre, tandis que le sang de son avant-bras gouttait au sol, comme le Petit Poucet qui semait des pierres pour retrouver son chemin. Pour la liberté, elle, semait du sang. Prix de la captivité, prix de la liberté, prix du courage, ou bien de l'inconscience, mais prix élevé, que le prix du sang.
Elle se redressa ensuite, toujours aussi doucement. Elle avait peur que, d'une seconde à l'autre, des hordes armées n'arrivent en courant pour la neutraliser et la renfermer dans sa chambre. Mais elle ne voulait pas être enfermée. Elle avait été enfermée assez longtemps dans sa vie pour supporter encore une fois le lourd poids de quatre murs autour d'elle. Alors, les traits figés, et le bris de verre dans la main, la brune entra dans la chambre de son camarade, pensant la trouver vide. Sauf qu'elle ne l'était pas. L'étrange personne habillée d'une lourde combinaison se trouvait là. Et, comme elle l'avait deviné, Peter, lui, avait disparu. Mais où l'avait-on emmené ? Et où étaient les autres ? La brune paniqua un instant, mais elle se reprit ensuite, et avisa la personne qui nettoyait la chambre, sans s'être aperçue d sa présence. Mais comment ... Elle avait pourtant fait du bruit, en cassant cette vitre ... Elle ne se posa cependant pas plus de questions, et, profitant du fait qu'on lui tournait le dos, elle se jeta sur la personne pour lui retirer son masque.

« ... miné ! » entendit-elle seulement, après avoir jeté le couvre chef étrange de celui qu'elle avait en face d'elle.

Elle n'avait rien compris, mais ne comptait pas demander de répéter. Ainsi, elle pointa le bris de verre sous la gorge du garçon qu'elle tenait en otage, espérant échanger ses amis contre celui-là, quand soudain, il lui tordit le bras, le lui coinça dans le dos et posa un bras sous sa gorge. C'était elle l'otage, à présent, et, en soufflant, la brune tenta de se dégager.

« - Lâche-moi ! Où son mes amis ? Où sont-ils ? Qu'est-ce que vous avez fait d'eux ? »

L'hystérie pointait dans son ton, et pourtant, Billie était étrangement calme, malgré ses ruades pour s'échapper. A vrai dire, elle voulait sauver ses amis. Son peuple. C'était vital pour elle. Il fallait qu'elle les sauve, qu'elle leur rende leur liberté. Car elle n'avait pas pu sauver John.

« - Eh, calme-toi Pocahontas, on va bientôt t'emmener voir tes copains. Pour d'abord, il faut que tu aille à l'infirmerie. »

Et, sans rien ajouter d'autre, le garçon, dont elle n'avait presque pas eu le temps de voir les traits, sortit de la petite chambre blanche pour prendre un ascenseur, tenant toujours Billie fermement pour l'empêcher de s'échapper. Et la petite brune, le regard furibond, attendait la meilleure occasion pour s'échapper. Il fallait qu'elle retrouve ses amis. Il le fallait.

Tout d'abord, elle resta muette. C'était bien la seule chose qu'elle pouvait faire après tout. Rester muette. Le jeune homme avait tenté de toucher sa joue, se demandant probablement ce qui lui avait perdre son sourire. D'ailleurs il lui avait demandé. C'est si horribles que ca ? avait-il grogné entre deux tremblements. La jeune femme avait ouvert la bouche pour lui répondre, mais il s'était déjà levé, cherchant sûrement de quoi se regarder en face dans la pièce. Rien qu'en voyant ses mains trembler et son ton colérique lorsqu'il jura une fois de plus, Adèle sut qu'il était paniqué. Probablement en proie à une crise se situant entre paniquer et excès de colère.

- Jack ... » chuchota-t-elle.

La jeune femme dut prendre sur elle pour arriver à se relever, tout d'abord assise sur ce qui lui servait de lui. Son flanc gauche la brûlait encore, et elle crut sentir sa peau se déchirer lorsqu'elle essayer de se mettre debout.
Des pieds nus touchèrent le sol en premier, mais encore a moitié assise sur son lit de fortune, la jeune femme n'osa pas essayer de s'appuyer entièrement sur ses pieds et commencer a marcher. A vrai dire, en voyant sa jambe a moitié bleue, et surtout en sachant bien écrasée dans l'attelle, elle avait peur de ne pas pouvoir marcher. Puis, voyant Jack en train de renverser tout ce qui trouvait en face de lui, la jeune femme se lança.
Au début, elle resta debout. Mais des qu'elle jeta sa jambe droite en avant comme elle l'aurait habituellement fait pour marcher, la brune sentit son équilibre se perdre et manqua de s'écraser à plat sur le sol. Heureusement, le mur qui se trouvait juste en face d'elle lui permit de se rattraper. Elle aussi paniquée commença à douter qu'elle puisse remarcher correctement un jour. Son nerf avait-il été touché lorsqu'elle s'était pris la flèche, et ses muscles transpercés de part et d'autre ? Non, c'était impossible. C'était juste parce qu'elle avait perdu beaucoup de sang, tenta-t-elle de se rassurer. Dans quelques jours, ça irait mieux.
Essuyant une larme qui avait perlé au coin de ses yeux, la jeune femme se traîna littéralement jusqu'à Jack, a moitié shootée. Au début, son regard resta visé sur l'espèce d'établi que Jack était en train de renverser.

- T'oses même plus me regarder ... »

Ces mots firent l'effet d'un coup à la jeune femme. Elle releva alors son regard vers lui, appuyée contre l'établi pour ne pas tomber. Que devait-il dire pour le rassurer ? Il semblait complètement paniqué, tout comme elle. Sauf qu'elle tentait désespérément de ne pas lui montrer. Lui était défiguré, et elle handicapée. Ils n'iraient pas bien loin comme ça.

- Je t'en prie ne dis pas ca, regarde moi Jack. »

En disant cela, la jeune femme avait remonté sa main gauche pour la poser sur la joue encore en bon état du jeune homme. Ses doigts caressèrent lentement le visage du jeune homme, tandis que ses yeux exprimaient tout ce qu'elle ressentait. Son angoisse à propos de sa jambe, sa pitié pour le visage de Jack et surtout, le pourquoi du comment ils avaient atterri ici. Lorsque soudain, des pas raisonnèrent dans le couloir. Qu'allait-il se passer ? Prise de panique, la jeune femme se rappuya sur la table, à deux doigts de tomber.

Et pendant que lui, déchaîné par la colère et la panique, réduisait tout ce qui croisait son chemin, elle, essayait de se lever. Pendant que lui criait sa colère contre les Terriens, elle réalisait que sa jambe ne faisait plus son travail. Pendant que lui se lamentait sur l'état de son visage, elle, tombait presque en voulant se lever. Mais quel ami était-il donc ? S'il l'avait vue dans cet état là, s'il l'avait vue quand elle se rattrapa au mur, pour venir vers lui et le calmer, il se serait certainement frappé, s'il l'avait pu. Mais quel ami était-il donc ? Quel ami était-il donc ?
Mais déjà, elle était face à lui, appuyée contre l'établi, une main posée sur sa joue intacte. Ce léger contact fit frissonner le jeune homme, et sa peau meurtrie se couvrit de frissons, tandis qu'une vague de douleur dû à ce mouvement réflexe courrait sur son corps.

« Je t'en prie ne dis pas ça, regarde-moi Jack. »

Mais il ne la regardait pas. Il ne voulait pas. Lui-même ne savait pas à quoi il ressemblait, mais ça ne devait pas être joli à voir. Et il ne voulait pas que la brune change de regard sur lui. Il ne voulait pas qu'elle arrête de lui lancer ce sourire en coin, ou cet air mutin. Il ne voulait pas qu'elle le regarde avec pitié, qu'elle ait ... peur de ce monstre que les flammes avaient fait de lui. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas être si défiguré que les enfants auraient peur de lui. Il ne voulait pas être si défiguré que les autres ne le reconnaîtraient pas. Il ne voulait pas qu'Adèle le voit autrement. Mais malheureusement, c'était trop tard, bien trop tard. Les flammes avaient ravagé son visage, alors même que la flèche avait ravagé le nerf de la jolie brune près de lui. Et c'est d'ailleurs en fuyant son regard que Jack tomba sur sa jambe, nue, enserrée dans une attelle de fortune. Mais aussi et surtout, bleue. Bleue. Sa jambe, elle était bleue. Non, tout, mais pas ça ! Il préférait encore avoir tout le visage fondu plutôt qu'Adèle soit blessée à jamais. Ses mains à lui tombèrent alors sur les hanches de la jeune femme quand il tomba à genoux, devant elle, en secouant la tête.

« - Non .. Non ! »

Tout ça, c'était à cause de lui. Si elle était dans cet état là, c'était à cause de lui. C'était lui qui avait voulu qu'ils se dépêchent. Lui qui avait couru comme un dératé. Lui qui lui avait dit de tirer dans le tas. Tout ça, c'était à cause de lui.
Et il n'avait pas encore levé la tête vers elle. Tout était de sa faute. Comment pouvait-elle encore le regarder en face ? D'abord son visage, et ensuite ça .. Le brun secoua la tête en s'appuyant contre la jambe de la brune, tandis que quelques larmes perlaient aux coins de ses yeux.

« - Tout est de ma faute ... » cracha-t-il d'un ton empli de haine, envers les Terriens, mais aussi et surtout, envers lui-même.

Mais, avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit d'autre, il entendit des bruits de pas s'approcher. L'échos résonnait dans la grotte, et emplissait l'air toujours plus à chaque seconde qui passait. Alors, en se relevant d'un coup, le brun se posta devant Adèle, le regard empli de haine et de colère, tandis qu'elle, prise de panique, accrocha la table. Mais il ne la laisserait pas tomber. Si elle était dans cet état, c'était à cause de lui. Si tout cela arrivait, c'était à cause de lui. Il avisa ensuite un morceau de bois, près de l'établi, et l'attrapa, au moment même où un Terrien pénétra dans la petite grotte. Aussitôt, l'homme nota la présence de ses deux malades, debout, et mal en point. Mais, bien qu'aucune envie de se battre ne se dégageait de lui, Jack serra un peu plus le morceau de bois entre ses mains, dont la droite était couverte de brûlures et de pâte verte.

« - Où est-ce qu'on est ? Vous allez nous tuer ? Qu'est-ce qu'on fout là ? »

Et, à chaque mot, la colère transparaissait plus dans le ton du jeune homme, dans le cou duquel une veine saillait chaque seconde un peu plus que la précédente. Jack était hors de lui. En colère, mais aussi en proie au désespoir. Tout était de sa faute. Adèle était infirme à cause de lui, et s'ils se faisaient tuer, se serait de sa faute aussi. Il ne laisserait pas ça arriver. Il ne la laisserait pas mourir par sa faute.

Il s'avéra que le garçon ne l'emmena pas en prison. Ni en cellule, ni même dans sa chambre toute blanche. Non. C'est avec un regard effaré que la brune avait observé tout autour d'elle, tous les couloirs plus gris les uns que les autres, et surtout, munis d'absolument aucune fenêtres, pendant qu'il la traînait vers elle ne savait où. Ils avaient pris l'ascenseur, un vieil ascenseur brinquebalant, si vieux qu'elle se demandait comme il pouvait encore marché, et il lui avait semblé qu'ils étaient montés. Mais jusqu'où ? Ou plus précisément, à quelle profondeur se trouvaient-ils ? Et d'ailleurs, où était-elle ? Qu'était cet endroit ? Qui étaient ces gens, qui portaient d'étranges combinaisons qui les isolaient totalement de l'air extérieur ?
Elle se posait encore ce genre de questions, quand, après un long moment, toujours coincée entre le torse et le bras du garçon, elle avait aperçu une plaque de métal fixée au mur. « Quarantaine, Mont Weather. » Ses pieds, qui la faisaient avancer, trébuchèrent alors, s'emmêlèrent l'un dans l'autre, et, si elle n'avait pas été soutenue par son geôlier, elle serait certainement tombée, à moins qu'un mur ne se soit trouvé là pour l'aider à se rattraper.

« - Debout, Pocahontas » railla-t-il en la remettant sur ses pieds, sans aucune douceur.

Et puis, il tourna, et la plaque disparut du champs de vision de Billie. Mont Weather. Elle était au Mont Weather. Là où le Chancelier leur avait dit d'aller trouver le ravitaillement. Mont Weather. Des êtres humains toujours en vie, pas spécialement affectés par les radiations. D'abord les Terriens, puis eux. Cette découverte glaça le sang de la jeune femme, qui se laissait entraînée. Elle n'opposait plus aucune résistance, pour la simple et bonne raison que son esprit tournait à plein régime. Mont Weather. Certains avaient dû s'y réfugier, et les murs anti-atomiques les avaient protégés des radiations. D'autres humains. Le choc fut lourd à encaisser. Pendant des années, l'Arche avait fait subir une politique intraitable et dure, pour assurer la viabilité du vaisseau le plus longtemps possible, en attendant de revenir sur Terre. Pendant près de cent ans, ils avaient vécu dans l'espace, alors que pendant tout ce temps, la Terre était habitable. Et non pas par une seule tribu d'humain, mais par plusieurs. Et, à ce qu'elle pouvait voir, ces humains là avaient accès à beaucoup plus de technologies que les Terriens. Tout ça lui coupait la voix. Mais désormais, la question était : pourquoi ? Pourquoi les avaient-ils enlevés ? Que voulaient-ils d'eux ? Pourquoi les enfermait-on, pourquoi Peter avait été fait prisonnier durant si longtemps ? Tant de questions, encore ...
Quand Billie avait appuyé sur ce bouton, pour déclencher les premières bombes, elle avait répondu à la plupart de ses questions. Sauf celles concernant John. Mais pour celles là, il était désormais trop tard. A cause d'elle, il était mort. Et elle n'allait pas laisser cela arriver aux autres. Mais encore fallait-il qu'elle les trouve.

« - Où sont mes amis ! »

Elle rua alors, comme elle l'avait déjà fait tant de fois, mais cette fois, le garçon la lâcha, ne la tenant plus que par le bras, et, tout en la maintenant fermement, il la fit entrer dans une pièce, dans laquelle plusieurs lits étaient alignés. Une infirmerie. Des bips incessants témoignaient de la vie qui courraient encore dans les quelques corps allongés, tandis qu'une étrange machine était reliés à eux. Mais, endormis, les malheureux semblaient simplement paisibles. Que leur était-il donc arrivé ? Pourquoi leur peau était-elle couverte de ...

« - Billie ! Quel plaisir de te voir enfin. »
La petite brune tourna alors la tête vers celui qui venait de l'interpeller. Un vieil homme, un vieillard, aux prunelles si claires qu'elles semblaient n'avoir jamais connu que la lumière artificielle, et à la peau parcheminée, si transparente qu'on voyait ses veines à travers. Où était-elle tombée ? ...
« - Si tu permets, nous allons nettoyer ton bras. »
Il avait un drôle d'accent, parlant lentement, comme si les syllabes avaient du mal à sortir de sa bouche. Et, en y réfléchissant, le garçon aussi parlait de cette étrange façon. Certainement une déformation du langage, songea-t-elle alors même qu'on prenait son bras pour le désinfecté.
« - Comment vous connaissez mon nom ? » demanda-t-elle, méfiante.
On lui posa quelques compresses sur l'avant-bras, et le vieil homme lui tendit la main. Mais elle ne la serra pas, et se contenta de le regarder dans les yeux. Bille était une gentille fille. Elle n'avait jamais voulu la mort de quiconque, avait toujours privilégié le dialogue à la force. Mais elle s'était bien rendue compte que ces méthodes pacifiques avaient leurs limites. Alors peut-être que si tout ça c'était passé plus tôt, elle n'aurait pas été si méfiante. Peut-être aurait-elle essayé de parler. Mais voilà, c'était trop tard. Elle avait été forcée à tuer plus d'une centaine de guerriers Terriens, elle avait été obligée d'accepter la mort de John. Ce qu'elle n'avait toujours pas fait, d'ailleurs, et une pointe de couleur et de culpabilité transperça son coeur, alors même que le vieux tendait toujours la main vers elle.
« - Tes amis me l'ont dit, Billie. Mon nom à moi est Dante Wallace. »
Et, voyant qu'elle n'était pas prête à accepter sa poignée de main, il se recula, l'air légèrement ennuyé. Enfin, on lâcha le bras de la brune, et elle croisa les deux sur sa poitrine.
« - Je peux les voir ? »
Un ton sec, désagréable, qui ne lui ressemblait pas. Mais désormais, elle était prête à tout pour les sauver. Et elle n'allait pas se montrer faible.
« - Absolument, mais avant, tu peux te changer. »
Il fit alors un geste de la main, et deux hommes amenèrent une malle. On l'ouvrit, et Billie put alors découvrir une montagne de vêtements plus beaux les uns que les autres. On essayait donc de l'acheter ? Pour qu'elle veuille rester ?
« - Nous t'emmènerons dans vos quartiers une fois que tu seras prête. »
Et, quand elle leva la tête, ils étaient déjà partis. La laissant seule avec ces vêtements, dont elle ne voulait pas. Ainsi, sans jeter un regard aux malades endormis, la brune se vêtit d'un sweat et d'un pantalon, qui feraient parfaitement l'affaire en cas de fuite. Et, quelques dizaines de minutes plus tard, on l'emmenait, entre les longs couloirs, pour rejoindre ses amis.

« - Billie ! » entendit-elle soudain, venant du bout du corridor dans lequel elle se trouvait.

Et soudain, Andrew était à son cou. Alors, avec un sourire, la brune referma ses bras sur lui et sourit, tandis que les autres se pressaient autour d'elle.

Elle le sentit frisonner, alors qu'elle tentait désespérément de le rassurer. Sa main toujours posée sur la joue du jeune homme tremblait légèrement elle aussi. Elle pouvait apercevoir dans le regard du jeune homme qu'elle avait seulement croisé quelques instants que quelque chose avait changé. Lui, n'osait plus la regarder. Peut-être parce qu'il avait peur de ce qui se trouvait dans son regard à elle. La jeune femme resta ainsi encore quelques instants lorsqu'elle remarqua que Jack s'était arrêté, les yeux fixés sur sa jambe désarticulée. A vrai dire, Adèle pensait que cette couleur presque bleuâtre était probablement due à une hémorragie interne, provoquée par le coup porté à l'organe moteur de son corps. C'est en sentant ses mains froides posées sur ses hanches presque dénudées qu'elle frissonna à son tour et voulu essayer de remonter le menton du jeune homme pour tenter de ne pas l'inquiéter.

« - Tout est de ma faute ... » l'entendit-elle prononcer, tandis qu'il se tenait désespérément à sa jambe blessée.

Pour tout dire, la jeune femme ne ressentait presque pas la pression qu'il exerçait sur sa jambe, et cela la fit frisonner. Comment pouvait-elle ne rien sentir ? Avait-elle perdu sa jambe pour toujours ? Non, ça reviendrait, avec le temps.

« - Arrête de dire ça, rien de ce qui nous est arrivé est de ta faute Jack, c'était une décision purement ... »

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que déjà, les pas résonnaient à travers la grotte. La panique d'Adèle faillit lui coûter une chute, mais elle s'accrocha à la table, tandis que Jack se postait devant elle, armé d'un morceau de bois. L'homme qui entra dans la grotte n'en était pas un, en réalité. C'était un Terrien. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Pourquoi les avait-il enlevés ?
Déjà, dans la tête de la petite brune, l'inquiétude et le questionnement se cumulaient : les avait-il trouvés près du rocher et ensuite capturés pour mener d'étranges expériences sur eux ? Ou bien les gardait-il en otage ? Dans ce cas, pourquoi les soigner ? Abritée derrière Jack qui commençait déjà à vociférer contre le Terrien, Adèle tenta de se donner constance, les doigts crispés sur la table. Allait-il les attaquer, les assommer et les rallonger sur les lits ?
Les yeux rivés sur lui, Adèle n'osait presque pas respirer, et de toute manière, inspirer trop rapidement lui déchirait le flanc gauche. Pourtant, le sauvage ne semblait pas le moins du monde inquiet. Au contraire, il les regardait presque avec exaspération, comme s'ils avaient tous les deux fait quelque chose de mal. Il s’avança un peu avant de se raviser, tandis que la petite brune le fixait toujours aussi intensément, se rapprochant un peu de Jack.

« - Il a l'air étrange. Que penses-tu qu'il veuille ? » chuchota-t-elle à l'oreille du grand brun.

Bip. Bip. Bip.
Le silence, encore et toujours. Rien que cet énervant petit bruit, qui se répétait pour ne jamais cesser. Quel était cet étrange bruit ? Et quel était ce corps à moitié brûlé ?
Bip. Bip. Bip.
A vrai dire, il ne savait pas vraiment où il était. Il lui semblait être loin. Si loin. Dans un état qui se rapprochait de la léthargie. Et tout ce qu'il pouvait entendre, c'était un petit bruit qui semblait vouloir l'attirer hors du noir. Le noir ? Mais ou était-il ? Il avait pourtant les yeux ouverts ... Il n'arrivait pas à comprendre. Il tenta de cligner des yeux plusieurs fois, mais tout restait noir. Avait-il été enfermé dans une pièce hermétique à la lumière ?
Bip. Bip. Bip.
Puis soudain, une étrange sensation. Celle de bruler. Et celle de courir, aussi. Tenter de s'enfuir, d'aller le plus loin possible. Puis celle de tomber. Et de bruler, encore et encore. Enfin, quelques visages. Qui lui souriaient. Pourquoi souriaient-ils et surtout, pourquoi le regardaient-ils ? Il ne comprenait pas, une fois de plus. Il ne comprenait rien du tout. Était-il mort ? Peut-être. Non, sûrement. Enfin, probablement.
Bip. Bip. Bip.
Mais quel était ce bruit insupportable ? Pourquoi semblait-il être si loin de lui ? Était-ce un rappel ? Un réveil ? Etait-il en train de rêver ?
Bip. Bip. Bip.
Dans la petite salle blanche, le corps venait de bouger. Était-il donc en vie ?
Dans la petite salle blanche, quelque chose venait de changer. Peut-être y avait-il une chance, après tout.

Ils lui avaient dit d'attendre. Alors Andrew avait attendu, tout comme les autres. Et puis, il avait finit par tous les retrouver les autres. Vêtus d'étranges vêtements. Non, de vrais vêtements, il avait juste perdu l'habitude d'en voir. Peut-être n'en avait-il jamais vu ?
Quoiqu'il en soit, il les avait tous retrouvés dans cette grande salle de séjour, tous accolés ensemble en espérant que l'endroit où ils se trouvaient était sûr. Mais ils avaient été bien accueillis. Ces hommes les avaient sûrement sauvés des Terriens.

« - Avez-vous vu Billie ? » tenta-t-il.

Après tout, c'était presque elle qui était sortie la première, bousculée de près par les autres. Mais elle était là, il en était sûr, sinon les autres ne leur auraient pas posé autant de questions à son sujet. Au sujet de leur chef.
Le mot chef rappela à Andrew le souvenir de John. Personne ne l'avait vu depuis qu'ils étaient arrivés ici. Ce qui semblait normal. Il avait été brûlé vif. Cette pensée arracha une mine de dégoût au jeune homme. Il faudrait qu'ils lui rendent hommage. Il les avait sauvé après tout.
Ce ne fut que lorsqu'il entendit des pas dans le couloir qu'il y risqua un petit regard. C'est alors qu'il la reconnu, habillée d'un simple survêtement, ses cheveux toujours aussi bruns ornant son visage. Dès qu'il hurla son nom, tout le monde se précipita vers elle, l'assaillant de questions. Elle aussi avait été enfermée dans une pièce blanche avant d'arriver ici ? Est-ce qu'ils lui avaient donné à manger ? Cet endroit n'était-il pas un don du ciel ?
Tout le monde était là, agglutiné en un petit groupe de jeunes. Ils avaient tous survécu. Andrew laissa échapper un sourire et tous commencèrent à s'écarter un peu pour laisser leur chef respirer.

« - Tu as pu parler avec les gardes ? » demanda finalement Andrew.

A eux, ils ne leur avait presque pas adressé la parole. C'était d'autres personnes, très gentilles, qui s'étaient occupées d'eux. Les gardes eux, ou peu importe ce qu'ils soient, semblaient beaucoup plus pragmatiques. Et silencieux, aussi/

« Ce n'est pas de ta faute ... »

Mais si, évidemment, que c'était de sa faute ! Et alors, quoi ? Elle allait rester infirme toute sa vie ? Elle ne pourrait plus jamais marcher correctement ? Alors que s'il y avait bien une chose qu'ils avaient apprise ici bas, c'était bien que la chose la plus utile pour survivre dans ces bois, au milieu de cet environnement hostile, c'était bien des jambes en bon état pour courir le plus rapidement possible. Oui, pour survivre, ils avaient besoin de leurs jambes, ils avaient besoin de courir. Et, à cause de lui, Adèle ne pourrait plus courir. Il n'avait qu'une envie, là, en cet instant, c'était remonter le temps pour que jamais elle ne l'ait rencontré. Car si ce n'était pas arrivé, elle ne serait pas dans cet état en ce moment même, infirme, face à lui, défiguré. Si elle ne l'avait pas connu, tout aurait été plus facile, pour elle, depuis le début. Elle n'aurait pas eu à se poser trente six mille questions, n'aurait pas été obligée d'extérioriser ce qu'elle ressentait, et semblait avoir tant de mal à exprimer. Elle n'aurait pas été obligée de souffrir autant. Mais surtout, elle pourrait encore marcher, à cet instant.
Mais déjà, le brun n'avait pas le temps de penser plus à cela, car, debout, et le bout de bois fermement tenu dans sa main droite qui pourtant le faisait souffrir, comme si sa peau allait se détacher et laisser simplement son os à nu. Mais, malgré la douleur, il ne lâcha pas. Pas d'un millimètre. Parce qu'un Terrien de deux mètres se tenait face à eux, et que le brun avait déjà causé assez de dégâts et de souffrance à Adèle. Il devait la sortir de cette situation merdique sans problème, sans nouvelles blessures. Il le devait. Oui, il le devait.

« - Aucune idée. » souffla-t-il sans quitter le regard du Sauvage en face de lui, qui, contrairement à ce qu'il avait d'abord pensé, ne les avait pas attaqué et brisé la nuque.

Quel était donc cette mascarade ? Il les avait sauvé de la mort, c'était certain. Mais pourquoi ? Dans quel but ? Le jeune homme devait bien avouer être perdu, mais le Terrien face à lui ne représentait rien d'autre qu'une menace, et ce, bien malgré le fait qu'il leur ai sauvé la vie. Car s'ils se retrouvaient dans cette position, maintenant, si lui était défiguré, et si elle était handicapée, c'était à cause de ces fichus Terriens.
Le brun, en attrapant Adèle par la main, fit donc un pas en avant, en faisant tout de même attention à ce que la jeune femme puisse se retenir sur lui, et il s'avança vers le géant.

« - On veut juste partir. »

Mais l'homme se plaça juste devant l'entrée, les bras croisés sur son torse imposant, recouvert d'une peau de bête. En plissant les yeux, Jack secoua la tête. Qu'est-ce que c'était donc que ce bordel ?

« - Ecoute, tu nous a sauvé la vie, alors maintenant, laisse-nous partir.
- Vous êtres trop faibles, vous ne ferez pas dix mètres avant de tomber, et de mourir là. »

A vrai dire, Jack ne s'était pas attendu à ce qu'il réponde. Et voilà que cet énergumène lui sortait une phrase bien plus longue que tout ce qu'il aurait pu imaginer dans ses rêves les plus fous. Il comprenait donc ce qu'ils lui disaient ! Nul doute que leur prisonnier aussi, mais cela était une autre question. Car ce qu'il venait de dire était on ne peut plus vrai. Ils étaient trop faibles.
Le jeune homme serra donc la main d'Adèle dans la sienne, avant de relever la tête, toisant le Terrien, le défiant du regard.

Billie n'aurait jamais cru cela possible. Tant d'effusions, tant de soulagement, dans cette étreinte que tous voulaient partager. Tant de questions, aussi. Mais surtout, tant de soulagement. Et le brune remit alors en question le jugement qu'elle avait émis quant à ce que John lui avait dit. « Tu les guideras, tu seras leur chef. » Elle ne l'avait pas cru, n'avait pas voulu le croire. Mais là, au milieu de tous ses amis, au milieu de son peuple, la jeune femme se rendit alors compte que depuis le début, depuis les premières minutes, c'est ce qu'elle avait représenté, bien malgré le fait qu'elle ne se le soit jamais vraiment avoué. Dès les premières minutes, quand elle avait proposé d'aller au ravitaillement. Dès cet instant, la petite Billie, si douce, si gentille, était devenue une figure importante parmi ceux que tous les autres habitants de la terre appelaient le Sky People. Le Peuple du Ciel. Oui, dès le début, Billie avait été la chef. Pas la seule, mais le chef tout de même. Mais elle ne le réalisait que maintenant. John avait raison, finalement, songea-t-elle douloureusement en se détachant de ses amis, alors même qu'Andrew et les autres s'écartaient pour la laisser respirer. Elle inspira donc un grand coup, avant de tous les regarder. Sains et saufs. Ils étaient tous sains et saufs. Tous ? Elle plissa donc le nez en notant l'absence de quelques filles, dont une qui faisait partie du groupe de reconnaissance. Où étaient-ils donc ?

« Tu as pu parler avec les gardes ? »

Oubliant ses doutes, la brune tourna la tête vers Andrew, derrière lequel se tenait Shobbian, qui, les bras croisés, lui souriait fièrement. Billie esquissa donc un sourire en coin, avant de tourner la tête vers tous les autres.

« - Mieux que ça. J'ai parlé à leur président. »

Des murmures impressionnés s'échappèrent de la foule, mais déjà, des gardes s'approchaient d'eux, et, suspicieuse, Billie pinça les lèvres. Jusque là, de ce qu'elle avait entendu, on les avait bien traités. Des vêtements neufs, tous plus beaux les uns que les autres, un dortoir rien que pour eux. Mais .. quelque chose clochait dans tout ça, cela ne pouvait pas être réel. C'était trop beau pour être vrai. Elle croisa donc les bras sur sa poitrine en les voyant arriver, notant parmi eux le garçon qu'elle avait voulu prendre en otage, et qui lui adressa un sourire railleur, avant de s'arrêter non loin d'eux.

« - Si vous vous bien nous suivre, le repas est servi. Et mon nom est Jacob, au passage. Nous aurons souvent le plaisir de nous voir » ajouta-t-il en les regardant tour à tour.

Il fit ensuite demi-tour, et, après avoir lancé un regard méfiant aux deux autres gardes, Billie se tourna vers Shobbian et Andrew.

« - Je trouve ça louche. »

Adèle aurait aimé pouvoir rassurer encore Jack, mais il était trop tard. Le Terrien se tenait face à eux. Et elle, se tenait fermement à la table. Rien qu'en observant la musculature de Jack tendue à son maximum, la jeune femme grimaça. Non seulement il devait être inquiet, mais il devait aussi être faible et surtout, douloureux.
Si jamais elle avait ne serait-ce entendu un seul de mots que Jack était en train de penser, elle l'aurait tout de suite arrêté, et même face à la menace imminente que représentait le Terrien, elle lui aurait répété qu'il n'avait rien à voir la dedans.
Ses yeux chocolats s'étaient à nouveau fixés sur leur geôlier, qui semblait bien déterminé à ne pas bouger de là ou il était. Au moment même ou elle commençait à se demander ce qui allait se passer, Jack attrapa sa main et la serra dans la sienne, faisant un pas en avant. La jeune femme le suivit en fronçant les sourcils, légèrement inquiète et un peu appuyée sur lui.

« - On veut juste partir. » fit-il à l'attention du Terrien.

Et lorsqu'il se dirigea vers l'entrée de la grotte avec elle, l'homme leur barra la route, leur interdisant de faire un pas de plus. Pourquoi ? Qu'attendait-il donc d'eux ? Pourquoi les avait-il soignés ? Et pourquoi ne les laissait-il pas partir ?
Et puis soudain, alors que Jack répéta ses mots, l'homme parla. Les yeux d'Adèle s'apparentèrent durant quelques secondes à deux hublots de sous-marin, grands ouverts. Comment ça, il pouvait parler ? La jeune femme secoua la tête, incrédule. Les Terriens étaient dotés de la parole, et s'il leur avait parlé, cela voulait dire qu'il les comprenait aussi. Elle, ne comprenait pas. Pourquoi avaient-ils tous agit ainsi alors, au lieu d'essayer d'établir un traité de paix avec les 100 ? N'étaient-ils donc doués que dans le combat et dans la boucherie ?
Et maintenant qu'il avait parlé, c'était pour leur dire que s'ils essayaient de partir, ils allaient mourir. D'un certain point de vue, cela semblait logique : ils étaient tous les deux dans un état déplorable, et s'ils tentaient ne serait-ce que de sortir dehors, ils crèveraient en moins deux. Le Terrien tenait-il donc tant à prendre soin d'eux ? Et pourquoi ?
La petite brune, sans lâcher la main de Jack et s'en servant au contraire comme point de non-chute, se plaça à ses côtés, les yeux relevés vers Jack.

« - Pourquoi nous avoir sauvés, et non laissé mourir, puisque c'est cela que vous cherchez tant ? » demanda-t-elle en frissonnant légèrement.

Andrew, toujours aussi souriant et plein de vie, se retourna vers Billie. Il remarqua cependant que la brune elle, semblait inquiète, malgré le fait que tous les jeunes l'aient accueillie comme leur chef légitime. A quoi pensait-elle donc ? Était-elle inquiète ? Cet endroit n'était-il donc pas sûr ? Il le semblait pourtant ! Ils avaient été si bien accueillis, et personne ne semblait vicieux parmi ceux à qui ils avaient parlé.
Lorsque la brune leur révéla qu'elle avait parlé avec le président, des murmures se firent entendre. Un président ? Il y avait donc un président ici ? Une sorte de chef, comme le Chancelier de l'Arche ? Lui avait-il souhaité la bienvenue, leur disant qu'ils pouvaient rester ? Ils étaient si bien ici ...
Puis ce fut le summum de l’apothéose lorsqu'un jeune de leur âge leur livra que le repas était servi. Ils avaient faim ! Qu'allaient-ils donc manger ? Au moins pas de sanglier grillé comme ils le faisaient depuis qu'ils étaient arrivés ! Sans plus attendre, la plus grande partie des jeunes se dirigea vers l'endroit que le prétendu Jacob leur avait indiqué, et bientôt, il ne resta que Shobbian et Andrew près de Billie.

« - Je trouve ça louche. » leur confia-t-elle finalement.

Andrew et Shobbian se regardèrent tour à tour, haussant les épaules. Pourquoi semblait-elle si inquiète ? Tout semblait parfait ici, et jusqu'à maintenant, ils avaient été très bien été accueillis, alors il n'y avait rien à craindre, non ?

« - Moi pas, ce n'est pas parce que nous avons vécu l'enfer ces derniers jours qu'on doit douter du fait qu'on ait enfin trouvé un endroit où vivre. »

C'était Shobbian qui venait de parler, les bras toujours croisés sa poitrine. Andrew la regarda quelques instants avant d’acquiescer. Elle avait sûrement raison, ils ne devaient pas non plus se méfier de tout ! Le jeune homme leur fit donc un petit clin d’œil avant de les intimer à suivre le reste du groupe. Il crevait la dalle, après tout.
S'ils savaient que quelques mètres plus loin, après quelques couloirs, dans une petite salle, le Bip qui résonnait depuis longtemps s'était intensifié. Si seulement ils savaient que là-bas, dans cette petite salle blanche, il venait d'ouvrir brusquement les yeux. Et de hurler intérieurement face à la douleur qu'il ressentait.

Le Yerrien les dévisageait, clairement. Son regard allait d'Adèle à Jack, puis de Jack à Adèle. Sans rien dire, sans rien faire. D'ailleurs, le jeune homme doutait qu'il reparle de nouveau. Ainsi, les lèvres pincées, il écouta la question d'Adèle. Mais, comme il l'avait deviné, seul le silence et l'air renfrogné de l'homme lui répondirent.

« - Laissez nous partir, nos amis ont besoin de nous. Ils pourront nous aider. »

Le jeune homme tenta alors de faire un autre pas en avant, mais le Sauvage fit de même, et Jack se retrouva à deux centimètres de cette masse de muscles bouillants. Bon, Jack est peut-être chaud lapin, mais là quand même, faut pas pousser. Ainsi, en levant la tête vers le Sauvage, il esquissa un sourire en coin qui lui arracha une grimace.

« - On peut pas partir ? Très bien, parce qu'on est chiant comme pas permis. »

Puis, il se tourna vers Adèle et passa son bras gauche autour de sa taille, de sorte que leur côté brûlé respectif ne soit pas en contact. En somme, ils se retrouvaient un peu dans la même position que derrière ce rocher qui leur avait certainement coûté la vie, mais qui leur avait brûlé une partie du corps. Mais là, le jeune homme ne pensait pas à ça. A vrai dire, il songeait surtout à un moyen de faire chier le Terrien le plus possible, pour qu'il en ait marre d'eux le plus rapidement possible et les laisse partir, d'énervement. Car s'il les avait sauvé, ce n'était pas pour les tué si peu de temps après. Non, car les éloigner de la mort avait dû être un sacré challenge. Ainsi, le brun se laissa tomber sur le lit, attirant Adèle avec lui, toujours sans la regarder dans les yeux, et il se rallongea, avant de clore ses paupières.

« - Ca tombe bien, ça fait des jours que j'ai pas pu dormir tranquille. »

Ils avaient tous l'air enthousiastes. Absolument tous. Ainsi, tous suivirent Jacob en courant, le sourire aux lèvres et l'estomac grondant. D'ailleurs, celui de la brunette s'exclama aussi, mais elle ne s'en occupa pas. Elle sentait venir le coup fourré à vingt mille. Et elle avait perdu toute confiance en quiconque, si ce n'est en ses amis. Sauf qu'Andrew et Shobbian ne comprenaient pas sa méfiance. Ils étaient totalement heureux d'être ici, enfermés comme des rats, avec des vêtements neufs et de la nourriture à volonté. Alors oui, par rapport à tout ce qu'ils avaient toujours connu, ce lieu ressemblait à un paradis. Pas de restrictions, ou en tout cas très peu par rapport à l'arche, pas de Terriens enragés et assoiffés de sang. Oui, d'apparences, tout semblait parfait. Mais Billie avait trop longtemps été trop crédule. Elle avait trop longtemps laissé son coeur la guider, guider ses choix, et elle avait trop longtemps essayé d'éviter l'inévitable. Ce n'était plus le cas, et, désormais, Billie ne se laisserait plus faire. La gentille petite Billie, oubliée, finie, aux oubliettes. Car elle avait tué plus d'une centaine de Terriens, maus aussi et surtout, elle avait tué John. Et ça, elle ne se le pardonnerait certainement jamais.
Ainsi, quand Shobbian et Andrew s'éloignèrent pour suivre les autres, la brune resta en retrait. Manger. Qu'est-ce qu'elle en avait envie. Mais, encore une fois, elle avait l'impression que tout cet étalage de luxe et de richesses n'était là que pour les acheter, que pour les intimer à rester. Mais s'ils refusaient ? Les enfermerait-on ?
Mais surtout, ce qui dérangeait le plus la jeune femme, c'était que le Mont Weather ne les avait récupéré que maintenant, ou quelques jours plus tôt seulement. Cela faisait quoi, plusieurs mois qu'ils s'étaient crashés sur Terre ? Pendant plusieurs mois, comme l'avait dit la grande blonde, ils avaient vécu l'enfer. Et seulement maintenant, après la bataille avec les Terriens, ils venaient les chercher ? Quelque chose clochait.

« - Billie ? Il faut que tu aille manger, le service ne dure pas toute l'après-midi. »

Un garde venait de l'interpeller. Et, en lui jetant un regard, la brune se mit enfin en marche. Suivre les autres, et mener l'enquête dans l'ombre, voilà ce qu'elle ferait. Il ne fallait surtout pas inquiéter les gardes, ni même Wallace. Non, elle ne les alerterait pas. Elle ferait la gentille jusqu'à ce qu'elle puisse agir. Parce qu'elle devait les sauver, c'était son rôle. Comme John l'avait dit, elle était leur chef. Une pointe de chagrin lui troua le coeur quand elle tourna au coin. Si seulement elle avait su que l'objet de ses tourments ne se trouvait pas si lion que ça qu'elle le pensait, et surtout, qu'il était en vie ...

Mais il ne répondit pas. Pourquoi ne répondait-il pas ? Pourquoi l'ignorait-il ? La jeune femme secoua tristement la tête, se demandant s'il les laisserait un jour sortir. Elle ne voulait pas rester ici jusqu'à la fin de ses jours, qui ne semblerait pas si lointaine s'ils ne se soignaient pas. La petite brune voulu lui adresser la parole encore une fois, pour essayer de le faire parler. Elle voulait qu'il leur parle. Il ne pouvait pas les garder ici sans leur dire ce qu'il comptait faire d'eux ! Mais elle n'eut pas le temps d'en placer une que déjà, Jack passait sa main glaciale autour de sa taille, leur faisant à tous les deux tourner le dos au Terrien.
Adèle préféra rester muette, ne sachant que faire face au Terrien qui semblait étrangement être un mélange d'hostilité et d'hospitalité. Elle fronça les sourcils, se contentant de suivre docilement Jack sans comprendre pourquoi il semblait soudainement sur les nerfs. Et surtout, pourquoi il refusait de la regarder dans les yeux. Depuis qu'il avait vu sa jambe, il avait fui son regard, détachant ses yeux des siens lorsqu'elle tentait de le regarder. Pourquoi n'osait-il plus la regarder ? Avait-il peur d’apercevoir son reflet dans ses yeux ? Ou bien de ne pas aimer ce qu'il y voyait ? La jeune femme ne savait pas, et c'est seulement lorsqu'il tomba sur le lit, l'attirant avec elle, qu'elle souffla doucement. Tandis que lui s'allongeait, elle restait assise, les yeux fixés sur le Terrien qui n'avait pas bougé. Allait-il les regarder comme ça encore longtemps ou bien partirait-il simplement ?
Se demandant si Jack voulait qu'elle l'imite, la jeune femme se contenta de s'adosser au mur puis, attrapant sa jambe pour la remonter sur le lit, elle s'assit, jambes tendues devant elle, aux côtés du jeune homme. De là, elle pouvait voir qu'il avait fermé les yeux, apparemment bien décidé à ne plus parler au Terrien.
N'osant plus parler en la présence de celui-ci, la jeune femme se demanda si elle ne pouvait même pas lui demander une couverture, parce qu'elle commençait vraiment à avoir froid.

Les yeux clos, Jack sentit plus qu'il ne vit, évidemment, Adèle s'asseoir près de lui, puis hésiter à s'allonger. D'ailleurs, il ne pensait pas qu'elle ait finit par le faire. Mais, à vrai dire, le brun ne lui en voulait pas. En fait, elle devait certainement se demander quelle mouche l'avait piqué de réagir comme il l'avait fait. Mais c'était tout simple, en fait. Blessés, convalescents comme ils l'étaient, ils ne pourraient pas s'échapper, ni même tenter de le faire, car leur chien de garde les rattraperait en moins de deux. Alors, s'ils ne pouvaient s'échapper, il fallait simplement se montrer le plus chiant possible. Cette tête de mule qui les avait sauvé ne l'avait certainement pas fait par pure envie, donc cela devait avoir un but. En attendant, ils devaient juste être chiants, comme ils savaient si bien le faire. Ou tout du moins, comme il savait si bien le faire.
Ainsi, il ne bougea pas, feignant de s'être endormi, tandis que, imperturbable, le Sauvage ne les quittait pas des yeux. Cependant, si on regardait bien, on aurait presque pu apercevoir qu'il leva les yeux au ciel en les voyant faire. Cependant, Jack ne le vit pas, et il souffla juste, tandis que sa peau brûlée se couvrait de frissons. Hm. La température aurait pu être quelques degrés plus hautes, tout de même. Ainsi, il finit par se redresser en grimaçant, et se tourna vers le Terrien, qui, miracle était encore devant l'entrée.

« - C'est pas tout ça, mais on se les caille un peu. On pourrait avoir ne couverture, si c'est pas trop demander ? »

Plus insolent, tu meurs. Et Jack n'avait pas l'habitude de l'être autant. Mais là, dans cette situation, il s'agissait juste de jouer un rôle, dans la peau duquel le brun avait bien l'intention de se glisser à la perfection. Ainsi, il toisa le géant, qui finit par se détourner pour attraper une couverture en peau d'animal, et il la leur jeta. Avec un grand sourire, Jack le remercia d'un hochement de tête, avant de se tourner pour étendre la pièce de tissu sur les jambes de la jeune femme, près de lui. Avec des gestes attentionnés, précis et doux, il lissa la peau d'animal sur es jambes, tout en prenant garde à ne pas trop appuyer sur sa peau brûlée, avant de relever la tête vers elle par réflexe, un sourire aux coins des lèvres, comme il en avait l'habitude. Mais ensuite, quand son regard rencontra le menton de la brune, il se souvint de son propre visage, défiguré, et il détourna la tête. Il ne voulait pas qu'elle le voit comme ça, que le souvenir de ses vrais traits ne s'atténuent pour être remplacés par les nouveaux, hideux. Du moins le pensait-il. Car, si, en ce moment, ce n'était pas joli à voir, c'était uniquement parce que la peau était encore à vif, et que c'était limite si on ne voyait pas l'os dessous. Mais quand tout aurait cicatrisé, le visage du jeune conserverait certes une grande cicatrice, mais pas de celles qui enlaidissent. De celles qui racontent une histoire.
Mais il ne s'était pas vu. Et il ne voulait pas qu'Adèle le voit comme ça. Il avait vu le dégoût dans son regard, quand elle l'avait vu, tout à l'heure. Il avait vu ce sentiment, cette expression, apparaître comme un coup de poing sur sa figure, dans ses yeux. Il avait vu son regard à elle sur lui changer. En un instant. Il ne voulait plus revoir cela.

Andrew et Shobbian eux, préférant oublier le temps d'un repas ce qu'ils venaient de vivre, se mirent presque à courir vers l'endroit où Jacob les emmenait. Et lorsqu'ils entrèrent dans la salle, les ventres affamés leur hurlèrent de se jeter sur tout ce qui se trouvait sur les tables. Jamais ils n'avaient vu autant de nourriture ! Comment cela était-il seulement possible ? Sur la table centrale se trouvaient gâteaux au chocolats ou petits pains, tandis que de l'autre côté, Andrew pouvait clairement apercevoir ce qui s'apparentait à ... Un repas bien garni !
N'écoutant que son estomac affamé et jetant un petit coup d’œil a Shobbian, le jeune homme se dirigea vers la table, attrapant rapidement de quoi se caler le ventre pour au moins deux jours, sous les yeux amusés et ahuris de ceux qui semblaient être les habitants de cet endroit. Mais il s'en fichait bien, de leur petit regard en coin, il crevait la dalle après tout ! Shobbian le suivit rapidement, et tous les jeunes se retrouvèrent ensembles à une table, agglutinés autour de la nourriture qu'ils avaient ramené. C'est seulement lorsque qu'Andrew remarqua Peter à l'autre bout de la table qu'il lâcha son assiette. Peter ? Mais qu'est-ce que Peter faisait ici ? Il n'avait pas été emmené par les Terriens en même temps que lui ? C'est pourtant bien ce qu'il avait cru jusque là ! Le jeune homme resta interloqué quelques secondes puis il se leva pour aller se jeter dans les bras de son ami.

La première inspiration fut la plus douloureuse. Tout d'abord, parce que quelque chose était collé à son visage. Un masque. Un masque qu'on donnait malades en cas d'insuffisances respiratoires. Ou était-il ? Le plus dur fut d'ouvrir les yeux. Non, de les garder ouverts. Tout était blanc. Blanc, blanc, blanc, et encore blanc. Une lumière à vous crever les yeux, si cela était possible.
Mais le pire, c'était la douleur qui irradiait tout son dos. Comme s'il avait été entièrement brûlé. C'est à ce mot qu'il se souvint. Brûlé. Totalement brûlé. Le feu. Les flammes. Il se revoyait la face contre terre, enfoncé dans celle-ci, écrasé par le poids du Terrien. Mais que c'était-il passé ensuite ? Et surtout, où était-il ?
Ca, c'était bien la question principale. Arrachant son masque, John inspira un grand coup. Et un grand bip lui perça les tympans.

Le garde l'avait escortée personnellement jusqu'au réfectoire, sans la quitter d'une seule semelle. Alors quoi, il avait peur qu'elle n'aille visiter un peu ? Il avait peur qu'elle ne lui file entre les doigts, qu'elle n'aille pas manger ? Rien que ça lui sembla suspect, et c'est donc sans lui adresser un regard que la brune se planta finalement devant la grande salle ouverte sur un couloir tout aussi grand, dans laquelle plusieurs dizaines de personnes s'agitaient, souriantes, à prendre des assiettes, ou bien déjà assises à des tables. D'ailleurs, tout ce que la jeune femme pouvait voir ne lui semblait que succulent. Par là, il y avait des pâtisseries, tandis que de l'autre côté, des soupes de tous les goûts et toutes les saveurs faisaient de l'oeil à la plupart de ceux qui semblaient habiter ici. Mais comment pouvaient-ils donc avoir une si grande diversité de mets ? Tout cela échappait bien à la Billie, qui, les bras pendants le longs de son corps, n'était pas encore rentrée dans la pièce. Elle était toujours plus que suspicieuse. Elle ne croyait pas à tout cela, et tout ce qu'ils avaient dû enduré avait ôté les miracles de son champs lexical. Car c'est bien de cela qu'il s'agissait, c'est bien cela qu'on leur faisait miroiter. Un miracle. Un putain de miracle. Pas de Terriens, pas de dangers, de la nourriture autant qu'on pouvait en avaler, de l'eau propre autant qu'on en avait besoin. C'est bien simple, ici, tout semblait parfait. Un vrai petit miracle, une oasis en plein milieu du désert. Mais, si Billie avait un jour été trop naïve et crédule, ce n'était plus le cas. Les événements s'étaient chargés de remédier à cela, tant et si bien que c'est un regard méfiant qu'elle porta sur ses camarades qui enfournaient petit four sur petit four, dans l'espoir de stocker le maximum avant qu'il n'y ait plus rien. Sauf qu'à priori, il n'y aurait pas plus rien. De ce qu'on leur faisait miroiter, ils pourraient se gaver de la sorte autant qu'ils le voudraient, tous les jours s'ils le souhaitaient.
Mais Billie n'y croyait pas. « C'est trop gros, trop beau pour être vrai. » se dit-elle. Mais était-ce de la paranoïa ? Etait-elle, au contraire, trop méfiante ? Plus qu'il ne le faudrait ? Elle ne saurait le dire, mais, en voyant les jeunes criminels si heureux, simplement d'être en vie et de pouvoir manger, la brune en douta un instant. Ils étaient tous vivants, avait dit Andrew. Mais ce n'était pas vrai. Il en manquait certains, qui se trouvaient avec eux dans la navette. Ceux-là avaient disparu, et la brune ne savait pas du tout ce qui leur était arrivé. Pourquoi n'avaient-ils pas été raflés avec eux ? Ou bien étaient-ils encore enfermés dans leurs chambres blanches immaculées ? Ou tout simplement disparus dans la nature, enlevés par les Terriens ? Oui, Andrew avait tort. D'abord ces jeunes là, et ensuite John. Que dirait-il, s'il se trouvait là ? S'il avait été à sa place, qu'aurait-il dit ? qu'aurait-il pensé de ce don du ciel ? De toute cette nourriture, de tous ces vêtements, de toute cette gentillesse ? Peut-être serait-il parmi les autres, en train d'enfourner une bouchée de ce gâteau au chocolat qu'elle voyait de là où elle était.

« - T'as pas faim, Pocahontas ? »

La voix désagréable à ses oreilles la tira de ses pensées, de ses sombres pensées, qui avaient fait naître une douleur qui, au fil du temps qui était passé depuis qu'elle s'était réveillée, était devenue quasiment omniprésente. Oui, si John était mort, c'était à cause d'elle. La merveilleuse idée de tuer les Terriens ? C'était elle. Cette même merveilleuse idée qui requérait un volontaire pour attirer les Sauvages. Un volontaire, ou plutôt un suicidaire, un sacrifice. Car c'était bel et bien de cela qu'il s'agissait. Un sacrifice pour que les autres puissent survivre. Oui. Si John était mort, c'était de sa faute. Et, malheureusement, elle n'aurait jamais l'occasion de se rattraper.
Ainsi, quand Jacob l'interrompit dans le fil de ses pensées, la brune le toisa un instant, avant de pénétrer dans le réfectoire.

« - Parce que tu m'observe ? A moins que tu ne sois chargé de surveiller le moindre de mes faits et gestes ? »

Et, tout en disant cela, la brune se servit un bol, qu'elle emplit de deux cuillères à soupe à peine rase seulement. Elle n'allait tout de même pas se laisser mourir de faim, mais elle ne voulait pas non plus profiter. Elle sentait le piège à plein nez, et n'allait pas tomber dedans.

Adèle ne l'avait pas quitté des yeux, toujours assise dans la même position. Allait-il rester encore longtemps, comme ça, à les observer ? Que voulait-il donc leur faire ? La petite brune ne comprenait pas, bien qu'elle se creuse les méninges pour tenter de trouver une solution quelconque à leur problème. Ils n'allaient pas finir leur vie ici, tout de même, après avoir survécu au carnage des jours précédents. D'ailleurs, depuis de jours étaient-ils là ? Combien de temps s'était-il passé ? Le sauvage les avait-il trouvés par hasard ou les traquait-il depuis longtemps ? Etait-il avec toute l'armée ou bien solitaire ?
Soudain, une sombre pensée traversa l'esprit de la jeune femme. Et si jamais l'un d'entre eux avait tué quelqu'un de proche de ce Terrien ? Les avait-il ramenés, soignés, pour pouvoir ensuite les torturer ? Suite à cela, quelque chose lui revint à l'esprit. Le sac d'armes. Bordel, cela devait-elle être lui qui les avait ! Qu'allait-il en faire ? Qu'en avait-il déjà fait ?
La suite de ses pensées fut directement rompue par l'intervention de Jack, qui venait de sèchement demander une couverture à l'homme. Dès que celui-ci la reçut, il se tourna légèrement vers elle pour poser délicatement la couverture sur ses jambes, et durant quelques instants, elle crut qu'il allait la regarder dans les yeux. Mais il se détourna immédiatement, son sourire disparaissant de ses lèvres. Cela fit un petit pincement au cœur de la jeune femme, et elle baissa la tête quelques instants. Pourquoi agissait-il ainsi ? Avait-il peur pour lui ou pour elle ? Sûrement pour lui. Cette peur de pouvoir apercevoir dans ses yeux une nouvelle étincelle.
Lorsqu'elle releva la tête, le sauvage avait disparu. Elle sentit étrangement comme l'impression qu'un poids se relâchait de ses épaules. Même s'il les avait sauvés, il lui faisait toujours une impression bizarre. La jeune femme poussa sa jambe pour pouvoir s'allonger et regarda le plafond quelques instants avant de se tourner pour être face au dos de Jack. Il lui tournait le dos, et n'avait pas l'air de vouloir remédier à cela.

« - Jack s'il te plait ... »

Toujours sous la couverture, la jeune femme fixait intensément le dos du jeune homme, espérant qu'il se retourne.

Oui, Jack lui tournait le dos. Allongé sur le côté, il avait fixé le Sauvage dans les yeux jusqu'à ce que ce dernier finisse par tourner les talons et les laisser seuls dans cette grotte étrange, que le brun avait légèrement saccagé en apprenant pour son visage. D'ailleurs, cette colère là ne s'était toujours pas estompée, et le brun n'était pas prêt à affronter le regard de son ami. Il n'était pas prêt à ce qu'elle le voit comme ça ... Il ne voulait pas que tout change, tout simplement. Ils venaient enfin de recouvrer un semblants de sérénité, tous les deux, et voilà que tout ça leur tombait dessus. Tout ça par sa faute à lui. Sa putain de faute à lui. S'il ne lui avait pas dit de courir, ils ne seraient pas là. S'ils ne lui avait pas dit de tirer, ils ne seraient pas là. Tout était de sa faute. Absolument tout.
Il sentit alors un mouvement sous la couette, et sut que la brune s'allongeait enfin, sans savoir par contre qu'elle se tournait vers lui. Cela cependant, il l'apprit peu de temps plus tard, quand elle l'intima de se tourner vers elle. Mais il ne voulait pas qu'elle le voit ainsi. Il ne voulait pas qu'elle ait peut de lui, qu'elle soit dégoûtée, qu'elle ait pitié de lui.
Mais l'entendre ainsi le fit fermer les yeux, et le brun soupira longuement. Il ne pouvait pas simplement l'ignorer royalement. Ils avaient tous deux beaucoup trop souffert quand elle l'avait ignoré, et il n'avait nullement envie que tout recommence, encore. Alors, il finit par se mettre sur le dos. Mais il ne se tourna pas vers elle, ne lui offrant que son profil intact. L'une de ses mains était sous sa tête, tandis que l'autre reposait simplement sur la couverture.
Et il ne dit rien. Il lui montrait qu'il ne l'ignorait pas, mais il ne voulait pas croiser son regard. Il ne voulait pas qu'elle voit son visage déformé.

Mais qu'est-ce que c'était que ce bruit ? Était-ce un mécanisme d'alerte qui s'enclenchait lorsque le patient se débranchait de l'une des machines ? Parce que c'était le cas. Le masque qui compressait son visage quelques plus tôt répandait désormais son gaz dans la pièce, tandis que John cherchait à reprendre sa respiration. Mais allongé sur le ventre comme il l'était, c'était plutôt difficile. Tout d'abord parce que ses côtés étaient compressées, et qu'il devait probablement en avoir une fêlée. Ensuite parce qu'à chaque fois qu'il bougeait, il avait l'impression que sa peau dorsale se déchirait. Et a vrai dire, il n'arriva pas à retenir une larme de douleur, enfonçant ses ongles dans le lit sur lequel il était.

« - Merde ! » jura-t-il en se rendant compte qu'il lui était totalement impossible de bouger.

Les dents serrées, John releva la tête, la vision toujours aussi floue, et remarqua qu'il était accroché à plusieurs perfusions. Depuis combien de temps était-il là ? Et ou était-il ? Et ce bruit incessant ne pouvait-il donc pas s'arrêter ?

« - Ya quelqu'un ? Hého, ya quelqu'un ? » hurla-t-il.

Mais aucune réponse, pour le moment. Rien du tout, silence total. Et épuisé, John ne retenta pas d’appeler, laissant sa tête retomber sur l'oreiller. Pour tout dire, à part le fait qu'il se demandait où il était, John se posait plusieurs questions : dans quel état était son dos, qui le faisait presque hurler de douleur à chaque déplacements ? Qui l'avait emmené ici ?
Mais surtout avait-il réussit ? Les 100 étaient-ils sauvés ? Billie était-elle en sécurité ? Avaient-ils trouvé un endroit où se cacher ?
Alors qu'il continuait de se poser des questions, le jeune homme fut interrompu dans le cheminement de ses pensées par l'entrée de quelqu'un dans la pièce. De plusieurs personnes, a vrai dire, mais il n'arrivait pas à les voir. Ils s'agitèrent autour de lui, lui posant des questions auxquelles il ne savait pas répondre, et auxquelles il ne comprenait rien. Et puis soudain, il sentit un étrange sentiment. Celui de flotter. Ce n'est que lorsqu'il remarqua l'aiguille qu'il comprit qu'on lui avait injecté un anesthésiant. Et qu'il rechuta.


Le dénommé Jacob la regarda se servir de la soupe en souriant, les bras croisés sur son torse recouvert de sa tenue de garde.

« - C'est sûr qu'avec une névrosée comme toi, il faut surveiller tout ce que tu fais doit être surveillé ! » raillai-t-il avant d'attraper à son tour une assiette en lui souriant.

Le grand blond se servit rapidement avant de se retourner à nouveau vers Billie, la détaillant l'espace de quelques instants. Cette fille semblait solide. Par son caractère. Son physique lui, laissait plutôt sous-entendre qu'elle était facilement brisable. Étonnant qu'ils l'aient prise comme chef. Plus qu'étonnant même.

« - Je ne te propose pas de venir manger à notre table, vu que tu vas gentiment décliner, non ? »

Il avait pris le soin de rajouter, en même temps que le mot décliner dans sa phrase, un sourire amusé sur ses lèvres. D'un léger geste de la tête, il désigna une table remplie de jeunes gens qui mangeaient tous ensembles, à quelque pas seulement de celle du " peuple " de Billie. Accepterait-elle, ou bien resterait-elle avec ses amis ? Ils avaient sûrement besoin d'elle, après tout. Mais eux aussi. Et encore plus.