Et, encore une fois, c'est un silence assourdissant qui répondit à sa phrase. Pourquoi toujours ce silence, alors que quelques temps plus tôt, c'étaient les rires qui fusaient entre eux, les remarques amusées, moqueuses, tout en restant gentilles. Et désormais, c'était le néant. Le silence, le vide. On pouvait entendre une mouche voler entre eux, on pouvait entendre les rugissement du vent qui volaient furieusement entre eux, sans rien rencontrer pour le stopper. Alors, sans qu'il le veuille vraiment, il se crispa. Pour ne rien dire de blessant, pour ne pas se dégager d'un coup sec du bras. Pour ne pas faire aussi mal qu'il avait mal, et pour ne pas tout jeter par terre alors qu'il avait fait tant d'effort, pour ne tout foutre en l'air alors que tout n'était peut-être pas perdu. Et ce, même si, plus le temps passait, et plus il en doutait.
On dit que l'espoir fait vivre. Peut-être est-ce vrai pour un temps. Mais vient toujours un moment où la désillusion arrive et fait tomber de haut. Alors, là, en cet instant, perdu en plein milieu de la forêt, avec la main d'Adèle dans la sienne, le beau brun se demanda s'il valait mieux vivre une vie d'illusions, avoir l'esprit dans les étoiles et le coeur rempli de lumière solaire pour ensuite tomber et se briser en mille morceaux en rencontrant enfin la vraie vie et la réalité, ou bien vivre toute une vie, le coeur et l'esprit accroché à la terre, pour ne pas ensuite se briser les ailes en dégringolant d'un immeuble de mille étages ? Peut-être, en cet instant, souhaita-t-il ne pas avoir fait la connaissance de la jeune femme. Tout aurait été plus simple. Absolument tout. Oh oui, il aurait certainement eut moins de moments joyeux, de moments dont il se souviendrait certainement toute sa vie, mais il n'aurait aussi pas eu tout ce doute et cette attente, ces efforts et ces désillusions.
Et, pendant que le brun divaguait et laissait ses pensées sombres voguer dans son esprit librement, son esprit chocolat vagabondait sur le paysage qui l'entourait. Les immenses arbres les dépassaient de leur ancienneté et de leur majesté, et, durant un instant, en levant la tête, Jack s'imagina à la place de ces être centenaires qui avaient vu la Terre grandir, s'épanouir, pour ensuite sombrer dans le chaos et revenir à un état d'innocence et de nature. Comment avait été la vie sur Terre avant la grande catastrophe ? Quelles étaient les activités des hommes quand les villes couvraient la surface du globe terrestre ? A quoi ressemblaient les monuments dont ils avaient tous entendu parler ? Et comment avaient réagi ceux qui étaient restés jusqu'à la fin, ceux qui avaient vu leur Terre se déchirer, mourir sous leurs yeux ? Comment avaient-ils pu se regarder les uns les autres, périssant, chacun jour après jour, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un homme, sur Terre ?
Ce fut un bruit sourd sous ses pieds qui le firent cependant sortir de ses pensées, et il baissa la tête en s'arrêtant. Quel était ce bruit ? ...
Les têtes approuvaient en allant d'avant en arrière à l'unisson sous les paroles du jeune homme. Les regards ne le quittaient pas des yeux, le dévoraient, même. Et, surtout, alors qu'ils étaient une centaine, hormis sa voix grave, aucun bruit ne sortait d'aucune bouche. Tout était silencieux. Alors, que, dehors, là, à seulement quelques centaines de mètres, une armée de Terriens assoiffés de vengeance et armés jusqu'aux dents n'attendaient qu'une chose pour passer à l'attaque. Certainement un ordre venant d'une personne haut placée. D'ailleurs, qui dirigeait les sauvages ? Ici, il était clair que John avait le plus la figure du leader, mais dehors ? Qui gouvernait ce peuple sauvage aux lois bestiales et à la mentalité primaire ? Qui pouvait bien régner sur ce peuple vivant uniquement pour la vengeance et la guerre ?
« Il nous faut des armes. », ne cessait-elle de se répéter. Des armes. Mais pas de vulgaires bâtons, non, car contre des arcs, des flèches et des épieux, des bâtons ne pourraient rien faire. Mais les bombes d'Adèle pourraient vraiment être utiles. Peut-être même pourraient-elles les sauver. Mais pour ça ... Il fallait juste les terminer. Ou, même pas, il suffisait peut-être de laisser tout leurs composants à l'air libre, à même le sol. Billie ne s'y connaissait pas en bombe, mais, alors que John revigorait les troupes, la petite brune, le visage fermé, les lèvres pincées et des mèches de cheveux quelque peu devant les yeux, réfléchissait. Dans son esprit, tout tournait. La locomotive tournait à plein régime et s'efforçait de mettre bout à bout toutes les bribes de pensées de la jeune femme pour qu'elle puisse enfin avoir une vue d'ensemble de l'idée qu'elle avait eue. Il fallait juste mettre les bombes tout autour de la station, se répéta-t-elle pour ne pas perdre le fil. Oui, mettre les bombes tout autour, presque avec leurs composants à l'air libre.
Elle releva subitement la tête quand quelqu'un devant elle leva la main et que son champs de vision fut obstrué. Où en était-elle ? Où allait-elle en arriver, avant qu'on ne la dérange dans ses réflexions ? A quelle conclusion allait-elle arriver ? Elle serra les dents sous la frustration et regarda les deux techniciens rejoindre la station, quand, soudain, son regard se posa sur la vielle carcasse rutilante. Et, dans le métal de la navette, le soleil se refléta et vint frapper sa pupille. La lumière explosa dans sa rétine en une multitude de débris colorés, rouges, oranges, jaunes, bleus. Elle vit le feu, dévorer la clairière, se répandre partout. Elle vit des corps courir dans tous les sens. Quelqu'un la bouscula alors et elle reprit pied avec la réalité, tandis que la pensée qu'elle venait d'avoir se gravait dans son esprit. Voilà où elle voulait en venir ... Le feu. Le feu éloignait les bêtes sauvages. Il brûlaient les imperfections. Le feu pourrait peut-être les sauver.