Cinquième partie

Une fois servie, Billie se retourna, à moitié agacée par la présence de JAcob derrière elle, et elle attendit patiemment qu'il se décale avant de se diriger vers la table où ses amis déjeunaient tranquillement, en riant, en souriant, en blaguant. Depuis combien de temps n'avaient-ils pas été si heureux, si tranquilles ? Quelque part, Billie s'en voulait de venir perturber tant de calme et de tranquillité. Mais elle s'n voudrait plus encore si jamais il leur arrivait quelque chose. Surtout qu'elle ne sentait pas du tout cet endroit. Quelque chose ne tournait pas rond, ici.

« - Une névrosée comme moi ? Peut-être que vous auriez dû me passer une camisole et me garder enfermée dans cette chambre blanche, dans ce cas. »

Quiconque des 100 l'aurait entendue aurait été surpris. Car Billie avait toujours été agréable, amicale, avec tout le monde. Sauf peut-être avec John, mais lui avait le don de la mettre hors d'elle ... Tandis qu'elle ne voulait pas sympathiser avec l'ennemi. L'ennemi. Le mot qui lui était venu principalement pour désigner ceux de Mont Weather. Ennemi, alors qu'ils leur offraient tout. L'hospitalité, des vêtements, à manger. Et pourtant, elle sentait que quelque chose clochait.

« - Je décline gentiment. »

Elle tourna la tête vers lui, et lui adressa un fin sourire à la limite de la politesse, avant de se diriger vers la table où ses amis mangeaient. Ne pas faire d'histoires, mais mener l'enquête. Par tous les moyens possibles et imaginables.

lle crut qu'il ne se retournerait jamais. Qu'il allait l'ignorer sans même lui adresser une seule parole. Et c'est presque ce qu'il fit. Il ne prononça aucun mot et se tourna sur le dos, ne lui offrant que son profil encore en bon état.
Cela lui arracha un deuxième pincement au cœur. Pourquoi refusait-il donc de se monter à elle ? Avait-il donc si peur de son regard ou cherchait-il simplement à cacher ses traits abimés ? Et pourquoi faisait-il cela ? L'avait-elle blessée ?
Toujours allongée sur son flanc droit, intact, la jeune femme le regardait avec intensité, incapable de lui dire autre chose. Ne voulait-il donc rien entendre ? Pourtant, elle était prête à ce qu'il lui parle, ou inversement. C'est pourquoi la jeune femme leva un peu sa main pour aller la poser sur la joue intacte du jeune homme, espérant que ce contact le pousse à se tourner vers elle.
Elle n'arrivait pas à sourire, pourtant, et elle avait peur que, si jamais il se retournait, il reparte dans l’idée que tout était de sa faute.

« - Jack je t'en prie regarde moi. Je ne veux pas que tu me fuies du regard comme ça. Tu ne peux pas me laisser. »

Non, il ne pouvait pas se laisser tomber. Ils étaient tous les deux dans la merde jusqu'au coup, alors si jamais il se passait quelque chose, ils devaient pouvoir compter l'un sur l'autre, et elle ne voulait pas qu'il se sente rejeté, alors que ce n'était pas le cas. Rien n'était de sa faute, elle ne voulait surtout pas qu'il s'en veuille. Et puis après tout, sa jambe finirait pas se soigner, non ?

Lui aussi avait cru qu'il ne se retournerait jamais. Mais ils avaient tous les deux bien trop souffert de l'ignorance mutuelle qu'ils s'étaient portés durant trop longtemps. Mais il avait fini par le faire, ou du moins à moitié, et dissimulait ses traits déformés par les flammes derrière sa joue encore lisse et dénuée de cicatrices. Il ne la regardait pas, d'ailleurs, et se contentait de fixer le plafond de ses prunelles brunes. A quel point était-il laid, à présent ? se demandait-il certainement. A quel point faisait-il peur ?
Mais avant qu'il ne se pose une autre question, il sentit, de nouveau, la main fraîche d'Adèle se poser sur sa joue, et, comme précédemment, ce simple contact provoqua une vague de frissons qui provoquèrent une autre vague, mais de douleur, cette fois, quand sa peau brûlée fut hérissée de chaire de poule.

« - Tu ne peux pas me laisser. »

Si le contact de la main de la brune ne l'avait pas fait se tourner, ses paroles, elles, le firent, et c'est en secouant la tête que Jack finit par tourner la tête vers elle. Au début, il ne la regarda pas, se contentant de se tourner sur le côté, afin qu'elle puisse le voir. Voir à quel point il était devenu ignoble, voir à quel point les flammes avaient fait fondre ses chairs. Afin qu'elle puisse contempler toute l'horreur qu'il avait causée, de part ses décisions hâtives. Mais il ne la regardait pas, pas encore, et se contentait de laisser ses prunelles fixées dans le vide. Il avait vu la pitié, dans son regard, quelques dizaines de minutes plus tôt. Et y avait-il vu aussi du dégoût ? Cette pensée faillit le faire se retourner. Mais il ne le fit pas, bien malgré le fait que tout son corps le pousse à le faire.

« - Jamais je ne te laisserais, Adèle. »

Oh ça oui, ils auraient pu l'enfermer. Et tous les tuer, directement. Oui bien, les laisser mourir dehors. Mais ils avaient besoin d'eux, irrémédiablement et surtout, ils avaient besoin de leur chef. Parce que c'était elle qui donnerait le mouvement. C'était elle qui les écouterait. Il fallait donc seulement la convaincre, la caresser dans le sens du poil, et tout irait bien.

« - Je décline gentiment. » répondit-elle finalement.

Oh mais il s'y attendait forcément. Qu'aurait-elle répondu d'autre ? Il fallait qu'elle reste avec les siens après tout, il était vrai qu'ils devaient avoir besoin d'elle, même s'ils semblaient plutôt heureux en ce moment, tous à rire autour de la table, s'empiffrant comme s'ils n'avaient pas mangé depuis des semaines. Ce qui était peut-être le cas, en fin de compte. Il ne savait pas vraiment, il n'avait pas été mis au courant. Il n'était qu'un simple garde, après tout, un simple garde avec une mission bien précise.

« - Dans ce cas je vais me joindre à vous. Comme ça, si vous avez des questions à poser à propos du Month Weather, j'y répondrais. »

Le blond l'avait, tout en disant ces paroles, retenue pour qu'elle puisse l'entendre, puis il lui avait lâché un sourire et l'avait accompagné jusqu'à la table, qui soudain devint silencieuse, avant que les discussions reprennent. Pour la plupart d'entre eux.

Il ne bougeait pas. Pourquoi ne bougeait-il pas ? Elle voulait qu'il se retourne, qu'il la regarde dans les yeux et qu'il n'y voit aucune trace de dégoût. Jamais elle n'avait voulu le faire souffrir, mais se retrouver face à son visage meurtri l'avait perturbée, c'était le moins à dire. Durant quelques instants, elle crut que rien n'y ferait, et qu'il continuerait à se cacher, n'osant pas lui montrer son visage défiguré.
Et puis soudain, il se tourna vers elle. Sans la regarder, son regard fuyant toujours comme s'il ne voulait toujours pas lui accorder le droit de se jeter dans ses yeux. Son regard tomba alors à nouveau sur la partie balafrée de la jeune femme, et ses yeux brillèrent quelques instants, retenant peut-être quelques larmes en pensant à tout ce qui leur était arrivé. Ils avaient failli mourir, mais le Terrien les avait sauvé. Et voila que maintenant, ils étaient plus que dans un sale état. Tous les deux brûlés, et lui défiguré, tandis qu'elle même se retrouvait avec une jambe incapable de réagir. S'en remettraient-ils ? Arriveraient-ils à sortir d'ici ? Elle ne savait pas. Mais ce qu'elle savait, c'est qu'il fuyait encore.

« - Et moi non plus Jack. Jamais. »

A la suite de ces mots, la jeune femme esquissa un mince sourire, espérant qu'il finisse tout de même par arriver à baisser les yeux vers elle, qui ne l'observait pas, ne le détaillait pas, se contentait juste de garder à l'esprit qu'ils étaient encore vivants, et que peut importait le fait qu'ils soient tous les deux blessés. Ils étaient vivants. Ainsi, elle aurait peut-être encore le temps de rattraper les regrets qu'elle avait éprouvé en croyant mourir. Ses yeux papillonnèrent l'espace d'un instant, son visage beaucoup trop près de celui bu brun qu'elle arrive à rester fixe.

Il ne pouvait tout simplement pas la lâcher ? Parce qu'elle avait l'impression que depuis qu'elle avait été emmenée à l'infirmerie pour être présentée et pour rencontrer Wallace, elle n'était jamais seule. Il y avait toujours un garde dans els environs pour vérifier qu'elle ne faisait rien de mal, pour la garder à l'oeil, pour vérifier le moindre de ses faits et gestes. Ou si ce n'était pas le cas, du moins avait-elle cette impression désagréable. Et voilà que cet énergumène plus ou moins agaçant, à la peau bien trop pâle et à l'accent dérangeant, ne la quittait pas d'une semelle depuis qu'elle était entrée dans le self. Seulement, par diplomatie, elle ne pouvait pas simplement lui demander de la laisser deux minutes respirer car, quoi qu'elle puisse penser, ici, on se donnait du mal pour qu'ils aient l'impression de se trouver au paradis. Mais voilà, elle trouvait tout ça bine trop beau pour être vrai. Si vraiment ils étaient aussi gentils et accueillants qu'ils le disaient, alors pourquoi ne les avaient-ils pas accueillis avant cette tuerie ? Car s'ils l'avaient fait, alors John serait encore en vie. Raison de plus de ne pas leur faire confiance. Ils avaient eut tout le temps qu'ils avaient voulu pour venir les chercher, mais, comme par hasard, ils venaient juste au moment où ils étaient le plus vulnérables. Si ce n'est pas une coïncidence, ça, songea-t-elle amèrement en s'asseyant à table.

« - Je suppose que tu ne nous laisse pas le choix. » répondit-elle en lui glissant un regard en coin, tandis qu'Andrew et Shobbian se taisaient, imités par tous les autres, avant de reprendre lentement le fil de leurs conversations.

Mais bon sang, ne pouvait-il donc pas les laisser manger entre eux ? Ils avaient des choses à se dire, des plans à élaborer, et s'il restait là comme un chien de garde, jamais ils ne pourraient le faire ! Mais justement, peut-être que c'était bien là le but de toute cette histoire et de toute cette mascarade. Alors, en rongeant son frein, Billie commença à manger, portant la cuillère à sa bouche. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle apprécia ce qu'elle avala, et ce, même si tout ici la dégoûtait et la repoussait. C'était bon. Délicieux, même. Tant de saveurs, de nuances .. Jamais elle n'avait mangé quelque chose comme ça, ni sur l'Arche, ni sur Terre. Mais elle ne se laisserait pas acheter.

« - Vous savez où sont les autres ? Carter, Maïa et quelques autres ont disparu.
- Et John ? Il est peut-être encore vivant. »

De loin, Billie les écoutait discuter, sans prendre part aux conversations toutefois. Mais quand elle entendit le prénom du brun, la jeune femme tiqua et releva la tête, le regard totalement hermétique. C'était vain et inutile d'espérer que John soit vivant, car cela relevait du miracle, de l'utopie. John était mort, il n'y avait pas d'autre option possible. Brûlé, calciné, explosé, à l'instar de tous ces Terriens qu'ils avaient envoyés au Ciel ou en Enfer.

« - Il est mort, alors cessez d'espérer inutilement. » répondit-elle, presque sèchement.

Ce qui eut le don de faire taire les autres, qui se tournèrent tous vers elle. Et, en voyant leurs regards, la brune fut désolée. Ils espéraient encore, les pauvres. Ils espéraient encore que John s'en soit sorti. Mais c'était bel et bien impossible. Comment aurait-il pu ? Et, même en imaginant qu'il ait pu réussir à échapper aux flammes, ce qui était presque inimaginable, il avait certainement dû être blessé par les Terriens. Alors non, il n'y avait pas d'espoir, aucun, pas même la plus minuscule lueur d'espoir. Absolument rien. Et elle, plus que quiconque, se refusait d'espérer. Car s'il était mort, c'était à cause d'elle.

« Et moi non plus Jack. Jamais. »

Le brun ferma les yeux en l'entendant, retenant l'envie irrésistible de se tourner sur le dos, puis de dissimuler son visage en se tournant de nouveau d'un quart de tour. Mais il ne le fit pas, repoussant cette envie loin de sa conscience. Il ne pourrait pas se cacher indéfiniment, de toute manière. Il ne pourrait pas éviter son regard si longtemps que cela, tout simplement parce qu'il n'y arriverait pas, et que, même s'il arrivait à tenir quelques temps, viendrait bien un moment où son attention se relâcherait et où il finirait par enfin croiser son beau regard.
Ainsi, il finit par rouvrir les yeux, et, lentement, il les releva vers elle. Et, quelques secondes plus tard, il plongeait son regard dans le sien, enfin, mais une boule au ventre et dans la gorge. Se rendait-elle compte à quel point c'était dur ? Certainement. Oui, elle n'était pas idiote, elle devait bien se douter, ou du moins imaginer, ce que c'était que devenir défiguré du jour au lendemain. Tout comme lui comprenait parfaitement que tout ça, c'était sa faute. Elle, ne pouvant plus marcher normalement, c'était de sa faute. Comme son visage, leurs brûlures. Sa faute. Sa faute. Sa faute.

« - Je suis désolé, Adèle. » souffla-t-il, tandis que sa respiration à elle effleurait son menton tant le visage intact de la brune était près du sien, du monstre de sien.

A la suite de la jeune femme, Jacob se glissa en direction des jeunes, s'asseyant finalement près de la brune. Les discussions stoppées avaient finalement repris de plus belle, quoique quelques jeunes lui jetèrent des regards furtifs de temps en temps, le surveillant du coin de l’œil. Notamment celui qui était en bout de table, à côté d'une grande blonde costaud. Andrew, si sa mémoire était bonne. Bien malgré le fait qu'il soit en train de s'empiffrer, enfournant gâteau aux chocolats et autres délices, il semblait être légèrement méfiant. Et il ne fallait surtout pas que cette méfiance s'installe. Lorsqu'ils auraient fini de manger, il les emmènerait au dortoir qui leur avait été réservé.

« - Vous savez où sont les autres ? Carter, Maïa et quelques autres ont disparu.
- Et John ? Il est peut-être encore vivant.
- Il est mort, alors cessez d'espérer inutilement. »

Après les mots de la jeune femme, un grand silence se fit. Elle avait répondu sèchement, comme si cela la dérangeait qu'on parle de ce John, qu'on y fasse la moindre allusion. A vrai dire, même si Jacob était au courant de nombreuses choses dont certains du Month Weather ne l'étaient pas, il y avait de nombreuses choses qu'il ne savait pas. On ne lui avait pas parlé de ce John, quel qu'il soit, mais d'après ce qu'il avait entendu chez les jeunes, il semblait être leur ancien chef, apparemment mort dans la bataille. Tant mieux, il aurait sûrement été trop difficile de le gérer, après tout.
Mais cela avait-il une relation avec la rumeur qu'il avait entendue courir dans les couloirs ? Celle comme quoi un patient se trouvait dans une salle de réanimation, dont tout le monde ignorait l'origine ?
Jacob détestait qu'on lui cache des choses. Surtout ce genre de choses. Alors il irait mener son enquête. Après tout, soit on lui répondait, soit il y arriverait tout seul. Car ce patient était un obstacle à sa mission, ils auraient du lui en parler.

« - Alors dites moi, personne n'a de questions ? » finit-il par lancer, rompant le silence.

Tous les yeux se tournèrent vers le blond, qui souriait, les mains tranquillement posées sur la table. Il était là pour leur répondre, après tout. Et il savait bien que bon nombre d'entre eux devaient être curieux, il ne restait plus qu'à espérer qu'ils ne le soient pas trop.
Une voix s’éleva, au milieu des autres. Jacob eut du mal à en trouver l'origine, mais il s'agissait d'une jeune fille, sûrement plus petite que les autres, qui venait de demander la parole, élevant timidement la voix.

« - Est-ce que nous sommes en sécurité, ici ? »

Elle avait du mal à respirer. Peut-être à cause de leur proximité réduite, ou bien tout simplement parce que respirait lui déchirait encore les poumons. Elle resta ainsi longtemps, retenant presque son souffle qui venait lécher le cou du jeune homme, espérant qu'il finisse par baisser les yeux vers elle, ou tout du moins qu'il ne se retourne pas. Elle voulait qu'il comprenne qu'elle l'aimerait tout autant avec cette marque sur le visage, et surtout qu'il ne devait pas croire que tout était de sa faute. Ils avaient tous les deux pris leur décision, et sauver leur peuple faisait partie de leurs devoirs, ainsi ne devait-il pas s'en vouloir inutilement.
Mais sûrement souffrait-il aussi de ne plus être le même. C'était même probablement ce qui devait lui faire le plus de mal. Savoir qu'il garderait toute sa vie cette future cicatrice sur le visage. Mais c'était une blessure de guerre, quelque chose qui leur rappellerait leur lutte, et qui s'estomperait peut-être un peu avec le temps. Car pour l'instant, il était réellement défiguré, mais la chair taillée profondément ne prenait pas toute la partie de son visage, ainsi s'en sortirait-il avec peut-être moins de traces que ce qui recouvrait son visage. Et puis, le travail du Terrien ferait peut-être effet. Elle espérait sincèrement qu'il soit aussi efficace sur sa jambe, qu'elle ne sentait plus actuellement, et dont elle l'avait unique ressentiment que c'était un poids accroché à son corps. Cette pensée lui fit baisser les yeux quelques instants, mais elle les releva en observant Jack.
C'était difficile pour tous les deux, mais ils ne devaient pas s'abandonner. Lorsqu'il répéta encore une fois qu'il était désolé, Adèle plissa nerveusement les sourcils, à défaut de ne pas pouvoir secouer la tête étant donné qu'ils étaient allongés sur le côté. La jeune femme passa de nouveau sa main froide sous le visage de Jack pour atteindre le côté en bonne santé de son visage, ayant de peur de le blesser et de défaire les étranges pansements que le sauvage avait tenté de faire de l'autre côté.

« - Arrête. Je ne veux pas que tu considère que ce qui nous est arrivé est de ta faute. On a tous les deux pris nos décisions en sachant très bien ce qui pourrait nous attendre. Je ne veux pas que tu crois responsable de ce qui c'est passé, et surtout je ne veux pas que tu penses que je cesserai de te regarder comme avant à cause de ton visage. Mon regard ne changera pas sur toi et ... »

Elle s'arrêta, ses lèvres se fermant presque immédiatement. Que devait-elle lui dire pour qu'il comprenne qu'elle ne lui en voulait pas, qu'elle ne lui en voudrait jamais et qu'elle n'avait même jamais pensé à lui en vouloir ? Elle aussi sentait son souffle chaud envahir son cou à intervalles régulières, et si proche de lui, elle pouvait presque sentir battre son cœur. Que devait-il lui dire pour qu'il comprenne tout ? Tout ce qu'elle aurait aimé lui dire, ou tout ce qu'elle essayait de dire ?

Suite à sa réponse, un grand silence se fit, légèrement gêné, mais aussi et surtout, lourd de sens. Tous baissèrent la tête dans leurs assiettes, et Billie ne fit pas exception. Car, s'ils étaient encore en vie aujourd’hui, c'était grâce à lui. Grâce à son sacrifice. Mais espérer que John en avait réchappé était totalement inutile, sans compter que l eretour à la réalité n'en serait que plus douloureux. Autant se faire une raison le plus rapidement possible, et, bien que Billie n'ait pas encore laissé toutes ses émotions libres, en elle, elle avait commencé à se dire que jamais plus elle ne pourrait voir son sourire en coin qu'elle avait tant détesté, au début, mais qui faisait tellement partie de lui que la brune ne l'imaginait même pas sans. Elle avait commencé à réaliser que jamais plus elle ne croiserait son regard, que jamais plus il ne la ferait chier comme il savait si bien le faire. Non, tout ça, c'était fini. John, c'était fini. Désormais, son corps calciné devait certainement commencer à pourrir sous terre, ou bien à l'air libre, s'il n'avait pas réussi à rejoindre le tunnel. Elle imagina, dans une pensée macabre, les vers ramper sur sa peau moisissante, elle visualisa ces bestioles plus écoeurantes les unes que les autres entrer et sortir de ses orbites, de son nez, de sa gorge.
Un haut le coeur la prit alors, et elle reposa sa cuillère avant de s'essuyer le coin des lèvres. Penser à cela n'était pas une bonne idée. Il fallait avant tout qu'elle garde l'image de lui qu'elle avait toujours eue. Celle de ce type brun, arrogant, souriant, chiant, mais qui au fond pouvait se montrer plus que protecteur, ce qui était assez énervant par certains côtés. Oui, il fallait qu'elle se souvienne de ce John là, de celui qui l'avait embrassée avant de l'assommer, celui qui lui avait sauvé la vie, celui dont elle était petit à petit tombée amoureuse, certainement, mais qui était désormais mort.

« - Est-ce que nous sommes en sécurité, ici ? »

Une petite voix s'éleva alors parmi le silence qui était tombé après la question de Jacob, et la brune releva la tête, heureuse d'être tirée de ses pensées morbides. Eux, en sécurité, ici ? Bien sûr que non ! avait envie de hurler Billie. Ne se rendaient-ils pas compte que tout ça n'était qu'un piège destiné à les appâter ? La jeune femme n'en revenait pas de tant de crédulité, mais à vrai dire, elle ne pouvait pas vraiment s'exprimer, avec le chien de garde à côté d'elle. Aussi, elle tourna la tête vers lui et lui sourit poliment, avant de se tourner vers la petite Charlotte, la plus petite du groupe.

« - Pour le moment, il semble que nos hôtes n'aient que des volontés honorables. »

Elle posa ensuite sa serviette sur la table et se leva. Les pensées qu'elle avait eue lui avait coupé l'appétit, et jamais elle ne pourrait avaler quoi que ce soit après ça. Aussi se tourna-t-elle vers ses amis. Elle devait les rassurer, après tout.

« - Je croyais qu'on devait nous montrer nos quartiers ? » fit-elle en se tournant vers Jacob.

Car elle ne voulait pas qu'il puisse bourrer le crâne de ses amis. Ils ne se méfiaient pas, croyaient être au paradis. Ils goberaient tout ce qu'on leur dirait.

« Mon regard ne changera pas sur toi »

Le brun détourna instantanément le regard. Evidemment que si, son regard allait changer sur lui. Comment aurait-il pu en être autrement ? Il avait une moitié du visage défigurée, putain, défigurée ! Ce n'est pas une chose anodine, avec laquelle on vit comme si on avait une entorse au poignet pour un mois ou deux. Ce n'était pas quelque chose que l'on pouvait ignorer, à laquelle on pouvait cesser de penser. Au contraire. Tout ne faisait que le lui rappeler. Les tiraillements de sa peau, les moindres tics inconscients qui lui faisaient mal. Tout le lui rappelait. Alors comment elle, qui le voyait comme ça, horrible qu'il était devenu, monstrueux qu'il était devenu, pourrait-elle garder le même regard sur lui ? C'était impossible.
Mais il finit néanmoins par retourner la tête vers elle, et son regard se posa sur ses lèvres qui s'étaient fermés quand elle avait arrêté de parler. Quoi ? Que voulait-elle dire après ce « et » ? Qu'y avait-il à la fin de cette phrase ? Le jeune homme aurait bien aimé connaître le fin mot des pensées de son amie, mais elle se tut, et ne sembla pas savoir quoi ajouter. Et lui, que voulait-il dire ? Que voulait-il qu'elle dise ?
A l'instar de la brune, si près de lui, il sentait presque son coeur battre, il voyait sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration, et ressentait son souffle frais sur sa peau meurtrie, ce qui l'apaisait plus qu'il n'aurait osé l'avouer. Que voulait-il lui dire ? Que voulait-elle qu'elle dise ? Question bien difficile.
Mais, quand son regard se reposa dans celui d'Adèle, quelque chose se débloqua en lui. Quelque chose qui s'était certainement coincé pendant leur dispute, et qui, malgré leur réconciliation, ne s'était pas débloqué. Mais, désormais, c'était le cas. Alors, sans rien dire, sans prononcer un seul mot, Jack brisa les quelques centimètres qui les séparaient encore, et, sans une once d'hésitation, il posa ses lèvres sur celles de la jeune femmes, encore pincées après qu'elle se soit arrêtée de parler. Sa main à elle reposait toujours sur sa joue intacte, et lui ne la touchait pas, si ce n'est pas ce baiser qu'ils avaient certainement attendu un long moment, ou tout du moins lui.

Jacob regarda la gamine sans lâcher son sourire, jetant son regard sur toute l'assemblée. En sécurité ? Tous le sauraient bien assez tôt, mais s'ils se débrouillaient pour être dociles comme des agneaux, tout irait pour le mieux. Et peut-être pourraient-ils tous cohabiter en paix. Il ne fallait surtout qu'une quelconque guerre se déclenche, et lui était là pour tout éviter, même si cela semblait dur.
Alors qu'il voulu répondre à la question de la jeune fille, Billie le coupa, répondant à se place en prétendant savoir que leurs hôtes n'étaient pas hostiles. Et cela était vrai, après tout ! Ils leur avaient offert l'hospitalité, que pouvaient-ils rêver de mieux ? Rien, puisque pour le moment, tous semblaient heureux. Bine qu'il ne décèle une trop grande foideur chez Billie. Il allait falloir la canaliser, ou Wallace allait devoir s'en occuper.

« - Bien sûr que vous êtes en sécurité ! Et si jamais vous avez besoin de quoique ce soit, il suffit de demander. Dès que vous vous serez adaptés, on pourra vous intégrer correctement à la communauté. » reprit-il cependant, tourné vers la tablée.

Il entendait par là, leur trouver un travail, tel que chacun d'eux avait ici. Tout le monde avait quelque chose à faire, mais il y avait aussi des règles, des règles à ne pas transgresser et cela, il leur expliquerait plus tard.
Lorsque Billie se leva, Jacob fronça légèrement les sourcils, l'observant. Avait-elle déjà terminé de manger ? Les autres, à côté d'elle, continuaient de se remplir leur estomac, qui avait du être bien vide durant leurs semaines à l'extérieur.

« - Je croyais qu'on devait nous montrer nos quartiers ?
- Je vous les montrerai dès que tout le monde sera prêt. »

Il désigna d'un léger geste les gens qui étaient encore en train de manger, et celles-ci s'arrêtèrent immédiatement, les joues légèrement rougies : avaient-ils trop abusé ? Tous les visages se tournèrent vers Billie, se demandant s'il fallait partir tout de suite. Après tout, ils avaient déjà bien mangé.

Ah, c'était donc ça sa technique. Toujours tous les garder à l'oeil. Eh bien ça tombait mal pour Jacob, car Billie ne tenait pas à rester une seconde de plus à table, car tout cet étalage de nourriture, ajouté à ses pensées légèrement macabres, et elle allait finir par ne plus avoir seulement que des hauts le coeur. Alors elle se tourna vers les autres, qui s'étaient arrêtés de manger, certainement en attendant son accord, mais elle fit un léger geste de la main évasif.

« - Non continuez, je vais aller faire un tour en vous attendant. »

Elle hocha ensuite la tête à l'attention de Shobbian et Andrew, en qui elle avait confiance, mais qui croyaient eux aussi que tout irait pour le mieux ici. Puis, sans tourner la tête vers le chien de garde, elle se détourna et capta le regard de Wallace, à sa table. Mais il ne tenta pas de la retenir, alors la brune sortit du réfectoire sans un mot de plus. De l'air. Elle avait désespérément besoin d'air. Elle voulait respirer l'air frais, sentir les odeurs de la forêt, sentir l'air frais caresser ses joue. Elle voulait sortir, marcher pieds nus sur l'herbe, et pourquoi pas se baigner entièrement sans craindre de perdre une jambe au fond d'un lac. MAis évidemment, elle doutait que cela ne soit possible, alors elle se contenta d'errer dans les couloirs sombres et tous identiques de Mount Weather.

Il ne bougeait plus, ne parlait pas.
Il avait même détourné le regard dès qu'elle lui avait dit que le sien, lui, ne changerait jamais. L'avait-elle blessé sans s'en rendre compte ? Non, elle était au contraire en train d'essayer de le rassurer, mais ne comprenait pas pourquoi il la rejetait. C'est à ce moment qu'elle comprit ce que lui, avait ressenti lorsqu'elle l'avait aussi repoussé. Après l'attaque du Terrien, il lui avait non seulement sauvé la vie, mais avait aussi essayé de la rassurer tandis qu'elle, s'était hermétiquement fermée, ne désirant rien entendre. Ne désirant que personne ne voit les marques rouges qui avaient orné son cou. En était-il pareil pour le grand brun ? Se cachait-il par peur ou par honte ? Que ressentait-il en cet instant même ? Elle aurait voulu lui dire qu'elle comprenait, mais lui aurait encore sûrement répété que c'était de sa faute. Et elle ne voulait pas l'entendre dire ça.
Cependant, il finit par se retourner à nouveau vers elle, posant son regard chocolat tout d'abord sur ses lèvres à peine closes puis sur son visage entier, avant de la regarder dans les yeux. Acceptait-il finalement de ne plus se cacher comme elle aussi l'avait fait ? Au fond, ils n'étaient pas si différents, et peut-être était-ce leurs traits de caractère communs qui les avaient amenés à se rencontrer, leurs plaisanteries stupides mais aussi cette espèce de vide qu'ils pouvaient parfois contenir. A vrai dire, elle se demandait s'ils allaient s'en sortir. Le Terrien avait l'air de les surveiller de près, et elle se demandait bien ce qu'il avait prévu. Et sincèrement, elle se voyait mal résister à la torture dans l'état dans lequel elle était. Et il en allait de même pour Jack. Ils ne tiendraient pas, et s'ils tentaient de s'échapper, ils mourraient aussi. Ils étaient tout simplement dans un cercle vicieux, duquel ils semblaient ne pas pouvoir s'échapper.
La jeune femme s'arracha à ses pensées funèbres pour regarder à nouveau Jack. Ses sourcils se plissèrent légèrement lorsqu'elle remarqua une étrange expression sur le visage du jeune homme, et elle le questionna du regard durant quelques secondes.
Questionnement qui prit rapidement fin lorsque Jack fit voler en éclats la barrière qui semblait les séparer, ou plus simplement lorsque ses lèvres se posèrent sur les siennes. Adèle resta interdite quelques secondes, sa main libre légèrement crispée, tandis que celle qui reposait sur la joue du brun ne bougea pas d'un millimètre. Après quelques instants qui semblèrent peut-être durer une éternité, la petite brune répondit au baiser du jeune homme, fermant les yeux.

Jacob la regarda faire un pas un plus loin de la table. Et merde. Pourquoi était-elle sur la défensive ? Doutait-elle donc de quelque chose ? Pourtant, il ne fallait qu'elle ait aucun doute, ou tout serait compromis ! Mais s'il la suivait maintenant, elle le prendrait vraiment pour un petit toutou. Ce qu'il était, après tout. Enfin, il adressa un léger signe de la tête à l'un de ses confrères alors que la jeune femme quittait la salle sous le regard presque bienveillant de Wallace. Le grand blond se tourna donc vers les autres jeunes, tapotant des doigts sur la table.

« - Alors, que voulez-vous savoir ? »

Et tandis que certains commençaient déjà à lui poser des questions sur l'endroit où il vivait, et sur l'origine du Mont Weather, Billie se dirigeait déjà vers les couloirs de la montagne, perdue de vues par les gardes de l'intérieur de la salle. Le jeune homme a qui Jacob avait adressé un discret signe de tête quitta la salle en silence et se lança à la poursuite de la jeune femme, coupant par certains couloirs pour qu'elle ne le remarque pas. Son but, était tout d'abord de la surveiller, vérifier ce qu'elle faisait mais surtout, l'empêcher de faire n'importe quoi. Alors il la talonnait de près, silencieux.

A vrai dire, le jeune homme avait bien cru qu'elle resterait immobile, qu'elle ne répondrait pas à son baiser. Il avait même faillie se reculer, quand, enfin, après quelques secondes, elle le fit enfin. Elle répondit enfin, en fermant les yeux. Chose que Jack ne vit pas, cependant, car ses yeux à lui s'étaient clos quelques temps plus tôt. Ainsi, quand elle se laissa enfin aller, le brun chercha sa main libre sous la couverture, et, après l'avoir trouvée, il entremêla ses doigts à ceux d'Adèle, avant de rompre le contact de leurs lèvres. Il souffla alors, le front collé à celui de la demoiselle, avant de se tourner sur le dos, sans avoir dit un mot. Mais, étrangement, ils ne semblaient pas avoir besoin de mots, à cet instant. Rien que de la présence l'un de l'autre.
Ils en avaient vécu, des choses, depuis qu'ils étaient arrivés sur Terre. Oh que oui, ils en avaient vécu, et chacun avait failli mourir au moins une fois. Mais, malgré tout, ils étaient encore là, tous les deux, malgré tout ce qu'ils avaient vécu, traversé. Alors oui, dans quel état. Elle, infirme, lui, défigurer. Quel beau duo, tout de même, quelle équipe de bras cassé. Mais ils s'en étaient tirés, et, même si Jack n'acceptait pas encore son nouveau visage, qu'il n'avait toujours pas vu d'ailleurs, il était en cet instant seulement heureux de ne pas être mort. Parce qu'entre être mort pour de bon, et avoir la moitié du visage en moins ... Oui, il préférait encore cette dernière option, même si elle était tout de même difficile à vivre au quotidien. Mais qui était-il pour se plaindre, quand Adèle ne pouvait plus marcher, elle ? De quel droit se plaignait-il ? Encore une fois, son estime personnelle pour lui-même baissa, et le brun, en soupirant, se tourna vers elle à nouveau. Et il allait ouvrir la bouche pour dire quelque chose, quand des bruits de pas résonnèrent. L'autre gugus revenait, songea-t-il en se redressant sur un coude. Et en effet, le Terrien ne tarda pas à passer le coude du couloir, et à apparaître en face d'eux, toujours aussi grand et silencieux. Mais il tenait deux sortes d'assiettes dans ses mains, et les posa sur l'établi que Jack avait débarrassé de tout ce qui était inutile, c'est à dire tout.

« - Une fois que vous aurez mangé, vous pourrez peut-être vous laver, les cataplasmes doivent avoir fait effet maintenant. »

Et, sans un mot de plus, il se détourna.

« - Attendez ! » appela Jack en se redressant d'un bon. Mais déjà, l’énergumène était repartit dans son antre, les laissant seuls uns fois de plus.

Pour tout avouer, Billie était surprise. A première vue, personne ne la suivait. Derrière elle, elle ne sentait aucune ombre qui se cachait dès qu'elle tournait imperceptiblement la tête. Elle n'entendait aucun bruits de pas dans son dos, et, bientôt, les muscles de ses épaules se relâchèrent, quand la tension de l'angoisse et de l'appréhension se dissipèrent progressivement. Seule. Voilà, elle avait juste besoin d'être seule un instant, mais aussi et surtout de sentir l'air frais sur son visage. Ainsi, quand elle croisa une jeune femme, elle fut assez surprise de la voir passer une carte devant un petit boitier noir, qui émit un petit bip avant de s'ouvrir. Voilà donc les clés si précieuses qui ouvraient toutes ces portes qui n'avaient fait que rester closes, depuis qu'ils étaient arrivés. Ou du moins, depuis qu'on les avait fait sortir de leurs chambres. Il fallait juste qu'elle se débrouille pour s'en procurer une. Ainsi, c'est en cherchant l'une de ces fameuses cartes qu'elle continua sa visite des lieux, quand elle passa devant ce qui s'apparentait le plus à une école. Une queue de gamins, pas plus âgés de six ans, à tout casser, se tenaient par la main, attendant que leur maîtresse, qui discutait un peu plus loin, ne leur ouvre la classe. L'un d'eux, une petite fille blonde aux grands yeux bleus, aperçut alors Billie au bout du couloir et elle lui adressa un coucou de la main. Ainsi, avec un sourire, la brune lui répondit d'un geste de la main, avant de continuer son chemin, au moment où la maîtresse revenait vers ses petits élèves.

« - Silence les enfants, aller, on rentre dans le calme. »

Puis, la femme disparut dans la classe, et les élèves la suivirent, sauf un petit garçon, à l'avant du rang, qui se pencha pour essayer de ramasser quelque chose par terre. Le regard de Billie suivit la petite main potelée qui chercha parmi la masse de pieds, quand elle reconnut ce petit rectangle de plastique. Une carte. Elle avança alors plus vite, et, faisant comme si elle pensait que le petit garçon venait de tomber, elle le redressa avant de le pousser dans la classe.

« - C'est l'heure de travailler, bonhomme. » dit-elle en souriant.

Puis, en croisant le regard de la maîtresse, elle sourit du sourire le plus gentil et adorable qu'elle sache faire, et, quand la porte se ferma sur la gamine blonde, Billie se pencha afin de rattraper la carte d'un geste vif. Aussitôt, elle regarda par-dessus son épaule pour vérifier que personne ne la suivait, mais, en voyant que ce n'était pas le cas, la brune souffla et enfonça la carte dans sa poche. Bien. Maintenant, elle n'avait plus qu'à trouver la sortie.

Le baiser ne dura que quelques instants, Jack rompant le contact de leurs lèvres en même temps qu'il entremêlait ses doigts aux siens en dessous de la couverture. La jeune femme ouvrit alors doucement les yeux, juste le temps de le voir souffler alors que son visage était encore presque collé au sien. Mais il se rallongea sur le dos presque instantanément, laissant une fois de plus la brune à l'abri de son visage défiguré. Et une fois encore, elle eut du mal à comprendre. Pourquoi se cachait-il encore alors qu'il venait de l'embrasser ? Cependant, leurs mains ne se détachèrent pas, et Adèle prit cela comme le fait qu'il ne voulait tout de même pas la laisser. Mais alors pourquoi l'avoir embrassée pour s'écarter aussitôt ?
Alors qu'elle serrait la main de Jack dans la sienne, se demandant ce qui ne tournait pas rond chez eux, elle l'entendit soupirer, et cela lui fit plisser le nez. Quelques secondes plus tard, il se retourna vers elle et l'observa quelques instants avant d'ouvrir la bouche pour prendre la parole, lorsque des pas raisonnèrent dans le couloir. Le Terrien revenait. Jack se retourna aussi, relâchant sa main, pour faire face a l'homme qui venait d'entrer dans leur prétendue chambre.

« - Une fois que vous aurez mangé, vous pourrez peut-être vous laver, les cataplasmes doivent avoir fait effet maintenant. »

Il posa alors rapidement les assiettes sur l'établi et, malgré la demande de Jack, qui s'était levé d'un bon, et sans leur adresser un seul regard, il repartit de là où il venait, les abandonnant encore une fois. Toujours allongée, Adèle souffla doucement avant de se redresser pour s'accouder contre le mur, toujours assise sur le lit. Elle se débarrassa rapidement de la couverture qui lui arrivait encore aux jambes et expira lentement, calant sa tête contre le mur auquel elle faisait dos, grimaçant.

« - Il ne reviendra pas » finit-elle par lâcher.

Ils n'avaient plus qu'à manger ce qu'il leur avait apporté.

La suivre était aisé, parce qu'il connaissait cet endroit comme ses poches. Alors il avançait doucement, rasant les murs, passant par de nombreux couloirs pour la détourner. Son arme pendait doucement à son ceinturon, il s'il le fallait, il l'utiliserai.
Elle s'arrêta finalement près de la maternelle, debout devant les enfants. L'une des gamines lui adressa même un gentil sourire et un petit coucou, tandis que la maîtresse s'activait près des enfants.

« - Silence les enfants, aller, on rentre dans le calme. »

L'homme observa Billie, posté dans un angles du couloir, et lorsqu'il la vit se diriger vers les enfants et en pousser un vers la classe, sa main se posa instinctivement sur son arme. Mais il n'en fit rien lorsque l'enfant rentra dans la classe en souriant, rejoignant ses petits camardes et sa maîtresse peut-être un peu trop sévère. Il remarqua alors que la brun s'était rapidement penchée et se camoufla immédiatement, retournant dans son coin. Qu'avait-elle ramassé ? Cela ne pouvait qu'une des cartes d'ouverture. Que comptait-elle en faire ? Fallait-il qu'il appelle les renforts ? L'homme hésita avant de se raviser. Il verrait bien ce qu'elle ferait, et surtout, il ne la laisserait pas entrer dans les pièces interdites.

Et en effet, il semblait clair que le Sauvage ne reviendrait pas, du moins pas pour le moment. Car, évidemment, comme il aurait fallu s'en douter, il ne lui répondit pas, et se contenta de partir sans dire un mot de plus à Jack, qui commençait à trouver ce silence quelque peu .. Agaçant. Pour ne pas être plus vulgaire. Ainsi, Jack secoua la tête, avant de ramener les deux assiettes pour venir les poser sur la couverture. On ne mange pas au lit ? Rien à foutre. Ils le feraient. Et puis, il n'y avait même pas de table dans cette grotte, à part l'établi, mais il y avait surtout un seul et unique tabouret. Difficile, pour deux.
Il s'assit donc enfin, près de son assiette, et tendit l'autre à Adèle en soufflant.

« - J'espère qu'il a pas fait tout ça uniquement pour nous empoisonner à petit feu. » fit-il en prenant néanmoins une bouchée.

Un brin pessimiste, le jeune homme ? Certainement un petit peu depuis qu'ils avaient frôlé la morte à cause des Terriens mais que justement, s'ils étaient encore en vie, c'était grâce à l'un des leurs. Cherchez l'erreur dans cette histoire. Mais, contrairement à ce qu'il aurait pu penser, il ne tomba pas raide mort dès la première bouchée avalée, et le brun en reprit même une autre, se rendant alors seulement compte à quel point il avait faim. Depuis quand n'avaient-ils pas mangé à leur faim ? Surtout que la viande qu'il avaient don son assiette n'était pas mauvaise du tout. Ce que c'était ? On s'en fout, puisque ça se mange ! Il inspira donc avant de savourer cette sensation de ventre plein, et se tourna vers la brunette, une ébauche de sourire au coin des lèvres. Sauf que, contrairement à ses sourires en coin habituels, celui-ci était légèrement tordu, de sorte à ce que sa joue blessée ne soit pas tiraillée par ce petit mouvement des lèvres.

« - On va peut-être pas mourir de faim, tout compte fait ... » dit-il en se resservant.

Et, en reprenant sa marche, Billie ne s'aperçut pas du garde qui la suivait comme son ombre, en prenant des petits chemins qu'elle ne connaissait pas. Mais désormais, elle savait quoi chercher. Une quelconque sortie. Ainsi, c'est attentive, mais sans le paraître, que la brune continua son tour du propriétaire, le pass bien précieusement enfoui au fond de sa poche. Bon. A quoi reconnaissait-on la sortie ? A un endroit peu fréquenté, peut-être ? Ou si elle trouvait une sortie de secours, peut-être que ça marcherait aussi, non ? Elle se mit donc en quête d'une salle des machines ou quelque chose dans le genre, et se souvint alors d'être passée devant une grande salle immense dans laquelle tournaient des turbines. Là, il devait certainement y avoir une issue de secours, non ?
Billit, dans sa quête, tourna donc deux fois à droite, puis a gauche, avant de continuer tout droit. Mont Weather était un vrai labyrinthe, songea-t-elle en hésitant sur le chemin à suivre. Mais elle se rappela alors de l'ascenseur, et elle tourna à droite. Et, comme elle l'espérait, quelques mètres plus loin, elle tomba sur la salle des turbines. Un grand sourire se peignit sur ses lèvres rosées. Mais elle n'avait pas de temps à perdre, et, en voyant que personne ne se trouvait dans les parages, elle se mit à courir dans la salle grande comme au moins deux terrains de foot. Une issue de secours, une issue de secours ... Derrière les machines, en général, non ? En se baissant, la brune passa donc derrière les turbines, et elle continua sa course, longeant le mur et les énormes cuves, appréciant de pouvoir enfin se défouler, détendre ses muscles presque ankylosés, de pouvoir se dépenser. Elle en avait bien besoin, et courir lui permettait d'extérioriser toute la tension contenue dans tous les muscles de son corps. Et puis soudain, juste devant elle, elle aperçut une porte verte, qu'une petite lumière EXIT surmontait. Avec un sursaut de joie, la brune s'empressa de caler le pass devant le boîtier, et, quand la porte s'ouvrit dans un chuintement métallique, Billie l'ouvrit avant de se précipiter de l'autre côté. Une sortie. Il fallait trouver une sortie.

Adèle resta assise sur le lit, jambes tendues devant elle, en attendant que Jack revienne sur celui-ci, lui donnant son assiette. Elle inspecta rapidement le contenu, suspicieuse, avant de relever les yeux vers Jack en souriant. Les empoisonner ? Non, il ne se serait pas donné tant de peine à les soigner juste pour les empoisonner après. Elle prit donc à son tour une bouchée de ce qui se trouvait dans l'assiette, croquant dans un petit morceau de viande. La brune resta dubitative avant d'en prendre une deuxième bouchée, reniflant légèrement avant de reposer l'assiette sur ses genoux.
Qu'étaient donc devenus leurs amis ? Étaient-ils seulement partis à leur rechercher et si oui, ne les trouvant pas, avaient-ils abandonné ? Elle espérait en tout cas qu'ils s'en soient tous sortis, et cela devait être le cas, puisqu'ils étaient les seuls dehors. Elle soupira en y repensant avant de reprendre son assiette entre ses mains, laissant doucement couler son regard sur la grotte dans laquelle ils se trouvaient.

« - Je ne pense pas non plus » fit-elle en répondant au sourire légèrement déformé du jeune homme.

La jeune femme prit encore quelques bouchées du plat préparé par le Terrien avant de laisser son assiette sur le côté. Bien que se sentant affamée, elle ne se sentait pas très bien. Et elle ne pensait pas que c'était dû à son état de santé, mais plutôt à son état mental. A vrai dire, elle était fatiguée, mais s'ils n'avaient fait que dormir depuis que le Terrien avait du les ramener ici. Cela était sûrement du au stress ambiant dans lequel ils vivaient depuis leur arrivée sur Terre. Cela cesserait-il un jour ? Elle l'espérait, mais ne pensait pas qu'ils puissent vivre réellement en paix un jour. La jeune soupira donc avant de se retourner vers Jack.

« - Tu penses qu'il était sérieux lorsqu'il a dit qu'on pourrait aller se rincer pour enlever ses espèces de pansements naturels ? » demanda-t-elle finalement.

Peut-être qu'après avoir senti la fraîcheur de l'eau sur sa peau, elle arriverait à finir son assiette et surtout, elle pourrait se reposer tranquillement.

Le garde suivait pourtant Billie comme son ombre, ne la lâchant pas d'une semelle. Soit, lorsqu'elle tournait, il la suivait, soit il empruntait un autre passage et la retrouvait un peu plus loin. Mais elle ne se doutait de rien. Durant quelques minutes, elle tourna légèrement en rond, revenant plusieurs fois au même endroit. Elle était perdue, hein ? Mais lorsqu'il sentit qu'elle accélérait la cadence, l'homme revint sur son observation : elle venait de trouver où allait. Et il s'agissait de la salle des turbines.
Que cherchait-elle donc là dedans ? C'est alors qu'il se souvint qu'à l'autre bout de la salle se trouvait l'une des sorties de secours, des escaliers qui remontaient directement jusqu'à l'une des grandes portes. L'homme jura dans sa barbe. Il ne pouvait pas la suivre, là dedans, tout d'abord parce qu'elle le remarquerait directement, et ensuite parce qu'il avait une meilleure idée.
Il l'attendrait en haut. Le garde fit donc rapidement demi-tour et se mit à courir dans la direction inverse, empruntant un autre passage pour arriver en haut. Même si elle arrivait en haut, il fallait encore qu'elle arrive à ouvrir la lourde porte, et durant ce temps, il en aurait largement pour l'arrête, et surtout pour appeler la garde si elle tentait quelque chose de stupide.
Mais il se pressa tout de même.

Le jeune homme, quant à lui, termina son assiette le plus rapidement possible, avant de la repousser sur le sol pour se poser le dos contre le mur, les yeux fermés. Y a pas à dire, mais un bon repas, c'était quand même quelque chose. Quoi que le sens du mot bon était peut-être un peu déformé, puisqu'il s'agissait juste là d'un morceau de viande, mais, pour eux qui avaient dû se contenter de quelques pommes durant plusieurs semaines, cette maigre pitance était un cadeau tombé du ciel. Ainsi, c'est quand il entendit la brune poser son assiette qu'il tourna la tête vers elle, pour voir qu'elle ne mangeait pas. Elle n'aimait plus la viande ? Le brun fronça les sourcils, ce qui , bien entendu, le fit souffrir encore une fois, mais il ne s'occupa pas de la douleur et se contenta de désigner l'assiette d'Adèle.

« - T'as pas faim ? »

Parce que si elle cessait de s'alimenter, tout le travail du Sauvage serait bien vain, et si elle voulait recouvrer un peu ses forces pour qu'ils puissent enfin partir, il fallait qu'ils mangent, et comme il faut. Quitte à trop manger s'il le fallait, mais se remplumer un peu ne leur ferait certainement pas de mal, à eux qui avait dû fondre depuis leur arrivée sur Terre. Et puis il comprit, ou du moins, crut comprendre. Peut-être était-elle juste fatiguée ? C'était probable après tout, car lui-même, malgré ce repas et la - les ? - nuit de sommeil qu'il avaient passée ici, il se sentait ... Las. Alors il pouvait très bien comprendre qu'Adèle se sente patraque. Surtout si on rajoutait à tout ça le fait que sa jambe l'avait lâchée, évidemment. Et, à cette pensée, le brun ne put retenir une énième vague de culpabilité. Sa faute, sa faute. Comme une lente litanie, ces deux mots tournaient en rond dans sa tête. Sa faute, sa faute. Ils menaçaient de le rendre fou, de l'éloigner d'Adèle, mais ce qui le retenait près d'elle, justement, c'était elle. Elle et ses sourires malicieux, et ses blagues proches de celles du brun. Elle, tout simplement.

« - Je pense que oui, sinon il n'aurait pas proposé. »

Elle referma la porte derrière elle, et avisa ensuite les fils électriques qui assuraient le bon fonctionnement du mécanisme de la porte. Et, sans aucune hésitation, elle arracha le tout, geste qui aurait fait hurler d'horreur Adèle si elle l'avait vue faire. Tiens d'ailleurs, ils ne les avaient toujours pas retrouvés, ces deux là ... Encore une raison de plus pour sortir de cet enfer, songea-t-elle en avisant le grand escalier qui montait, puis celui qui descendait. Et, après une seconde de réflexion, elle se mit à courir, enjambant les marches deux par deux, trois par trois, pour monter le plus rapidement possible. Elle ne savait pas ce qui l'attendait là-haut, mais c'était écrit sortie, alors elle devait y arriver avant qu'on ne remarque son absence et son petit manège.
Ainsi, après une ascension qui lui parut durer des heures, elle finit par gravir la dernière marche, et, sans reprendre son souffle, elle parcourut le sas dans lequel elle se trouvait. Tout au bout se trouvait une autre porte, et, au milieu, la grande porte. Celle qu'elle cherchait. La sortie. Sans attendre, elle se dirigea vers la grande plaque métallique sur laquelle se tenait une roue, et, en soufflant, Billie posa ses mains dessus pour essayer de la faire tourner. Mais elle semblait grippée, et surtout, elle était lourde. Mais il fallait qu'elle y arrive, il fallait plus que tout qu'elle réussisse à l'ouvrir ! Il fallait qu'elle trouve la sortie, qu'elle libère les autres, qu'elle retrouve ceux qui n'avaient pas été emmenés ...

« - Aah ! »

Mais non, elle n'y arrivait pas. Elle remarqua alors le petit levier sur le côté, et une ampoule s'alluma au-dessus de sa tête. Mais bien sûr ! Quelle idiote elle était ! Il fallait tout simplement .. ;Tirer ce levier. Elle posa donc ses deux mains dessus, et, en inspirant, s'apprêta à appuyer.