Cinquième partie

Billie inconsciente, c'est Shobbian et Andrew qu la ramenèrent à l'intérieur de la station, tandis qu'autour d'eux, tous les autres rentraient. Et bientôt, on n'aperçut plus dehors qu'une silhouette. John. Tous étaient rentrés, désormais, et, devant la porte, Andrew et Shobbian regardaient leur chef, leur leader, celui qu'ils avaient écouté et suivi durant tout ce temps, tandis que là, juste dehors, les Terriens approchaient.
Leurs pas se faisaient entendre, et le chant qui s'élevait de leurs gorges, caverneux, pouvait donner des frissons au plus courageux des cent. Sauf qu'ils étaient tous dedans, sauf John. Ils avaient tous une chance de survie, sauf John. Peut-être survivrait-il, mais ce n'était pas certain.
Les deux jeunes gens regardèrent alors le brun, puis, la blonde posa sa main sur le levier qui commandait l'ouverture et la fermeture des portes.
« - Puissions nous nous revoir un jour. » lança-t-elle au jeune homme qui restait en arrière pour permettre aux autres de survivre.
Et elle ferma la porte.

L'ascension ne fut pas très longue. La jeune femme monta rapidement l'échelle, devant tirer sur ses bras pour sortir du bunker. une fois dehors, elle inspira longuement, oubliant de répondre à la raillerie de Jack. Et en voyant son air sérieux, la jeune femme plissa les sourcils. Il avait l'inquiet. A juste titre, ou bien juste par mauvais pressentiment ? Elle regarda quelques instants la forêt avant de claquer la plaque qui servait d'ouverture au bunker.

« - D'accord, j'arrive. »

Il fallait juste qu'elle recouvre l'ouverture de quelques feuilles, par simple précaution. Mais à peine eut-elle relevé la tête que Jack courait loin devant elle, la laissant seule à camoufler l'entrée. La jeune femme ouvrit la bouche avant de la refermer aussi sec et se releva rapidement, devant plus qu'hâter le pas pour arriver au niveau du jeune homme.
La jeune femme profita de ces quelques instants de calme pour observer la forêt qui défilait à toute allure, leur course ne lui laissant guère le temps de pouvoir admirer cette végétation si étrange. Étrange. Tout comme ce silence. Tout était trop silencieux, beaucoup trop. C'est à partir de cet instant que le doute gagna aussi la petite brune. La boule au ventre, les petits frissons, tout tentait de lui faire entendre que quelque chose n'allait pas, et c'était plus que le cas. Quelque chose de mauvais était en train de se tramer.
Ils arrivèrent finalement assez rapidement à la rivière, et la jeune femme se souvint de la traversée monotone qu'ils avaient subit à l'allée. Dans le silence et l'attente de l'autre. Mais ils avaient laissé leurs regrets dans le bunker. La brune s'activa donc d'entrer dans l'eau pour traverser.

Oui, Jack galopait comme un lapin loin devant elle. Et à aucun moment il ne ralentit pour la laissr le rattraper. Non, tout lui criait que quelque chose clochait, alors il n'allait pas ralentir. D'ailleurs, elle aussi dût sentir que l'air semblait plus électrique qu'à l'accoutumée, car elle pressa le pas, pour ne pas dire courut, pour se mettre à son niveau. Et, bientôt, ils arrivèrent tous les deux devant la rivière.
Sans attendre, Adèle se jeta dans l'eau pour traverser au plus vite, et, tout aussi rapidement, Jack en fit autant. Cette fois, il garde son t-shirt et ne se préoccupa pas de le mouiller ou pas. Il sentait que quelque chose n'allait pas. Comme la brune, il avait remarqué le silence pesant qui avait envahi la forêt. C'est comme si les oiseaux avaient arrêté de chanter, comme si tous les petits bruits de la nature qu'ils entendaient d'ordinaire s'étaient tus pour qu'un spectacle plus grandiose encore puisse se tenir sur la scène qu'était leur Terre.
La question qui se posait était toute simple. A la fois anodine, et pourtant lourde de sens, de conséquences et de peine et de chagrin. De quel spectacle s'agissait-il ? Le mauvais pressentiment du jeune homme était-il fondé, oui ou non ? Se faisait-il une mauvaise frayeur, ou avait-il raison de presser le pas ? Au fond de lui, il espérait que tout ceci n'était qu'une fausse alerte, et, qu'en arrivant non loin du campement, ils entendraient simplement les rires habituels des jeunes, les coups de marteau sur les troncs de la murailles, et le fer des épées de fortune qu'ils utilisaient pour l'entraînement. Oui, il l'espérait sincèrement.
Ainsi, après avoir traversé la rivière plus vite qu'à l'aller, il laissa son t-shirt mouillée retomber sur son torse sur lequel ruisselaient encore des goutets d'eau, avant de reprendre sa marche. Mais cette fois, il se mit à courir. Il ne trottinait plus, ne marchait plus. Il courrait, peut-être à tort, peut-être à raison, vers leur campement.

« - Il faut qu'on rentre rapidement, Adèle ! »

« - Puissions nous nous revoir un jour »

Ainsi donc, ce seraient les derniers mots qu'il entendrait. Les dernières paroles qu'on lui aurait adressé, la dernière chose qu'il aurait entendu de sa courte vie. Il allait mourir, si rapidement. Trop rapidement.
Il ne voulait pas mourir.
Il les entendait d'ici. Les Terriens, armés jusqu'au dents, juste de l'autre côté. Ils n'avaient qu'une barrière à franchir, qu'une ligne a traverser, et tout serait joué. Il devait les faire entrer, tous jusqu'au dernier. Qu'ils brulent, qu'ils meurent, qu'ils ne reste d'eux que des os calcinés.
Il ne voulait pas mourir.
Pourtant, mourir par le feu semblait une proposition plus alléchante face à ce que les Terriens auraient pu lui réserver. La torture était probablement la pire des manières de mourir.
Il ne voulait pas mourir.
Les chants, leurs voix, tout, tout l'effrayait. Il était un homme comme les autres, avec une peur de l'inconnu plus grande que celui-ci, avec ses vices et ses défauts. Il en avait de nombreux, des défauts, mais était-ce bien le moment d'en faire la liste ? Une liste. Celle de ses dernières volontés. Qu'aurait-il aimé faire avant sa mort ? Tellement de choses. Choses qui n'arriveraient jamais. En entendant la porte grincer derrière lui, le brun crut qu'il allait défaillir. L'envie d'aller frapper à la porte et de demander pitié le gagna soudainement, et il du s'accrocher pour ne pas s'y ruer en pleurant. Mais il ne le devait pas. Il devait rester fort. Pour son peuple. Il devait le protéger, coûte que coûte, quoiqu'il advienne. De toute façon, il était déjà mort. Et cela, il le sut dès qu'une lance vint se planter devant ses pieds.

« - Je ne veux pas mourir ! Je veux rester vivant, pour mon peuple. Venez en faire l'affront, venez faire souffrir mon peuple, venez donc pour nous détruire ! »

Il ne cessa de hurler, criant de toutes ses forces, les yeux rivés sur la lance qui tremblait encore après le choc de son enfoncement dans le sol. Et ce ne fut que lorsque la barrière qui se trouvait devant lui céda qu'il sut que tout était terminé.
Il allait mourir.
La seule chose qui lui restait à faire, c'était tous les attirer ici.

Dès que la rivière fut traversée, Adèle s'arrêta quelques instants. Le temps de respirer et surtout, de comprendre ce qui était en train de se passer. pourquoi se sentait-elle aussi inquiète, aussi mal ? Que se passait-il ?
La jeune femme inspira un grand coup avant de se mettre à courir a la suite de Jack. Le souffle haletant, elle courait a grandes foulées à ses côtés, craignant intérieurement le pire et se demandant si tout cela était fondé. En réalité, pourquoi le serait-il ? Ce n'était qu'un mauvais pressentiment, après tout. Et qui donc croyait en ces foutus pressentiments ? C'était pourtant exactement ce qu'elle était en train de faire.

« - C'est trop calme »

Ce fut la seule chose qu'elle réussit à lâcher, alors qu'elle courait encore et toujours, comme si la mort était à leurs trousses, alors qu'elle se trouvait simplement à plusieurs mètres d'eux, au campement. Mais comment pouvaient-ils le savoir . Peut-être le savaient-ils au fond, et c'était la cause de leur course effrénée.
Et de la crainte qui s'était emparée d'eux.
Elle avait peur. A juste titre.

Les Terriens arrivaient. Ils n'étaient plus à leurs portes, mais ils étaient chez eux. Ils franchissaient le mur, ils détruisaient tout sur leur passage. Seuls les tunnels, assez bien dissimulés, échappaient à leurs coups meurtriers. Et, au milieu de tout ce chaos, il y avait John. John, qui avait assommé Billie pour qu'elle ne se retrouve pas à sa place. John, qui ne voulait pas mourir. John, que Billie ne voulait pas voir mort.
D'ailleurs, au fond de la station, la petite brune luttait pour émerger. Elle sentait qu'il fallait qu'elle se réveille, qu'elle ouvre les yeux. Et, à force d'entêtement, elle finit par y arriver. Etrangement, à son réveil, elle se souvint de tout. Les tambours. La pluie. John. Sa dernière phrase. Puis le noir. Un vague regard autour d'elle, et déjà, elle était debout, tanguant sur ses jambes, mais décidée à rejoindre l aporte avant qu'il ne soit trop tard. Tant qu'ils n'avaient pas refermé, il lui restait une chance.

« - Laissez-moi passer ! »

Elle aurait voulu courir, jouer des coudes comme une forcenée. Elle aurait voulu se jeter dans la mêlée, elle aurait voulu ne pas être si faible. Mais elle n'était. Alors, c'est lentement, la tête sur le point d'exploser et le coeur battant la chamade, que la brune se fraya tant bien que mal un passage parmi les autres. En la voyant, ils s'écartaient, comme en respect devant elle. Les cheveux mouillés, les yeux rougis, des égratignures sur le visage, c'était surtout la traînée de sang sur son front et la lueur hagarde dans son regard qui les forçait à se pousser. Grâce à Billie, en autres, ils n'étaient pas morts. Ils lui devaient ça. Alors ils la laissaient passer.
Tous, sauf Shobbian et Andrew, postés devant la porte, qui se dressèrent face à elle.

« - Laissez-moi passer ... » souffla-t-elle d'un ton fatigué.

Epuisée. C'était le mot. Elle était épuisée. Mais elle ne voulait même pas imaginer une secone que John puisse mourir à cause d'elle.

Jack courrait, encore et toujours. Autour d'eux, silhouettes informes galopant dans la nuit tombante, le paysage se transformait, tout en restant toujours aussi magnifique. Mais ils étaient bien trop pressés pour pouvoir observer cette magnificence. Ils étaient bien trop inquiets pour s'attarder sur la beauté de ce qui les entourait. Ils avaient bien trop peur. De quoi ? D'un simple pressentiment. Cela pouvait paraître idiot. Et n'importe qui sur l'Arche leur aurait ri au nez en apprenant que s'ils courraient ainsi comme des tarés, ce n'était qu'à cause d'un pressentiment. D'un mauvais pressentiment.

« - Il se passe quelque chose ... »

Un souffle s'échappa des lèvres du jeune homme, tandis qu'il portait la main à ses armes pour les replacer dans son dos. En aurait-il besoin ? Il ne savait pas. Pour le moment, la seule chose qu'il voulait, c'était rentrer. Rentrer au campement. Comment aurait-il pu savoir qu'au même moment, les Terriens pénétraient dans la clairière ? Comment aurait-il pu savoir que tous étaient plus ou moins en sécurité derrière les parois métalliques de la station ? Comment aurait-il pu savoir que seul John était resté dehors ? Comment aurait-il pu savoir ? Il ne le pouvait pas. Et il ne le savait pas.
Et pourtant, ils auraient dû savoir quelque chose. Ils devraient savoir quelque chose. Ils représentaient désormais le seul espoir de John, ou presque. Parce qu'ils avaient des armes, et qu'ils pourraient faire diversion. Ils représentaient le seul espoir. Le seul.

La porte était fermée. Aucun retour en arrière n'était possible, personne ne viendrait le sauver. Il allait mourir, tel le déchet humain qu'il était. Il allait se faire écraser, massacrer, éventrer. Il allait mourir, tout simplement. Cela semblait inévitable, désormais. Il se demandait même comment il pouvait encore être en vie. Il se sentait dans un état de léthargie, comme si plus rien ne comptait, qu'il était seul dans son monde, perdu et immobile. Pourtant, alors que tout semblait d'être arrêté autour de lui, il voyait les Terriens défoncer les barrières pour rentrer dans ce qui était quelques jours plus tôt leur petit havre de paix. Désormais, tout cela n'était plus que poussière, et ne serait plus que cendres dans quelques minutes. Les cendres. Il fallait qu'il s'active, avant que les Terriens ne se rendent compte du piège.
Il esquiva une lance mais sentit une flèche s'enfoncer dans son bras gauche alors qu'il se mit à courir, cherchant à attirer des Terriens vers lui pour que le reste entre dans le périmètre qui serait brûlé dans quelques instants. Et son plan fonctionna, ce fut donc pourquoi il se retrouva avec plusieurs Terriens à leurs trousses, et il entendait de là où il était des grands bruits de chocs métalliques : les sauvages devaient chercher à défoncer la station pour y entrer.

« - Andrew, Shobbian, brûlez tous, je vous en prie »

Ces paroles furent une fois de plus un murmure tandis qu'il sentait, en même temps que l'ouverture des tunnels, les Terriens s'approcher. Arriverait-il à les atteindre avant que le feu ne le consume ? Arriverait-il à les atteindre avant les Terriens ne le tuent ? Il sentit une deuxième flèche s'enfoncer dans sa cheville, et le hurlement qu'il poussa rameta d'autres Terriens derrière lui.
Il allait mourir, finalement.

Les cris résonnèrent soudain dans la petite clairière, là, juste derrière ces murs, et, bientôt, des chocs sourds heurtèrent les parois de la station. Billie planta son regard implorant sur les deux qui gardaient l'entrée. John était là, juste dehors, au milieu de tous ces sauvages. Il allait se faire massacrer !

« - Ouvrez lui la porte, je vous en prie ...
- Billie, recule. On va tout faire sauter.
- Non .. John est encore dehors, il faut qu'il rentre .. »

Ses paroles devinrent une lente litanie, alors même qu'Andrew s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras. Il posa ses mains dans son dos et la serra contre lui. Et elle finit par craquer. Un sanglot étouffé s'échappa d'abord de sa gorge, avant que les larmes ne coulent. John ... John .. Mort ! A cause d'elle ! Une plainte déchirante lui échappa, et ses jambes la lâchèrent. Mais Andrew la tint. Et il hocha la tête en direction de Shobbian. Laquelle s'approcha du mécanisme d'Adèle. Son doigt se rapprocha. Elle allait les faire sauter.

Elle ne sentait plus ses jambes, c'était le cas de le dire. Et plus encore, elle ne savait dire si elle courait dans la bonne direction, les battements accélérés de son cœur et le sang affluant beaucoup trop vite dans ses veines lui brouillant presque la vision. Elle avait l'impression que d'une seconde a l'autre, elle allait s'arrêter et cracher ses poumons, épuisée. Mais elle continuait d'avancer, haletante, muée par un étrangement sentiment de malaise et de questionnement. Pourquoi continuait-elle de courir ? Pourquoi tout dans son corps lui criait qu'il fallait se dépêcher ?
Le paysage autour d'eux continuait d'avancer, défilant rapidement sans lui laisser le temps de pouvoir observer les grands arbres et les étranges plantes de la forêt. Tout était étrange ici, cette Terre était étrange, et pourtant c'était bien celle dont elle avait entendu parler dans les livres. La seule chose qui différait avec l'imaginaire qu'elle s'était créé, c'était la présence de cette hostilité cruelle. La présence des Terriens. Terriens qui voulaient leur peau depuis quelque jours, Terriens contre lesquels ils avaient déjà prévu de se défendre, Terriens qui actuellement avaient réussit à passer leurs barricades.
Alors qu'elle continuait de courir à grandes foulées et qu'ils se rapprochaient dangereusement du camp, Adele eut la confirmation de leur mauvais pressentiment. Ce fut tout d'abord par un léger frisson, puis par le silence qui régnait trop étrangement si près du campement. Enfin, le silence. Elle entendait d'ici de grands bruits métalliques, comme si quelqu'un donnait des grands coups dans la station qui leur servait de repère. C'est alors qu'elle comprit et soudain, tout lui cria de s'arrêter. Immédiatement. La jeune femme se jeta sur Jack, le projetant par terre, les cachant tous les deux derrière l'une des nombreuses butes de la clairière. Et en levant les yeux, elle remarqua quelques mètres plus loin, un Terrien à cheval.

« - Jack ... Ils sont la »

Ses doigts s'enfoncèrent nerveusement dans la terre tandis qu'elle réajustait sa position, espérant ne pas avoir blessé le grand brun en le projetant ainsi sur le sol. Ses yeux eux, restèrent fixés sur le Terrien. Et alors qu'elle se concentrait sur lui, elle remarqua plus loin un autre attroupement de sauvages. D'ici, ils ne voyaient que grossièrement les barricades du camp, mais ils pouvaient parfaitement entendre les coups des Terriens contre le métal et surtout, leurs hurlements. Ainsi donc, ils avaient réussit à pénétrer la clairière. Mais la question qu'elle se posait, et dont elle ne trouvait pas réponse, c'était la position de leurs camarades. Elle avait beau entendre les cris de guerre et les hurlements des sauvages, elle n'entendait pas les cris de terreur des autres jeunes. Étaient-ils tous rentrés dans la station pour se protéger ?

« - Qu'est-ce qu'on fait ? » réussit-elle finalement à murmurer.

Oui, que devraient-ils faire ? Leurs amis ne les avaient pas prévenu d'un quelconque plan, quoique Billie avait laissé entrevoir l'idée d'utiliser les mines ou quelque chose d'autre pour piéger les Terriens. Avaient-ils élaboré autre chose en leur absence ? Qu'étaient-ils sensés faire ? Étaient-ils seulement sensés agir ? Adèle ne savait pas, et en cet instant, la seule chose qui l'animait était la peur. Leurs amis étaient-ils tous delà morts ou bien s'étaient-ils réfugiés dans la station ? Elle ne savait pas, elle ne savait rien. Rien de plus que ce qu'elle supposait. Et elle supposait le pire. Peut être aurait-elle une bonne surprise, au moins. Instinctivement, sa main gauche chercha à ramener l'une des armes qu'elle portait dans son dos devant elle, cherchant a décrocher la sangle. Ils auraient plus que probablement besoin de se défendre.

Ils approchaient. Il le sentait. Et tout en lui lui criait d'aller plus vite, encore plus vite. Tout en lui lui criait de se dépêcher, de rejoindre le camp. Autour de lui, Jack croyait reconnaître certains arbres. Là, n'était-ce pas à cet arbre là qu'il était monté pour attraper des pommes, une fois ? Et ce buisson .. N'était-ce pas là qu'Adèle avait assommé un gars, le prenant pour du gibier ? Si, c'était bien ça.
Eux, nés dans l'espace, avaient été envoyés sur Terre pour vérifier que tout était vivable. Pour survivre, ils avaient dû se débrouiller. Pour survivre, ils avaient chassé, pour survivre, ils s'étaient organisés. Mais auraient-ils pu croire un jour, quand ils étaient encore dans leurs cellules, qu'ils pourraient marcher dans l'herbe ? Qu'ils pourraient plonger leurs corps entier dans une étendue d'eau claire ? L'auraient-ils cru, si on leur avait dit qu'ils allaient pouvoir respirer de l'air naturel, sentir le vent sur leur peau et toutes les senteurs de la forêt ? Certainement pas, non. Ils leur auraient ri au nez avant de se renfoncer dans leurs cellules en secouant la tête. Pauvre fou, auraient-ils dit.
Pauvre fou. Et là, c'était eux, les pauvres fous. A espérer pouvoir survivre aux Terriens. A espérer ne pas mourir contre eux. A espérer les faire battre en retraite. Jack n'avait vu qu'un seul Sauvage, mais il en était convaincu. Contre eux, rien ne pourrait marcher. rien ne serait assez fort pour arrêter leurs flèches et leurs lances. Et pourtant, ils avaient continué leur vie au camp comme si de rien n'était. Ils avaient continué de chercher à manger, en ne s'inquiétant de la menace des Terriens qu'en cas d'ultime nécessité. Mais n'auraient-ils pas dû partir, depuis longtemps ? N'auraient-ils pas dû partir quand John et Billie étaient revenus de Mount Weather, sans Andrew ni Peter ? Si, ils auraient dû partir à ce moment là. Sauf qu'évidemment, c'était trop tard. Trop tard.
Et puis soudain, un choc, et le brun se retrouva au sol, Adèle sur lui, qui le plaquait par terre. Il releva brusquement la tête, prêt à se redresser pour repartir de plus belle, quand ce qu'elle lui dit prit sens.

« Ils sont là. »

Ils. Les Terriens. Ce mauvais pressentiment avait donc un sens ! Si Jack avait senti au plus profond de son être qu'ils devaient se dépêcher, c'était parce que, tout simplement, les leurs étaient sur le point de se faire massacrer ! Un sursaut de terreur et d'adrénaline parcourut les veines du jeune homme, tandis qu'il jetait un regard terrifié à la brune, dans le regard de laquelle il voyait se refléter sa propre peur. Peur, peur, peur. Tout n'était que peur, autour d'eux. Des muscles de Jack qui semblaient s'être pétrifiés sur place aux oiseaux qui s'étaient tus, en passant par cet étrange silence qui résonnait dans le campement. Où étaient donc les autres ? Pourquoi n'entendait-on pas leurs cris ?Leurs hurlements ? Leurs pleurs ? Etaient-ils donc déjà morts ? Non, ils ne pouvaient pas être morts ! Si c'était le cas, alors les Terriens clameraient la victoire. Ce n'était pas le cas. Les autres étaient donc forcément en vie. Où étaient-ils, dans ce cas ? Dans la station ? Mais comment comptaient-ils ...

« - Une diversion. On va faire diversion. C'est pas possible qu'ils soient tous morts, donc pour les aider à se tirer de là ... » Il chercha son arme automatique et la ramena devant lui, avant de relever l atête vers Adèle, le regard dur. « ... on va faire diversion. »

Il n'avait jamais tiré. En même temps, il n'avait pas suivi la formation pour être garde. Mais il fallait apprendre sur le tas, et il n'avait pas d'autre choix que de faire mouche. Et puis, les Terriens n'avaient sûrement jamais vu d'arme à feu, alors peut-être seraient-ils assez effrayés par le bruit et la détonation pour s'immobiliser un instant, le temps que les autres s'échappent par les tunnels. Et s'ils pouvaient en toucher un ou deux au passage ...
Jack ôta donc le cran de sécurité, avant de rouler sur le ventre pour passer la tête par-dessus le talus. Là, il les voyait. Rester invisible, tirer. LEs apeurer. Juste le temps de quelques secondes. Le doigt sur la gâchette, tremblant, il inspira, avant de se tourner vers Adèle.

« - On a juste besoin d'une diversion. Si on les touche, tant mieux, mais tire dans le tas plutôt que de viser pendant trop longtemps. »

Et ce n'est qu'alors qu'il se rendit compte qu'ils étaient en guerre. En guerre. Ce mot résonna étrangement dans sa tête, mais il n'avait pas le temps de s'appesantir dessus. Ils étaient en guerre, et le temps leur était compté.
Adèle était près de lui, regardant par-dessus le talus. Il se pencha alors vers elle, la serra un instant dans ses bras, avant de lui chuchoter à l'oreille.

« - Puissions nous nous revoir un jour. »

Puis, il la regarda dans els yeux durant un instant, avant de se redresser et de courir, à moitié courbé, vers l'autre talus, en face, afin que les tirs proviennent de sources différentes. Faire croire à l'ennemi qu'ils étaient nombreux. ALors qu'ils n'étaient que deux. De loin, il regarda Adèle, puis se positionna, inspira, et tira.

Il était si près du but. Si proche, mais à la fois si loin de son salut. Il avait beau courir pour tenter de fuir sa mort, il la sentait arriver au grand galop, le poursuivant, sentant son souffle fétide dans son cou. Il ne tenta même pas un regard en arrière, trop effrayé par le rapprochement des Terriens. Trop près, ils étaient trop près. Et sa cheville l'empêchait de courir comme il l'aurait normalement, relançant la douleur de son ancienne plaie béante au niveau de sa cuisse. Plaie qui lui avait été infligée par l'espèce de monstre qui se trouvait dans le lac. En y réfléchissant bien, il n'avait rencontré qu'hostilité sur cette Terre, qui lui avait pourtant semblé si belle au premier regard. Cette lumière aveuglante, ces arbres à la haute cime et ces prairies verdoyantes. Il pouvait encire sentir le souffle du vent contre son visage lorsque Billie et lui s'étaient retrouvés en haut des arbres, à la recherche du Mont Weather.
Billie. Que faisait-elle, en ce moment ? Était-elle encore dans les vapes, allongée au fond de la station, là où il avait demandé à Shobbian de la porter ? Ou bien s'était-elle réveillée, son dévouement et ses airs têtus la sortant de sa léthargie ? Était-elle ce moment même près de la porte, cherchant à l'ouvrir ? Non, non Billie n'était pas assez bête et stupide pour ne serait-ce penser qu'à ouvrir la porte. Elle s'en remettrait, avec le temps. Elle s'en remettrait.

« - Bordel ! » lâcha-t-il alors qu'il manqua de trébucher sur une racine, ce qui eut pour net effet de ralentir sa course.

Mais il était déjà beaucoup trop lent, et il sentait presque défaillir. Pourquoi continuait-il donc à fuir sa mort ? il était déjà mort ! Alors pourquoi n'y faisait-il pas face, se retournant pour se faire immédiatement transpercer par une lance ? Parce qu'il s'y accrochait encore. Il croyait encore stupidement qu'il allait pouvoir s'échapper. Y échapper.
La seule chose qu'il espérait réellement, c'était que sa mort ne soit pas vaine. Mais il ne le saurait jamais. Et ce qui le faisait avancer, c'était cette espérance, qui lui disait que grâce à lui, les autres survivraient. Peut-être avait-il finalement réussit à accepter sa mort, puisque de toute façon elle était inévitable. Mais il avait toujours peur, toujours.
Mais il y était. Il n'avait qu'à se jeter en avant et il atteindrait le tunnel. Mais qui lui disait qu'une fois presque entré à l'intérieur, il ne serait pas transpercé de bout en bout par une lance ? Ou tiré par les pieds par les Terriens ?
Il ne savait plus depuis combien de temps il courait. Cela pouvait être des minutes comme des secondes, il avait perdu toute notion du temps. Mais pourquoi tout n'était-il pas encore enflammé ? Qu'attendait donc Shobbian ?

« - Shobbian ! Shobbian ! » se mit-il à hurler, comme si cela changeait quelque chose.

Il allait mourir, il ne savait que trop bien. Il se jeta en avant, sentant la flèche s’enfoncer encore dans sa chair lorsqu'il roula sur le sol pathétiquement. Même s'il commençait a avancer à travers le tunnel, le feu l'attendrait. Et il n'aurait plus de forces pour avancer. Et les Terriens l'attendraient. Il allait mourir, dans la boue, le visage contre la terre.
Pourtant, quelques chose transperça l'air, stoppant net tous les cris des Terriens et les coups donnés contre l'Arche. Que venait-il donc de se passer ? Était-ce un coup de fusil qu'il venait d'entendre ?
Etait-ce un coup de la providence ? Quoiqu'il en soit, il fallait qu'il avance pour atteindre l'entrée du tunnel. Mais quoiqu'il en soit, le feu le rattraperait. Pourtant, les Terriens semblaient s'être arrêtés. Il fallait que Shobbian agisse maintenant.

Andrew la tenait toujours contre lui, mais, au fur et à mesure des secondes qui passaient, les larmes de la demoiselle se tarirent. SOn souffle, quoi que toujours secoué de soubresauts incontrôlables, redevint plus ou moins calme, et, en se détachant su jeune homme, la brune renifla. John était dehors. Ouvrir la porte maintenant alors que tous les Sauvages prenaient d'assaut la station était suicidaire, et elle mettrait en danger la vie de tous les jeunes. John était dehors. Par sa faute. Mais c'était une réalité qu'elle devrait accepter. Il était dehors, certainement mort. Mais ça aussi, elle devrait l'accepter. Alors, même si quelque chose disparut en elle, elle se tourna vers Shobbian et secoua la tête.

« - Attends. »

Et la blonde, en la regadant, s'exécuta. SOn doigt n'était qu'à quelques centimètres de l'interrupteur, mais elle n'avait pas encore appuyé dessus. Cette tâche incombait à Billie, et elle seule appuierait dessus. Ainsi, en soufflant, et en rendant son regard impreméable à la moindre trace d'émotion, elle s'approcha de la porte et de l'interrupteur qui commanderait l'explosion. Si elle déclenchait ça, tous ceux se trouvant dehors périraient. Tout ça par sa faute. Mais ils étaient tous ennemis. Tous ceux qui se trouvaient dehors étaient des ennemis. Ils avaient voulu leur mort, ils avaient voulu l'embrocher, ils avaient torturé Andrew avant de le renvoyé, infecté d'un virus. Ils avaient tué Peter, et, à cause d'eux, John avait dû se sacrifier.
Oui, ils étaient ennemis. Ils menaçaient leur vie. Et pour ça, Billie devait appuyer sur ce bouton. Alors, sans regarder personne, mais les yeux ouverts, fixés sur le vide, la brune appuya sur le déclencheur. Il n'y eut d'abord rien, et, durant une longue seconde, Billie crut bien que ça ne marcherait pas, qu'un faux contact allait finir par les tuer. Et puis, la première explosion résonna, suivie d'une autre.
Les Terriens allaient tous rôtir par sa faute à elle, mais, le regard et le coeur fermé, Billie ne bougea pas son doigt du déclencheur. Faites qu'ils meurent tous, songea-t-elle seulement. Faites que John ne soit pas mort pour rien.

« - Une diversion. On va faire diversion. C'est pas possible qu'ils soient tous morts, donc pour les aider à se tirer de là ... »

A vrai dire, elle resta tout d'abord immobile, dans l'incapacité de comprendre. Leurs camarades étaient-ils encore en vie ? Étaient-ils coincés dans la station comme elle l'avait supposé ? Se pouvait-il que personne ne soit mort ?

« - On a juste besoin d'une diversion. Si on les touche, tant mieux, mais tire dans le tas plutôt que de viser pendant trop longtemps. »

Elle n'avait toujours pas répondu, les yeux rivés sur les Terriens. Comment pouvait-il croire que son plan fonctionnerait ? Ils n'étaient que deux, après tout. Et ils n'avaient jamais appris à tirer. Jack était-il donc devenu fou à lier ?
La petite brune n'avait pas bougé, immobile, les doigts crispés sur la hanse de l'arme qu'elle tenait désormais à bout de bras, tremblante. Et dire que quelques minutes plus tôt, ils riaient ensemble, amusés par leur situation. Dire que quelques minutes plus tôt, ils étaient encore dans l'ignorance de cette situation. De leur situation actuelle.
Ils allaient devoir agir plus vite, et tirer à vue de nez pour les occuper. Mais s'en sentait-elle seulement capable ? Les Terriens n'avaient sûrement jamais vu d'armes, et celles-ci devraient probablement les effrayer comme jamais. Et ils riposteraient. A coups de lances. Mais une vulgaire faisait moins de dégâts qu'un coup de fusil, non ?
A vrai dire, la jeune femme tentait de se vider l'esprit lorsqu'elle sentit la proximité entre elle et Jack se réduire d'un coup sec. Il venait de la prendre dans ses bras, la serrant durant quelques instants. Et lui jetant quelques mots. Se revoir un jour. Contait-il donc mourir . Elle ne le voulait pas.
Que regretterait-elle si elle mourrait ici et maintenant ? De nombreuses choses. Probablement d'avoir tué sa soeur, d'avoir fait souffrir Jack et surtout, de ne pas arriver à comprendre ce qu'elle devait lui dire. Les mots restèrent coincés dans sa gorge, refusant de passer l'orée de sa bouche.

« - On ne va pas mourir, Jack. On va y arriver » murmura-t-elle en le regardant partir.

Elle mourrait donc avec ses regrets, et remords. Ceux de ne pas savoir toujours dire les mots qu'il faut. La petite brune l'observa encore durant quelques instants avant de se lever à son tour. Dès que Jack tira la première balle, l'un des Terriens se retourna, le visage crispé dans une expression d'inquiétude : celle de ne pas comprendre, et celle de ne pas voir. Adèle se déplaça donc à son tour, tirant à vue de nez. Bientôt, les sauvages cessèrent de s’inquiéter et décidèrent de chercher à savoir ce qui était à l'origine de ces étranges choses perçant l'air. Lorsque l'un d'entre eux se prit une balle dans le genou, la petite brune lu sur son visage une expression mêlant douleur et rage. Oh mon Dieu. Ils allaient mourir tous les deux.
C'était étrange. Quelques instants plus tôt, il lui avait semblé entendre quelqu'un hurler le nom de Shobbian. Avait-elle rêvé ? Elle était trop occupée et inquiète pour y prêter attention.

Il avait fermé les yeux, durant quelques instants. Peut-être par peur, ou par faiblesse. Il ne savait plus. Il se croyait peut-être mort, ainsi presque écrasé sur le sol. Peut-être l'était-il déjà ? Non, il pouvait encore sentir la fraîcheur de la terre contre son visage tandis qu'il se traînait vers le tunnel, les Terriens distraits par les coups de feu qui provenait de la forêt. Cela lui avait laissé une chance, une chance d'avancer peut-être encore un peu plus loin. Une chance de survie.
Tout était à propos de la survie. La survie était leur quotidien, leur meilleure comme leur pire ennemie, celle qui les fatiguait, les usait, mais qui leur était indispensable. John ne savait pas s'il allait survivre, et à vrai dire, il en avait assez de se poser cette question. il avait juste envie de lâcher prise, de tout laisser, de mourir simplement.
La première explosion le fit sursauter, et il sentit le sol trembler de toutes parts autour de lui. Il ne s'écoula que quelques secondes avant d'une deuxième explosion ne se fasse entendre, répandant probablement des flammes partout autour de son centre. Ils l'avaient fait, ils avaient déclenché le piège. Tout allait bruler. Et c'est lorsque le Terrien qui se trouvait derrière lui se trouva projeté sur ses jambes que John comprit que lui aussi. Il arracha grossièrement la flèche plantée dans sa cheville en grinçant des dents avant de finalement se retourner.
Les flammes commençaient à gagner du terrain, et à chaque seconde, une mine explosait, envoyant valser les sauvages qui se trouvaient aux alentours. Puis arrivait le feu, destructeur, qui commençait lui, à lécher les parois du camp et de la station, brûlant ce qui se trouvait devant lui.
John se traîna alors dans le tunnel, tirant le corps du Terrien derrière lui pour se protéger de l'arrivée des flammes alors qu'il continuait d'avancer. Lorsqu'il commença à suffoquer, le brun comprit que le feu devait se trouver à l'entrée du tunnel, alors que lui était encore loin de la sortie. Et dehors, il les entendait tous hurler de terreur, et aussi, de douleur. Tous criaient, courant probablement dans tous les sens pour échapper aux flammes qui leur faisait face.

« - Je suis désolé Billie » murmura-t-il une dernière fois.

Il continuait d'avancer, sa vue se floutant à chaque centimètre de plus, sa gorge s'emplissant d'une fumée noir et dense, lui bloquant tout possibilité de respirer. Etait-il enfin arrivé au bout du ... ?

Il avait tiré dans la mêlée, sans toucher personne, mais le son du tir avait fait se retourner quelques Terriens. Si bien que, même s'il ne touchait personne, Jack continua de tirer, tant et si bien qu'il finit par atteindre un ou deux guerrier peinturlurer. Et, au fur et à mesure que le bruit des balles qui s'expulsaient de son arme pour aller se perdre dans la foule compacte de Terriens acculés dans la clairière, le jeune homme visait de plus en plus juste. Il commençait à prendre le coup, et, s'il avait été surpris du choc de la détente, désormais, c'est campé sur ses positions et sans faillir qu'il tirait, encore et encore. Et plus le temps passait, plus de Terriens tombaient.
A vrai dire, le brun n'entendait plus rien. Pourtant, il y avait bien les Sauvages qui hurlaient, là-bas, ainsi qu'une première explosion qui résonna dans le silence approximatif. Il n'entendait plus rien, si ce n'est le bruit des balles qui partait. Clac clac clac. Un cri, de la douleur. Clac clac clac. Un autre par terre. Clac clac clac. Un sifflement, il se baisse, la lance est près de lui, mais ne l'a pas touché. Clac clac clac. Le Terrien qui l'a attaqué tombe au sol.
Tout n'était que chaos, désordre, et le garçon qui tirait, depuis les fourrés des bois, n'était plus le même que celui qu'il avait été. Là, il tuait. Sans vergogne. Il voyait dans les rangs des Sauvages qu'il y avait des enfants. Là, il voyait un jeune garçon qui se dirigeait vers lui, lance au poing. Clac clac clac. Le corps fut secoué de soubresauts, puis s'écroula par terre. En le voyant s'écrouler, un autre se dirigea vers Jack. Ils approchaient toujours plus, toujours plus nombreux. Clac clac clac. Jack en toucha deux, qui tombèrent. Mais de suite, cinq autre se jetèrent dans sa direction. Clac clac clac.
Il n'y avait que le bruit des balles, que l'odeur du sang, que l'expression de douleur, de terreur. Il n'y avait que les balles, et que la mort, il n'y avait que lui, que son arme, il n'y avait que Jack, là, quelque part dans ces bois, qui tuait, tuait, tuait. Clac clac clac.
Et puis une flèche se planta dans son épaule gauche. Il tomba à genoux. Clac clac clac. Un Sauvage tomba. Clac clac clac. Deux s'approchèrent, à moins d'un mètres du jeune homme. Clac clac clac. Ils tombèrent tous les deux, morts.
Jack n'avait jamais été un tueur. S'il avait un jour souhaité la mort d quelqu'un, ce n'était que dans des accès de colère, comme ça pouvait arriver à chacun. Mais là, le brun n'était plus lui-même. Clac clac clac. La fille tomba, à cinquante centimètres de lui. Une lance siffla près de sa tête, il se jeta sur le côté. La douleur irradia dans son épaule. Puis, debout. Clac clac clac.
Clac clac clac. Encore et toujours. Et alors, il l'aperçut. La vague de feu. Il resta pétrifié sur place un instant, et, sur lui, tous les Sauvages fondaient, tentant d'y échapper. Dans la mêlée, il se reçut une flèche dans la jambe, et une autre dans le flanc. Il tomba, encore une fois, criblé de flèches. COmme une vulgaire poupée d'entraînement. Et la vague de feu arrivait sur lui. A toute vitesse.

La première explosion résonna. Et Billie ne ferma pas les yeux. Au contraire, elle se tourna vers les autres, qui regardaient la porte de la navette comme si cette dernière allait brutalement s'ouvrir pour laisser entrer des Terriens, brûlants de la tête au pied. Mais non. Ils restèrent bien sagement à l'intérieur, dans un silence lourd, pesant, que personne ne voulait rompre, alors que là, juste dehors, à quelques centimètres d'eux, tous étaient en train de mourir. Tous, et John y compris.
Son coeur se serra quand elle pensa à cela. Non, il se brisa, se ratatina sur lui-même, se recroquevilla, explosa, implosa. Tout ça à la fois. Et pourtant, sur son visage, seul un masque de dureté était plaqué. Nulle trace d'émotions sur elle. Oh, elle ne deviendrait certainement pas une fille au coeur de pierre, après ça. Mais pour le moment, si elle voulait survivre, il fallait qu'elle fasse taire cette partie trop empathique d'elle-même. Il fallait qu'elle accomplisse son devoir, qui, pour le moment, consistait à garder tout le monde en vie, le plus longtemps possible.
Et, derrière les bruits des explosions, elle n'entendit pas les bruits des tirs de fusils. Il n'y avait que le silence lourd de sens, et le bruit des mines qui explosaient, tour à tour, réduisant chaque Terrien à un amas de molécules, disloquées les unes des autres, sanguinolant.
Ne pas y penser. Ne pas y penser. Mais tout la ramenait à penser à ça. Tout. Ne pas y penser. Juste, ne pas y penser. Une aurte epxlosion, un autre cri. Ne pas y penser. CHUT ! Ne pas y penser.
Et puis soudain, plus rien. Plus d'explosions, plus de cris. Le silence après l'Apocalyose.

Les doigts parfois plus que crispés sur la détente, Adèle tirait elle aussi, essayant de viser le plus possible sur les Terriens. Au début, tout son être avait refoulé le désir de vengeance qui se consumait en elle, et elle avait un maximum tenté de tirer dans les jambes, les bras, et surtout les genoux. Mais déjà qu'atteindre une cible mouvante était difficile, la petite brune avait du mal. Du mal à tirer, comme à se contrôler.
Et au fur et à mesure, ses doigts se plaisent sur la gâchette, et elle ses bras remontent le long de son corps pour qu'elle puisse tirer plus haut. Dans la tête. Au fur et à mesure, elle sent différentes émotions se combattre en elle. Celle de ne pas être une tueuse. Elle en avait déjà été une, mais tuer une personne et exterminer une bonne partie d'un peuple n'était pas la même chose. Celle de vouloir venger des amis, s'ils étaient morts, ou tout au moins de les aider. Il fallait tuer pour survivre. C'était ce qu'elle était en train de faire : elle survivait.
Mais une fois de plus, au fur et mesure des balles qui sortaient de son arme pour aller s'enfoncer dans les Terriens ou dans la arbres, autre chose la poussait à tirer. L'idée d'apercevoir celui qui avait faillit lui donner la mort, ignorant l'endroit actuel ou il se trouvait, si c'était encore dans la station ou autre part, elle tirait, encore et encore. Mais son cou la brûlait, et à vrai dire, elle aurait aimé pouvoir retirer la sangle de l'arme. Cela signifierai alors un moment d'inattention, et un moment qui pourrait la mener à la mort.
Plus loin, elle entendait d'autres tirs résonner. Jack. Il était seulement à quelques mètres d'elle, les doigts tirant sur la gâchette sans fin, abattant tout ce qui se dirigeait vers lui. Et son visage. Inexpressif. Trop inexpressif. Inquiétant. Adèle se demanda ce qui était le mieux entre le désir de vengeance et le désir de survie. Peut être était la même chose après tout. Une sorte de vengeance sur la vie. Ce moment d'observation du jeune homme lui valut une flèche dans la cuisse droite, qui s'enfonça comme un couteau dans du beurre. Une larme perla au coin de l'œil de la jeune femme, mais elle réajusta son arme et continua de tirer.
Et soudain, tout changea. Elle entendit des explosions provenir du camp. Au début, une seule. Puis d'autres en cascade. Comme elle, les Terriens restèrent immobiles quelques instants. Rien qu'a la détonation, elle reconnu les mines. C'est lorsque le feu arriva qu'elle comprit que les Terriens n'étaient qu'un infime problème comparé à ce qui arrivait. Le feu allait rapidement avancer, et les brûler en quelques instants. La jeune pivota alors sur elle même et avisa Jack quelques mètres plus loin tandis qu'elle tentait tant bien que mal d'éviter les flèches des quelques Terriens restants qui n'étaient pas encore en mode fuite, ou qui étaient brûlés par le feu. Elle retira rageusement la flèche qui se trouvait enfoncée dans sa cuisse, ne se préoccupant pas du fait qu'elle commençait à perdre du sang. Dans la volée, autre chose vint se planter dans son épaule gauche, et elle suffoqua sous le cou.

- Jack ! Jack, il faut partir ! » hurla-t-elle en vain.

A vrai dire, elle n'était pas sur qu'il l'entende. C'est lorsqu'elle remarqua son corps étalé sur le sol, criblé de flèches. Les yeux embués par les larmes et la douleur irradiant tout son corps, la jeune femme se hâta comme elle le put vers le grand brun lorsqu'elle remarqua la vague de feu qui, ayant déjà léché toutes les barrières du camp, se dirigeait désormais vers eux à grande vitesse. Elle attrapa Jack par les épaules et tenta de le tirer, ralentie par le lourd sac d'armes qu'ils portait.
S'ils arrivaient à courir, ils s'en sortiraient peut être, mais dans le cas contraire, ils seraient morts brûlés vifs. Il fallait qu'il partent tout de suite. La jeune femme souffla avant d'arracher rapidement la flèche qui se trouvait dans la jambe du jeune homme, oubliant totalement l'autre.

« - Jack, il faut qu'on se dépêche ! »

Mais comment pouvaient-ils se dépêcher ? La jeune femme tenta encore de le tirer, espérant qu'il ai assez de forces pour continuer une partie du chemin seul. Car ses forces avaient aussi déjà commencé a la lâcher quelques minutes plus tôt, et elle se sentait partir, défaillir. Il fallait qu'ils y arrivent. Qu'ils se dépêchent de courir, ce qui était difficile vu qu'ils étaient tous les deux blessés. Ou qu'ils trouvent un endroit où se cacher. Il fallait qu'ils le fassent. Elle ne voulait pas mourir, pensa-y-elle avant de cracher du sang.

Il ne savait plus où il était. Il croyait être arrivé au bout du tunnel lorsqu'ils s'était sentit partir. Ses forces l'avaient lamentablement lâché, le laissant à moitié mort dans le tunnel dont l'entrée était bouchée par le corps du Terrien qu'il tirait avec lui pour se protéger du feu. Sa peau le brûlait, et il continua pourtant d'avancer, arrivant à la sortie. Il entraîna avec lui le Terrien dans sa chute, et celui-ci s'écrasa lourdement sur lui, ne lui laissant plus aucune chance. Il était arrivé au boit du tunnel. Et il allait mourir.
Sa dernière pensée fut pour ces camardes enfermes dans la station. Peut être un peu plus pour l'une d'entre elles. Cela lui arracha un dernier sourire moqueur. Se moquait-il de lui même, et de sa mort minable, ou juste d'elle ? Il aurait aimé pouvoir se moquer une fois de plus d'elle, juste pour voir sur son visage cet air d'exaspération qui lui était si particulier. Billie. Elle avait sûrement été une des meilleures rencontres et des pires faiblesses qu'il avait jamais eu en arrivant ici. Peut être n'aurait-il pas du être aussi chiant avec elle. Mais au fond il ne regrettait pas, c'était sa nature. Sa nature d'idiot. Il avait toujours été aussi, et il aurait bien aimé le rester. Mais il allait mort.
Bientôt, il se sentit étouffer. La fumée avait un goût âcre qui lui remplissait mes poumons, et il lui était quasiment impossible de respirer à cause du poids du Terrien.
Sa peau le brûlait, de toutes parts, et sa cheville ou il sentait encore probablement ce qui devaient être des restes de flèches, lui faisait atrocement mal. Mais ceci ne serait rien comparé au fait de mourir brûlé vif. Comment cela pouvait-il se passer ainsi ? Il avait lu dans de très anciens livres qu'il y avait très longtemps, les hérétiques mourraient brûlés vifs. Etait-il un hérétique ? Un hérétique face à son destin peut être.
Il sentit alors une énorme vague de chaleur passer au dessus de lui. Les flammes. Elles arrivaient. Bientôt, elles ramperaient sur le sol au lieu de passer au dessus de lui. Et bientôt, il serait donc mort. Tremblant, John comprit que la lutte était terminée. Elle n'avait plus lieu d'être, il n'avait qu'à accepter son destin. Accepter sa mort. Oui c'était cela, accepter sa ...
Et soudain ce fut le noir total. Il huma quelques chose d'étrange mais surtout, il eut l'impression de brûler d'un coup. Et sous le coup de la douleur, John cessa de lutter. Et son corps cessa de bouger, s'écrasant sur le sol.
Mais quelque chose le tira plus loin.

Une flèche, dans son épaule, une autre dans sa cuisse, la dernière dans son flanc. Et avec tout ça, la vague de feu qui arrivait vers eux à vitesse grand V. Comment pouvaient-ils ne serait-ce qu'espérer échapper à ça ? Il n'y avait pas d'issue, pas de trou dans lequel se cacher, pas de tranchée, si ce n'est ce talus derrière lequel ils venaient de se dissimuler pour tirer. C'était plat, ou presque, et aucune barrière ne pourrait arrêter la vague flamboyante qui courait vers eux. Alors c'était comme ça que ça se terminait ? Une vulgaire coulée de feu, qu'ils avaient eux-même déclenchée, pour anéantir les Terriens ? En un sens, ça avait fonctionné, car désormais, seuls quelques Terriens courraient encore pour sauver leur peau. Mais bientôt, le feu les rattraperait. Bientôt, plus rien ne pouvait les sauver.

« Jack, Jack ! »

Plusieurs fois, on l'appela. Mais son regard porté sur le feu qui avançait vers lui ne voulait s'en détacher, et ce n'est que quand Adèle le tira qu'il réagit et tourna la tête vers elle. Blessée, elle aussi, évidemment. A la cuisse, et à l'épaule, nota-t-il avec un calme effrayant, d'un simple coup d'oeil. Qui donc l'avait touchée ? Allait-elle bien ? Il voyait qu'elle perdait du sang, que, petit à petit, son visage perdait des couleurs. Mais que pouvait-il faire, de toute manière ? Endiguer l'hémorragie ? Lui-même n'était pas plus en forme, avec ces trois flèches qui dépassaient de son corps, témoins de la violence des événements qui venaient de se dérouler. Mais là, maintenant, il n'y avait plus aucun signe de violence, de combats. LEs cris guerriers avaient disparu, cédant la place à ce calme étrange, que seuls les crépitements des flammes venaient déranger.
Et puis, elle le tira encore. L'une des flèches bougea dans sa blessure, et, en lâchant un râle de douleur, Jack finit enfin par se redresser, pour passer un bras sur les épaules de la jeune femme et commencer à courir. Mais c'était trop tard, bien trop tard. Il avait attendu trop longtemps avant de se mettre en route, il avait laissé son regard errer sur cette surface mouvante, destructrice, pendant trop longtemps. S'ils courraient, ils n'auraient aucune chance. Absolument aucune. Ils allaient mourir sur place, cramé, grillé, dans le piège que les 100 avaient érigé contre les Terriens. Mourir dans leur propre piège. Quelle ironie.
Cependant, alors qu'ils courraient désespérément, les forces les abandonnant peu à peu, le brun avisa un énorme rocher, sur sa droite. Et, dans un accès de folie, il arrêté de courir pour fuir le feu, et se mit à longer la vague perpendiculairement, tirant Adèle derrière lui. Cet énorme rocher pourrait peut-être les protéger des flammes. Elle ne prendrait pas feu, et la vague ne reviendrait pas en arrière. Il fallait juste espérer que le rocher soit suffisamment grand pour qu'ils tiennent tous les deux derrière, sans craindre que des flammèches ne viennent les lécher avidement. C'était risqué, mais ils n'avaient pas le choix. Soit ils mourraient en fuyant, soit ils mourraient en essayant de trouver un moyen de survivre. Le jeune homme préférait la seconde option.
Mais Adèle était de plus en plus faible. Il la sentait défaillir sous son bras, et, en jetant un regard à sa cuisse, il vit son pantalon imbibé de sang. Sans compter sa blessure à l'épaule. Ils étaient presque au rocher. Presque. Plus que quelques mètres. Mais la vague arrivait elle aussi. Plus que quelques mètres aussi. Qui, du feu ou des jeunes gens, serait le plus rapide ?
Jack ne réfléchit pas. Il attrapa Adèle sous les genoux, et, dans un grognement, la souleva, avant de se mettre à courir. Mais il n'était pas un surhomme. Et, déjà, quand il l'avait prise dans ses bras, le corps de la jeune fille avait heurté la flèche dans sa cuisse. Un autre grognement avait échappé au jeune homme, tandis qu'il n'espérait qu'une chose : que sa jambe tienne. Mais il courait, encore et encore. Et il finit par atteindre le rocher. Il se jeta donc littéralement en avant, ayant le réflexe de retomber sur le dos pour, de une, ne pas enfoncer les flèches encore plus dans son corps, et, ensuite, pour éviter le choc à Adèle.

« - On va roussir ... » souffla-t-il en attrapant la jeune femme pour l'amener au centre du rocher.

Puis, il frissonna, de douleur, d'épuisement, et de peur certainement, avant de se recroqueviller sur lui-même, autant que les flèches qui le transperçaient le lui permettaient, sans avoir lâché la main d'Adèle. Se faire petit. Se faire petit et espérer que son plan marcherait.

Et puis soudain, les détonations se turent. Il n'y eut plus aucun bruits, sinon ce silence qui n'avait pas quitté la station depuis qu'ils avaient fermé les portes. Etaient-ils tous morts ? La brune tourna la tête vers Andrew et Shobbian, qui se regardaient, l'air ahuri, se demandant certainement comment ils pouvaient bien être encore en vie. Mais ils l'étaient, oh que oui. Ils l'étaient, avec tout ce sang sur leurs mains. Evidemment, le fait que ce soit le sang de l'ennemi atténuait quelque peu ce sentiment de culpabilité, mais là, dans le silence de la navette, tout le monde retenait son souffle. Ils patientèrent durant un instant. LEs secondes s'égrenèrent lentement, puis les minutes, et enfin, Billie se tourna vers la porte.
Cela faisait assez longtemps, ils pouvaient ouvrir. Tout le monde dehors devait être mort. Absolument tout le monde. Même John. Mais penser à cela ne lui fit rien. Pour encore un moment, elle laisserait son coeur hermétiquement fermé. Jusqu'à ce qu'ils soient tous enfin tiré d'affaires, elle refuserait de laisser libre cours à ce qu'elle ressentait. Pour le moment, ils étaient en vie. La plupart d'entre eux. Et ils allaient devoir reconstruire tout le camp, qu'ils venaient littéralement de réduire en cendres. Mais, comme le phénix légendaire, ils allaient renaître de leurs cendres, oh que oui. Ils allaient y arriver. Ils allaient le faire. Alors, en redressant la tête, Billie ouvrit les portes.
Un grincement sinistre résonna dans les entrailles de la station, et, après quelques longues secondes durant lesquelles le mécanisme sembla être grippé, la porte s'abaissa lentement. La lumière vint frapper le sol à leurs pieds, et la brune se souvint avec une netteté déconcertante de cet instant où ils avaient ouvert la porte pour la première fois. Cet instant où ils avaient posé le pied sur la terre, croyant être les premiers hommes à fouler le sol depuis une centaine d'années. Ils ne pouvaient pas savoir à quel point ils se trompaient. Et là, quelques mois plus tard, la porte se rouvrait. Sauf que cette fois, en descendant la rampe, Billie découvrit les restes calcinés des Sauvages qu'elle avait tué. Elle vit les ruines fumantes de la muraille qui les avait protégé, elle vit les armes, rougeoyantes de chaleur, qui les auraient transpercés s'ils n'avaient pas fait ce qu'ils venaient de faire. Ils n'avaient pas eu le choix. Ils étaient en guerre, et la guerre faisait des victimes. Beaucoup de victimes. Mais là, les Terriens avaient subi le plus de pertes. Elle espérait qu'ils ne reviendraient pas. Et si c'était le cas ... Ils recommenceraient. Ils les extermineraient tous jusqu'au dernier s'ils ne voulaient pas entendre raison et discuter sur un accord de paix.
Mais alors, sur ces belles - ou sombres ? - pensées, quelque chose vint s'échouer aux pieds de la demoiselle. On aurait dit une sorte de canette .. Sauf que bientôt, de la fumée s'échappa de l'engin. Et, quelques secondes plus tard, en posant sa main sur sa bouche, Billie s'écroula. Que se passait-il donc encore ? ...

Elle tentait de courir, aussi vite qu'elle le pouvait. Pourtant, le temps semblait s'être ralenti, les retenant tous les deux face au danger qui leur arrivait en pleine face. Adèle tremblait, tentant tout de même de se donner constance, retenant Jack grâce a son épaule, par dessus laquelle se trouvait le bras du jeune homme. Ils avançaient ainsi tous les deux, presque au ralenti lui semblait-il. Elle se voyait déjà brûlée vive, son corps irradiant de douleur.
Bientôt, elle sentit qu'elle ne pourrait plus retenir Jack. A chaque pas, sa jambe où elle avait retiré trop rapidement la flèche lui faisait défaut, manquant de les faire tomber tous les deux, son visage palissant à chaque mètres de fait. Et plus encore, Jack semblait être dans le même cas, grognant à chaque avancée, le corps criblé de flèches. Ce fut seulement quelques secondes plus tard qu'elle sentit sa jambe l'abandonner totalement, et en y jetant un rapide coup d'oeil, elle ne put remarquer que son pantalon désormais imbibé de sang. Incapable de la bouger, Adèle commença se traîner lorsque Jack l'attrapa, la soulevant pour commencer à courir. Enfin courir n'était pas vraiment le mot, et elle sentait que lui aussi avait plus que du mal, probablement à cause de sa jambe transpercée. Ou comptait-il donc aller comme ça ? Ils n'iraient jamais bien loin.

« - Jack ... Qu'est-ce que tu fais ? » réussit-elle difficilement à mâcher, luttant pour ne pas s'évanouir peut-être pour toujours sur le champ.

Il fallait qu'elle tienne, elle aussi. C'est alors qu'elle sentit brutalement son cœur se soulever, perdant sa respiration l'espace de quelques instants. Ils venaient de sauter dans le vide, probablement de pas très haut mais tout de même assez puisqu'elle ressentit la chute assez violente, bien malgré le fait qu'elle atterrisse sur Jack. Et l'entendit grogner, sûrement parce que la flèche s'était encore enfoncée dans sa cuisse. Sa main droite était encore enfermée dans celle de Jack, et elle regardait celui-ci, qui se recroquevillait contre le rocher et contre lui même, espérant peut-être échapper au feu.

« - On va roussir ... » fit-il avant de la tirer un peu vers lui.

La jeune femme leva les yeux vers lui avant de se rapprocher encore, elle aussi recroquevillée sur elle-même. Non, pire encore.

« - On va mourir ... » murmura-t-elle en serrant sa main dans celle de Jack.

Elle tentait de l’apercevoir mais a vrai dire, sa vision était totalement floue, et son teint probablement plus blanc d'un lavabo. Le sang qu'elle avait perdu commençait plus qu'à se faire ressentir, et rien qu'en voyant le visage de Jack, elle en déduisit la même chose pour lui. Ils allaient mourir ici, soit d’hémorragie, soit de brulure vive. Peut-être les deux à la fois. Ses lèvres s'entre-ouvrirent quelques instants avant que sa tête ne retombe contre celle de Jack. Inanimée. Tout comme lui. Deux petits corps recroquevillés contre un rocher, se croyant à l'abri d'un océan de flammes. Inanimés.

L'inconscience avait bien des avantages. Pas de douleur, pas de peine, pas de souvenirs. Simplement ce néant accueillant, cette douce chaleur qui s'échappait du milieu. Mais quel milieu ? D'où venait donc cette chaleur agréable ? C'est comme si, après tout ce froid glacial qui avait comme gelé son esprit, ce feu interne se répandait dans le corps de la demoiselle qui était endormie sur ce lit blanc. Vêtue d'un débardeur et d'un pantalon, seuls ses longs cheveux bruns dénotaient dans cette pièce uniquement peinte en blanc. Tout était blanc. Les murs, les draps. Le lit, les rares meubles. Et, au milieu de tout ce blanc, les mèches brunes, qui formaient un halo autour de sa tête, étaient la seule tâche de couleur, si l'on oublie les lèvres rosées, pincées en une moue perplexe.
Mais, d'aussi loin que remonte son inconscience, et peu importe ce qu'on lui avait administré pour qu'elle flotte dans ce doux sommeil, dans cet étrange coma réparateur, La jeune femme était en train de se réveiller. Ses yeux commençaient à papillonner, ses doigts s'agitaient sur les draps immaculés, et son visage était parcouru de tics nerveux, certainement dûs à tous les souvenirs de la belle qui, absent durant cette douce pause, revenaient en masse. Il y avait d'abord l'arrivée sur terre, l'attaque du lac, le Sauvage, l'épidémie ... La guerre, John, l'explosion. Et puis .. La lumière, et le noir.
Elle ouvrit soudainement les yeux, et ses pupilles brunes, dilatées par la peur et l'appréhension, cherchèrent immédiatement un point de repère dans cet univers inconnu. Mais elle ne reconnaissait rien. Alors, en inspirant un grand coup, comme si elle sortait d'une longue apnée, Billie se redressa subitement, le coeur battant la chamade et le sang en ébullition dans ses veines. Où s trouvait-elle ? Où ? Ainsi, sans attendre que son muscle cardiaque se calme et que sa respiration redescende en pression, elle sauta sur ses pieds, souhaitant se diriger vers la porte. Mais apparemment, elle était dans une chambre d'hôpital, car elle était branchée de partout. A son poignet pendait une transfusion, tandis que sur sa poitrine étaient collés deux électrodes. Avec des gestes secs, elle les ôté, avant de se diriger vers le seul endroit de la pièce à ne pas être totalement blanc, mais coupé d'une petite fenêtre, par laquelle elle jeta un oeil.
Mais comment était-ce possible ? Y avaient-ils donc encore des hopitaux, sur Terre ? Les Terriens n'avaient pas de technologie si avancée que ces machines, pourtant ... Elle était en train de jeter un oeil par la fenêtre, par laquelle elle voyait un large et interminable couloir, quand, soudain, par la fenêtre de la chambre d'en face, elle vit passer une silhouette. Ses yeux s’agrandirent, et elle tapa contre la porte.

« - Hé ! Y a quelqu'un ? »

Mais seul le vide lui répondit, et elle crut que la personne d'en face ne repasserait pas. Mais, quelques secondes plus tard, elle vit une touffe de cheveux reparaître sur le côté de la fenêtre, et soudain, un garçon se tenait en face d'elle. Lui ... Elle le connaissait ! Où l'avait-elle vu ? Il lui disait quelque chose ... Et, quand il frappa sa fenêtre à lui, en prononçant son nom, qu'elle lut sur ses lèvres, Billie se souvint. Peter.

Et, loin de là, loin du Mount Weather, dans une grotte obscure, étaient allongés n garçon et une fille, à moitié nu. Lui n'était vêtu que d'un caleçon de fortune, tandis qu'elle n'arborait que les sous-vêtements rudimentaires qui la protégeait de la nudité. Sur leurs corps s'étendaient multiples blessures et cicatrices, parmi lesquelles on remarquait clairement plusieurs traces de flèches, mais aussi, et surtout, des brûlures. C'est bien simple, le garçon avait tout le côté droit du visage déformé par des cicatrices. Oh, elles ne déformaient pas ses traits au point de le rendre laid, mais jamais plus il n'aurait cette peau lisse qu'il avait avant. Désormais, et si tout cicatrisait comme il le fallait, il aurait une grande estafilade qui courrait le long de sa joue, comme une blessure de guerre. Mais, si son visage n'avait pas été épargné, son corps non plus, et son côté droit avait le plus souffert. Les poils de ses bras, par exemple, avaient totalement grillés, et avaient fini par tomber, tandis que dans son cou, une grosse plaque rouge témoignait de la brûlure qui s'était étalée sur cette portion de peau. Eh oui, malgré la protection offerte par le rocher, quelques flammes avait réussi à passer le roc, sur le côté, et le brun n'avait eu d'autre choix que de subir les brûlures du feu que ceux de son peuple avaient déclenché. Evidemment, il avait sombré dans l'inconscience bien avant cela, et il ne gardait de cette vive douleur qu'un vague souvenir marqué au fer rouge dans son esprit, les souffrances dûes à ses autres blessures étant devenues trop lourdes à supporter pour sa conscience.
Et pourtant, après tout ça, il était encore en vie. Allongé dans une grotte étrange, presque nu, mais la peau recouverte d'une étrange substance verdâtre rafraîchissante, sur une peau d'animal pour que son dos nu ne soit pas en contact direct avec la pierre froide de l'antre. Il était encore endormi, les traits déformés de temps à autres par une grimace. De douleur ? De peine ? De colère ? Nul n'aurait su le dire.
Mais soudain, la brune ouvrit les yeux, et il resta là un moment, simplement à regarder au-dessus de lui, sans comprendre ce qu'il se passait. Etait-il mort ? Non, ce n'était pas possible, car il ne faisait pas frais, au paradis, si ? A moins qu'il soit en enfer ... Il tourna alors la tête sur le côté, et découvrit près de lui Adèle, qui dormait encore. Couché comme il l'était, il ne vit que son visage, étrangement paisible, et il eut un instant peur qu'elle ne soit morte. « Non .. Pas elle ! » cria son esprit. Mais en prenant son pouls, Jack soupira de soulagement. Elle dormait simplement. Elle ne faisait que dormir.
Alors lui non plus n'était pas mort ? Mais où était-il ? Il essaya de se redresser sur un coude, mais sa peau le tirailla de partout, et c'est avec un grognement qu'il se laissa retomber sur la peau de bête qui lui faisait office de matelas. Mais c'est qu'il avait limite chaud, avec tout ça ... Car il venait de remarquer qu'il avait pour seul vêtement son vieux caleçon. Bordel, que faisaient-ils ici ?