On the Ground

Allongé sur le lit, il pouvait presque encore sentir ses lèvres contre les siennes, et ses mains caressant lentement sa nuque épargnée par le feu. Et alors que le docteur Tsing lui faisait face, il ressentait encore la chaleur de sa peau contre la sienne. Ses mains légèrement tremblantes témoignaient du fait qu'il arrivait avec une grande peine à se retenir de sauter sur Tsing pour l'étrangler, avant de pouvoir finalement profiter entièrement de Billie, à bon entendeur. Mais non, il devenait se retenir. Se retenir de tout, se retenir de vouloir tuer tout ce qui se trouvait sur son chemin, tout comme se retenir de vouloir se jeter sur Billie. Se retenir. Non seulement pour assurer la survie des 100, mais aussi pour se contrôler. Se contrôler. C'était ce qu'il devait faire, encore et encore.
Et pourtant, alors qu'il était allongé sur le lit, et avait entendu la porte s'ouvrir, alors qu'il croyait qu'elle était finalement sortie sans dire un mot, plus forte que jamais, John entendit finalement les trois mots qui lui étaient adressés. Prononcés avec lenteur, et surtout, avec un étrange sentiment qui avait finit par prendre part entière de la jeune femme.

« - Moi aussi, John. »

Et puis finalement, la porte se referma. Il n'avait que du soucis à se faire et pourtant, il ne pouvait qu’espérer qu'elle s'en sortirait et de toute façon, ils n'avaient pas le choix. Mais alors que Billie commençait à s'éloigner de la porte, légèrement poussée par Jacob, John ressentit une étrange pression au niveau de sa nuque. En constatant alors que son souffle se coupait peu à peu, le grand brun sentit les doigts sinueux du Docteur serrer lentement un point précis au niveau de sa gorge, et alors que ses yeux presque inquiets étaient relevés vers la grande femme brune, il put apercevoir l'ombre d'un étrange sourire sur son visage. De sa main libre, Tsing enfonça avec une précision implacable une seringue dans l'une des marques de John, et une fois le produit le produit injecté, elle rangea rapidement la seringue et essuya la trace de sang qui venait d’apparaître.
C'est à ce moment que la machine qui surveillait les signes vitaux de John se mis à hurler, et tandis que John se convulsait violemment et qu'il se sentait partir, Tsing feignit d'essayer de le réanimer, introduisant un message cardiaque mal appliqué : elle ne devait ni le faire revenir, ni le blesser en écrasant son cœur. Et alors que John la regardait d'un air mauvais, les dents encore serrées et ses doigts tentant désespérément de l’attraper, la machine finit par n'émettre qu'un son continu, signalant un arrête cardiaque. Et le corps du grand brun retomba sur le lit, inanimé. Comme mort.

« - Jacob, de l'aide ! Allez cherchez l'infirmière, j'ai besoin d'aide ! » fit-elle en hurlant.

Et alors qu'elle continuait de presser ses mains contre le torse nu du jeune homme, dos à la porte, Tsing ne pensait qu'à sa victoire. Et surtout, que désormais, la chef des 100 serrait totalement docile. Ses yeux, couverts d'un faux voile de tristesse, observaient le corps ramolli du jeune homme, dont la poitrine restait basse, ne se soulevant plus, et dont le cœur semblait s'être arrêté. Selon la machine, il était tout simplement mort.

Oh pour Adèle, la chute ne sembla pas si longue. Elle fut même étonnamment courte, alors que le sol semblait si bas. La brune eu juste le temps de prévenir le jeune homme de son arrivée, hurlant, et les yeux fermés, elle n'eut d'autre choix que de tomber.
A vrai dire, elle s'attendait à un gros choc et surtout, à ne pas pouvoir se rattraper, étant donné son état. Mais au lieu de cela, elle flotta en apesanteur quelques instants, et n'eut pas le temps de comprendre que c'était Jack qui l'avait retenue avant qu'ils ne s'écroulent tous les deux sur le sol. Enfin lui sur le sol, et elle a moitié écrasée sur lui.
En le sentant avoir du mal à respirer et surtout, à sentir sa poitrine se lever lourdement sous elle, la brune pensa rapidement à se décaler, atterrissant finalement à son tour sur le sol, allongée sur le dos. Elle laissa échapper un léger rire nerveux, les yeux dirigés vers la trappe encore ouverte, tandis qu'elle passait lentement ses mains sur son visage, alors qu'elle sentait ses articulations en mauvais état. Adèle tenta d'ailleurs rapidement de bouger sa jambe infirme, mais comme elle s'y était attendue, celle-ci ne daigna pas lui obéir une fois de plus, bien qu'elle cependant une légère douleur au niveau de sa hanche. En soupirant légèrement, la brunette tourna la tête vers Jack, lui offrant un petit sourire.

« - Merci Jack. »

De l'avoir rattrapée, il s'entend. Alors qu'elle continuait de sourire, la trappe commença lentement à se refermer, les glissant peu à peu dans le noir. Qu'est-ce que c'était que cette blague ? Ils avaient trop peur qu'ils arrivent à remonter l'échelle ou quoi ? Apparemment, la confiance n'était vraiment pas règle d'or ici. Et même là, ils y allaient un peu fort. Les pensées de la brune lui arrachèrent un petit soupir, et elle tourna de nouveau la tête vers le brun, qu'elle peinait réellement à voir dans le noir.
Qu'allaient-ils donc devenir ici ?

Billie finit par fermer la porte derrière elle, et, le cœur lourd, elle commença à s'éloigner de cette chambre pour rejoindre tous les autres qui devaient se demander où elle se trouvait. Mais bientôt, elle sentit une pression sur son bras, et, en relevant la tête, elle découvrit Jacob, qui, lentement mais sûrement, la poussait loin de John. Alors elle avait raison. On ne la laisserait pas revoir le jeune homme ? La découverte qu'elle avait faite était purement accidentelle et elle était certaine que jamais elle n'aurait dû la faire, alors maintenant, on allait l'empêcher de le revoir ? C'était tout bonnement impossible. Elle ne pourrait pas, voilà tout. Elle mènerait sa mission a bien et ferait tout son possible pour trouver une sortie, mais jamais elle ne pourrait ne pas revoir le jeune homme. Elle n'aurait de cesse de le chercher, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle le trouve. Et Wallace et Tsing devaient en être arrivés aux mêmes conclusions qu'elle car il décidèrent de faire passer John pour mort. Une seconde fois.
Ainsi, alors qu'elle allait tourner dans le couloir, accompagnée de Jacob, les échos infernaux de la machine parvinrent aux oreilles de la jeune femme, bientôt suivis par les cris du Docteur Tsing. Elle connaissait ces bips incessants, cette alarme ... Le cœur de John était en train de lâcher ! Dans son esprit, ce fut alors la débandade. Et, quand elle se tourna vivement pour partir en courant vers la chambre du brun, elle ne réfléchit pas. C'était tout simplement son cœur qui parlait, car son esprit, lui, était paralysé par la peur. La peur de le perdre. Et bientôt, Jacob se mit a courir derrière elle pour la rattraper. En soi, il n'aurait pas dû avoir de mal à l'arrêter, mais l'adrénaline et la tension qui bloquaient sa respiration la faisait courir plus vite que jamais. Elle ne pouvait imaginer John mort, pas encore, pas une seconde fois ... Des larmes silencieuses se mirent alors à rouler sur ses joues, avant même qu'elle n'arrive devant sa chambre, et, quand elle ouvrit la porte, le calme était revenu dans la pièce. Mais c'était justement trop calme. Bien trop calme. Tellement calme que la machine n'émettait plus aucun bruit. Tellement calme que le corps de John avait cessé tous ses soubresauts. Tellement calme que Tsing avait arrêté le massage cardiaque.
La main sur la poignée de la porte, Billie secoua alors la tête. Non. Non. Non. Non ! Il ne pouvais pas être mort, c'était impossible ! Deux minutes plus tôt, il était encore en train de l'embrasser ... Non, c'était impossible qu'il soit mort !
Sa plainte déchirante troua alors le silence lugubre, et la grande femme brune se tourna vers elle en essayant de l'empêcher d'approcher le corps du jeune homme. Comme si elle n'avait peur que Billie ne fasse quelque chose de mal, qu'elle n'appuie a un mauvais endroit en lui disant adieu ...
Alors, en la retenant par les épaules, tournant le dos à John, Tsing l'empêcha d'avancer plus près. Mais, en larmes, Billie ne se laissait pas faire. Il ne pouvait pas être mort, c'était impossible ... Impossible !

« - Laissez-moi ! Lâchez-moi ! »

Ses cris hystériques perçaient les tympans, et si elle continuait a s'agiter de la sorte, elle finirait par blesser quelqu'un ou se blesser elle-même. Mais Tsing, et bientôt Jacob derrière elle, la tenaient fermement. Quand le garde assura bien la prise qu'il avait sur elle, autour de sa taille, le Docteur la lâcha alors et croisa les mains derrière son dos.

« - Je suis désolée Billie, mais le cœur de John a lâché. Il n'a certainement pas pu supporter ces retrouvailles trop passionnées. »

Elle aurait voulu ne pas l'écouter. Elle aurait voulu devenir sourde pour ne pas entendre ce que cette vipère venait de dire. Mais elle ne l'était pas, et, bien qu'elle n'en montre rien, trop occupée qu'elle était a essayer de se dégager, les mots de Tsing écorchèrent son esprit bien plus que tout ce qu'elle avait déjà enduré. Mais elle essayait toujours de se dégager, de se sortir de l'emprise de Jacob. Lequel, sur un signe de la grande brune, commença à reculer, éloignant Billie du corps inerte de John. Et elle, telle une folle furieuse, le visage inondé de larmes, les yeux rougis, hurlait. Elle hurlait son chagrin, sa peine, sa douleur. Mais aussi sa colère, sa perte. Elle se débattit encore et encore et encore, si bien que le garde finit par l'attraper par la taille pour la mettre sur son épaule. Mais elle ne se laissa toujours pas faire, criant qu'elle voulait qu'on la laisse approcher John, qu'elle voulait qu'on la laisse le toucher une dernière fois, lui dire au revoir. Ainsi, dans une rage désespérée, elle réussit à crocheter ses doigts contre le rebord du hublot de la porte de la chambre, et, comme quelques jours plus tôt, elle fracassa la vitre avant de prendre un morceau comme arme. Mais contrairement à la première fois où elle l'avait fait, cette fois, c'est son poing fermé qui entra en contact avec les morceaux de verre brisé et non le bout de la perfusion. C'est donc la main en sang qu'elle rua une fois de plus en avant pour attraper un bris de verre. Mais malheureusement, Jacob la recala sur son épaule, et la peau fine de son poignet se retrouva en contact avec les dents de verre qui dépassaient du rebord. Et, tel une bête sauvage, le verre lui entama la peau, creusant une large entaille dans ses veines, qui commencèrent à déverser son sang sur la porte immaculée.
Mais, malgré cela, malgré le fait qu'elle se vidait de son sang, malgré la douleur, elle continuait de ruer, de crier, de hurler. Le garde la tenait toujours fermement, tentait de l'éloigner de la chambre de John, ou plutôt de son cadavre, mais soudain, Billie ressentit une pointe de douleur aiguë dans le bras, et, sous son regard qui déjà se floutait, elle vit Tsing retirer une aiguille de son membre.

« - Emmène-là a l'infirmerie pour soigner ça. »

Le son désagréable du Docteur lui parvenait comme au fond d'un tunnel, et, déjà, ses ruades se calmaient. Son esprit semblait être embrumé, et son corps lui semblait peser une tonne. Et, rapidement, elle s'enfonça dans l'inconscience. Mais les larmes roulaient toujours sur ses joues, en un flot ininterrompu, témoins de la douleur indicible qui lui était tombée dessus en moins de deux.

Ils s'effondrèrent au sol, ou bien dire que Jack s'effondra et qu'Adèle lui tomba dessus serait plus correct, et, encore une fois, la poitrine du jeune homme eut du mal à se soulever, choquée par la pression qu'elle venait de se prendre, et ayant gardé en mémoire celle qu'elle avait reçu peu de temps auparavant en tombant du plafond.
Mais heureusement pour lui, la jeune femme se décala rapidement sur le côté, avant de laisser échapper un rire nerveux. A vrai dire, Jack, lui, était bien trop occupé à reprendre son souffle pour ne serait-ce que réaliser qu'ils étaient de nouveau enfermés et enfoncés dans la merde jusqu'au cou, alors de là à en rire .. Il en était loin, pour le moment.
Mais, petit à petit, son souffle retrouva une allure plus ou moins normale, ainsi que son rythme cardiaque, qui se calma peu à peu. C'était trop en trop peu de temps, c'était sûr. D'abord cette chute vertigineuse, puis ensuite le fait de devoir rattraper Adèle ... Non pas qu'elle soit lourde, mais la vitesse de la chute l'avait bien assommé quand même.
Elle se tourna d'ailleurs vers lui, lui souffla quelques mots, et, en haussant les épaules, Jack secoua un peu la tête.

« - J'allais pas te laisser t'étaler comme une crêpe, quand même », dit-il avec un sourire en coin qui avait déserté ses lèvres depuis qu'ils étaient arrivés dans le campement des Terriens.

D'ailleurs, la question était maintenant de se demander comment, et quand, ils allaient sortir de là. Car le brun, même en y mettant toute la bonne volonté du monde, aurait toutes les peines possibles et imaginables à rester enfermer ici pendant des jours et des jours. Et ils allaient manger et boire comment, hein ? Se laver, se soulager ? Bonne question, et le jeune homme n'était pas près de se transformer en animal parce que ces Sauvages avaient décidé de les enfermer sous terre comme des rats. Alors que clairement, c'était plutôt Kane et Griffin qui auraient mérité ce traitement, et pas eux.

« - Laissez-moi ! Lâchez-moi ! »

Les mots de Billie résonnaient dans la pièce, perçant presque les tympans de ses occupants. Mais rien ne répondait à ses cris, si ce n'était le silence, ou les ordres hurlés par Tsing dans la pièce. Alors que Jacob tentait désespérément de retenir la brune, Tsing restait face à elle, lui interdisait ne serait-ce qu'un simple contact avec le brun allongé sur le lit. Brun qui ne semblait plus tellement en forme, comparé à ce qu'il était quelques minutes plus tôt. A vrai dire, il semblait même mort. Et tout était là pour le montrer, tout. Plus de respiration, plus de pouls détecté par la machine, plus rien.
Inerte. Et tandis que lui reposait sur le lit, immobile, Billie se débattait. Elle hurlait, criait, donnait des coups. Et rien ne semblait calmer la panique et le désespoir qui s'étaient emparé d'elle. Rien. Car en face d'elle, celui que la brune avait cru retrouver était finalement partit. Sous ses yeux. Et elle n'avait rien pu faire, surtout pas avec Tsing devant elle.
Jacob avait fini par réussir à la sortir de la pièce, mais alors qu'il pensait avoir finalement réussit à s'éloigner de celle-ci, les ongles de Billie s'accrochèrent désespérément au hublot, et bientôt, elle cogna celui-ci à plusieurs reprises, finissant par briser le morceau de verre, qui vola simplement en éclats. Et tandis que le blond continuait d'essayer de la tirer, les mains de la brune cherchaient à faire du verre récemment brisé une arme, tentant d'arracher des morceaux de celui-ci. Mais ceci ne fit qu'empirer l'état des choses et surtout, ensanglanter ses mains. Et alors qu'elle avait fini par ouvrir son bras, Tsing se rua vers elle, et s'appliquant, elle enfonça lentement l'aiguille dans la peau de la jeune femme.
Et puis plus rien. Elle fini par se reposer sur l'épaule du garde, inerte. Et sous les ordres du docteur, il emmena la petite poupée brune à l'infirmerie. Dès qu'elle fut laissée entre de bonnes mains, Jacob se depêcha de rejoindre Tsing, qui était déjà entourée de deux autres gardes, les traits plissés.

« - Emmenez le en détention, il ne devrait pas se réveiller de sitôt. Mais s'il bouge, appelez moi. »

Les deux gardes hochèrent la tête, avant de se diriger, une fois de plus sous les ordres de Tsing, vers le lit de John. Il soufflèrent doucement avant de commencer à soulever John, et en grinçant sous le poids de celui-ci, ils demandèrent l'aide de Jacob. Les trois hommes finirent donc par réussir à sortir le grand brun de la pièce, le traînant vers l'ascenseur. Et pendant ce temps, Tsing elle aussi, soupirait doucement. Mais de soulagement. Ils avaient enfin réussit, et bientôt, elle verrait si ses recherches avaient les résultats souhaités. Sourire aux lèvres, elle se dirigea vers la vitre et, sortant une petit fiole de sa poche, elle préleva quelques gouttes du sang de Billie, ruisselant encore sur les morceaux de verre brisés, puis elle se releva lentement.
Le fils de Wallace allait être plus que content en apprenant la nouvelle.

Adèle elle, avait eut plus de facilité à reprendre son souffle. Même si durant quelques instants, elle était restée quasi immobile sur le sol, le dos collé contre celui-ci et le regard tourné vers la trappe. Qui était désormais totalement fermée. Et quand bien même, quelques fins traits de lumière s'échappaient doucement du plafond, l'aidant à apercevoir le visage du brun alors qu'elle avait la tête tournée vers lui.
Ses yeux plissés traduisaient à la fois sa difficulté pour essayer de le voir, mais aussi la part d’inquiétude qui séjournait toujours en elle. Alors qu'elle venait de s'adresser à Jack, le remerciant d'avoir atténué sa chute, la brune releva à nouveau les yeux vers le plafond, soupirant légèrement. Enfermés, encore et toujours. Et surtout, dans un endroit qui ressemblait plus à un vieux dépotoir qu'à une prison. Ils les avaient jetés ainsi comme des animaux, des déchets, sans même prendre la peine de les aider ne serait-ce qu'à descendre alors qu'ils étaient tous les deux mal en point. En plus de cela, le fait de penser que Kane et Griffin n'avaient pas été jetés ici la faisait encore rager. Sa colère n'avait pas baissé en tension depuis qu'elle les avait vu, et c'était avec peine qu'elle se retenait de hurler et de crier toutes ses pensées à haute voix. Surtout les pensées qui concernaient les deux adultes. Comment la Commandante avait-elle osé les traiter mieux qu'eux ? Ou peut-être étaient-ils enfermés dans un endroit pire que le leur, soumis à la torture ? Si elle avait un peu plus cruelle, cette pensée aurait fait sourire la jeune femme, mais elle n'en était pas au point de se délecter du malheur des autres. Juste à celui de les détester.
Adèle se tourna alors à nouveau vers Jack, et elle put apercevoir sur ses lèvres, l'un de ses sourires en coin qu'il n'avait pas esquissé depuis longtemps. Et le fait de le voir sourire ainsi, et que durant quelques instants, il ne pense plus à ce qui leur était arrivé, illumina aussi son visage pâle. Ils faisaient quand même peur à voir tous les deux, avec leurs cernes et leur visage désormais crasseux à cause de la poussière qui était venue se loger sur les visages. Les cheveux de la brune étaient bien heureusement tressés, mais même ainsi, la saleté avait trouvé un moyen de s'infiltrer dans sa tresse brune, qui pendouillait minablement à ses côtés, presque totalement défaite.

« - En attendant on a quand même tous les deux finis écrasés sur le sol ! » railla-t-elle en le regardant encore.

La jeune femme lui adressa un petit sourire, puis elle tenta de se lever. Elle se rendit alors compte que ses abdominaux refusaient simplement de travailler, et que le reste de son corps restait encore engourdi après la chute. Elle n'imaginait même pas l'état de Jack ... C'est en roulant sur le côté et en se retrouvant sur le ventre qu'elle réussit finalement difficilement à se mettre sur ses genoux, et, haletante, elle releva la regard vers le grand brun qui était toujours allongé.

Billie était inconsciente, portée par Jacob, qui l'emmena à l'infirmerie.Là, toujours dans les bras de Morphée, elle fut allongée sur un lit, puis soignée, et son poignet fut soigneusement bandé et pansé, le flot de sang venant encore durant quelques temps rougir le tissu immaculé qui lui faisait comme un bracelet.
Mais, le visage pâle de la crise de nerf qu'elle venait de faire et du sang qu'elle avait perdu, Billie ne voyait pas où elle se trouvait, ni tous les tests qu'on lui faisait. Il y eut d'abord ceux, classiques, de sa tension artérielle et de sa respiration, puis, d'autres, moins classiques. On lui préleva encore un peu de sang, par exemple, en prenant soin de camoufler la piqûre de l'aiguille dans celle provoquée par la perfusion qui lui avait été mise. Et enfin, comme le sédatif administré par Tsing était puissant, bien trop puissant, si vous voulez mon avis, on amena Billie près d'un autre patient, dont le corps était couvert de brûlures toutes plus atroces les unes que les autres. Mais, contrairement à celles de John, elles étaient dues aux radiations et non aux flammes.
Et alors, alors que la brune était toujours inconsciente, on lui appliqua une dialyse sur la poitrine, presque au niveau de l'épaule, à laquelle était reliés plusieurs tuyaux, qui partaient vers une machine. En suivant le réseau que cela formait, on arrivait facilement à d'autres tuyaux, qui eux, étaient attachés à la dialyse du grand brûlé. L'infirmière présente appuya alors sur un bouton bleu, et, quelques secondes après, le sang rouge de Billie monta dans les tubes, avant de redescendre, de passer dans la machine, et de se déverser dans le corps du malade. Tout ça alors qu'elle était inconsciente. Mais Tsing avait besoin de résultats, et John était pour le moment inopérationnel. Il lui fallait un cobaye, des résultats au plus vite, et Billie lui était littéralement tombée dans les bras. Alors autant s'en servir un maximum.

Jack, desormais tourné vers la jeune femme, leva les yeux au ciel en l'entendant repondre. Mais c'était bon de se détendre enfin et de blaguer, et ce, même si le contexte dans lequel ils se trouvaient n'était pas des plus joyeux et certain. Bien au contraire.
Mais justement, alors qu'ils avaient la mort aux trousses, la meilleures chose qu'ils avaient à faire, c'était de se détendre, de rire un bon coup, eh de destresser une bonne fois pour toute, avant la prochaine réunion avec les plus hauts dirigeants du peuple des Terriens.
Ainsi, quand elle lui repondit, il secoua la tête en levant les yeux au ciel.

- Sans moi, tu te serais certainement brisé la nuque, repondit-il sans quitter son petit sourire en coin, déformé par la cicatrice qui, petit à petit, se formait sur sa joue.

D'ailleurs, il était étonné que Kane et Griffin l'aient reconnu, défiguré qu'il etait. Mais en soit, rien ne prouvait qu'ils l'avaient reconnus. Ce n'était pas le cas, d'ailleurs, et, quand on y réfléchissait et qu'on avait été attentif, on pourrait presque se souvenir d'avoir aperçu une grimace de recule et de dégoût sur les visages terrassés par la poussière et la douleur des deux conseillers de l'Arche. Qu'étaient devenus les jeunes - presque innocents - qu'ils avaient envoyés sur Terre seulement trois mois plus tôt ? Comment avaient-ils pu changer à ce point ? Ils s'étaient sûrement posé ce genre de questions. Mais désormais, cela n'avait plus aucun intérêt de si her a cela, car eux étaient enfermés dans un bâtiment en dur, tandis qu'eux, véritables chefs des 100, pourrissait sous terre, enfermés dans une cage comme des animaux. Ils méritaient pourtant mieux que Kane et Griffin !
A moins que les Terriens ne soient en train de torturer les deux conseillers ... A vrai dire, Jack ne savait pas. Et pour tout dire, il ne saurait pas de sitôt, ou en tout cas pas avant qu'ils n'aient été délivré de ce cachot ingrat dans lequel ils avaient été jetés sans ménagement.

Tandis qu'à l'infirmerie, Tsing s'occupait du cas de Billie, quelques étages plus bas, dans l'une des sombres pièces du Month Weather, John était surveillé par l'un des gardes qui se trouvait seulement à quelques mètres de lui.
Allongé ainsi sur une espèce de lit de fortune, qui ressemblait plus à une table d’opération qu'autre chose, le grand brun reposait inerte. Mais contrairement à de nombreuses minutes plus tôt, sa cage thoracique se soulevait lentement, alors que le sang qui affluait dans ses veines avait déjà reprit son trajet depuis bien longtemps. Oh non, John n'était pas mort, bien loin de là. Tsing l'avait seulement "arrêté" pour que Billie le croit mort, ce qui avait marché bien mieux que ce qu'elle n'avait osé l'espérer. Heureusement, elle avait aussi administré un sédatif au grand brun, afin qu'il reste assez longtemps dans les vapes pour qu'elle puisse s'occuper comme elle le voulait de la jeune femme qui se trouvait actuellement à l'infirmerie.
Si le docteur s'était déjà servie de John pour quelques tests préalables, l'affaire de Billie lui permettrait de confirmer ses soupçons, et alors que celle-ci croyait son bien aimé mort et enterré, elle pourrait tranquillement s'en servir pour de nouvelles expériences.
C'était donc de nombreux étages en dessous de l'infirmerie que se trouvait John, enchaîné à son lit de fortune, les bras liés à celui-ci. Car désormais, il devait avoir compris ce qui se tramait ici, et or de question de prendre le moindre risque. Pourtant, les liens qui enserraient ses poignets n'étaient pas serrés, car Tsing avait tenu à ce qu'ils puissent dialoguer sans que celui-ci soit totalement paniqué, et surtout, elle arriverait peut-être à le convaincre de comprendre ses actes, ce dont elle doutait tout de même un peu. Mais de toute façon, qu'il soit volontaire ou non, elle se servirait de lui. Et si ça dérapait, elle savait très bien où l'envoyer.
Dans le couloir, un des gardes s'arrêta pour faire la relève, laissant l'autre prendre un petit temps de pause. Ils échangèrent ainsi leur poste, et malgré le boucan qu'ils faisaient, le corps du brun restait immobile. Il fallait dire que Tsing l'avait sacrément assommé, et ce n'était pas la première fois ! Mais cette fois, en se réveillant, il aurait sûrement tout conscience de la situation dans laquelle il était rien qu'en regardant autour de lui. A vrai dire, ce n'était pas tellement difficile à deviner.
Il était dans la merde.

« - Sans moi, tu te serais certainement brisé la nuque » raillait-il à son tour, ayant enfin tourné le regard vers elle.

Enfin le regard, c'était bien dire. Car ses yeux, pas encore habitués à l'obscurité, arrivaient seulement à discerner le visage du jeune homme, tourné vers elle. Et grâce aux quelques éclats de lumière, la jolie brune pouvait tout de même apercevoir son sourire. Sourire qui s'étalait désormais sur tout son visage, quittant le coin des lèvres du jeune homme. Mais d'ici, elle pouvait juste voir qu'il souriait. Et ça lui suffisait amplement, vu qu'elle aussi, avait fini par sourire.
Trop perdue dans ses pensées, la brune ne répondit pas au jeune homme. Après avoir vainement tenté de se relever, la jeune femme fini par abandonner, maudissant intérieurement sa foutue jambe qui, ne répondant pas à ses actes, l'empêchait de bouger comme elle le voulait. A vrai dire, elle savait très bien ce qu'il lui fallait : une attèle, et une vraie. Pas cet espèce de truc miteux en bois qui, après leur chute, c'était d'ailleurs presque entièrement disloqué. Et qui donc, ne servait pratiquement plus à rien. Quittant sa position à genoux, Adèle bascula en arrière pour se retrouver assise, les jambes étendues devant elle. Après plusieurs essais, elle finit par arriver à remettre en forme l'attèle bon marché du Terrien, enfin, plus ou moins. Ça tiendrait, mais pas indéfiniment. Dès qu'elle en aurait l'occasion - et surtout le bon matériel - elle trouverait le moyen de se construire une jambette en ferraille qui pourrait l'aider à marcher. Sauf que d'un côté, elle de demandait réellement où elle pourrait de quoi la fabriquer. Peut-être que l'Arche, si elle était bel et bien tombée selon ses prévisions, contiendrait ce dont elle avait besoin.
L'Arche. Y repenser ramena immédiatement le souvenir des deux conseillers, et Adèle passa lentement ses mains sur son visage, désespérée. Et voilà qu'ils étaient coincés ici comme des rats morts, à attendre qu'on juge s'ils étaient bon à décapiter ou à pendre. Car c'était bien la finalité qui les attendait. La jeune femme doutait réellement que la Commandante les laisse partir indemne, déjà qu'ils ne l'étaient pas tant que ça. Secouant doucement la tête, la brunette reporta son regard sur Jack, et elle lâcha un petit soupir qui exprimait toute son exaspération, avec un léger soupçon de colère camouflée.

« - Combien de temps est-ce qu'on va encore rester enfermés ici ? » fit-elle presque comme à elle même.

Oui, combien de temps ? Elle se voyait mal survivre plus de quatre jours dans cet espèce de dépotoir, surtout si on les laissait crever de faim. Et étant donné qu'ils n'étaient pas non plus au top de leur forme, ça réduisait leurs chances de survie, aussi minimes qu'elle soient.

Alors que Billie était toujours plongée dans un coma artificiel à cause du produit qu'on lui injectait dans les veines, son sang, lui, plus précieux que de l'or pour les habitants de Mount Weather, remontait le long des tubes transparents, avant de s'écouler dans le corps inerte lui aussi du malade allongé près du lit de la jeune femme femme. Cela faisait plusieurs heures que le traitement avait commencé, et la différence entre le début de cette étrange expérience était nettement visible. C'était bien simple, la peau du grand brûlé n'était plus qu'un amas de folies et de rougeurs, et son pronostic vital ne semblait plus engagé. Tout au plus, il semblait encore pâle, et quelques cicatrices restaient visibles sur sa peau désormais quasiment normale.
Mais, si le grand brûlé avait recouvré la forme, Billie, elle, étendue sur ses draps blancs telle une poupée de porcelaine, ressemblant étrangement a l'une des princesses Disney que toutes les petites filles rêvaient de devenir, était plus pâle que jamais, et face à son teint blanchâtre, quasiment trop, ses cheveux bruns, reposant sur l'oreiller, ainsi que ses lèvres roses tranchaient étrangement. C'était comme si, face à cette peau presque translucide à travers laquelle on distinguait nettement les veines de ses tempes et sous ses yeux, les couleurs de ses cheveux et de ses lèvres étaient trop vives. Mais ce n'était qu'une impression, car, en réalité, sa bouche n'était pas si colorée que ça, et le manque de sang l'avait aussi fait pâlir, et ses mèches semblaient ternes a qui avait connu la petite brune avant tout ça. Avant le Mount Weather, avant toute cette angoisse, toute cette peur et tout ce stress. Le contraste, certainement.
Et pourtant, personne ne semblait s'inquiéter de la brunette qui, inconsciente prêtait son sang sans amen avoir donné l'accord. Tout au plus, on vérifiait ses constantes afin de s'assurer qu'elle ne clamserait pas au cour de l'expérience, car, il fallait bien l'avouer, n'importe quel individu du Sky People leur était indispensable. Ils allaient donc l'exploiter au maximum, mais sans la tuer. Ou en tout cas pas tout de suite.
Ainsi, quelques temps plus tard, quand le traitement fut terminé, on débrancha Billie de l'étrange machine, et on la ramena sur son lit, loin de l'homme dont elle avait très certainement sauvé la vie. On appuya ensuite un coton propre ainsi que du désinfectant sur ma petite goutte de sang qui perlait à son cou, là où s'était échappé l'hémoglobine avant de rejoindre le corps de l'autre homme, et un pansement lui fut posé. L'excuse était déjà toute prête : des éclats de verre s'étaient logés dans son cou quand elle avait fracassé la vitre et l'avait entaillée. Et, quand elle aurait trop de soupçons et que lui viendrait l'idée de retirer le pansement d'un geste rageur, la cicatrisation aurait déjà fait des miracles, rendant la distinctions impossible. Mais Tsing pensait que la brune, après la perte de John, n'aurait plus toute sa lucidité, et qu'elle serait bien trop occupée à pleurer son chagrin et à ressasser toutes ses pensées dans son esprit pour en revenir sur ses soupçons. Oui, elle pensait qu'ils étaient tranquilles pour un petit moment. Juste ce qu'il fallait pour pouvoir les utiliser par la contrainte ou le consentement.
Ainsi, la grande femme brune, d'un regard satisfait, finit par quitter le chevet de Billie, la laissant doucement reprendre conscience et de souvent de tout ce qui venait de se passer, de tout ce qu'elle avait vu. De la mort de John.

Quand Adèle essaya de se lever, Jack, lui, se tourna sur le côté pour finalement basculer sur ses pieds d'un mouvement souple et rapide, qui lui donna un coup de fouet, et fit repartir son sang dans ses veines. Il inspira alors, avant de baisser la tête vers son amie, qui était restée au sol, incapable de se lever seule avec sa jambe abîmée, et son attelé démantelée. Il espérait sincèrement qu'un jour, elle pourrait remarcher correctement, ou que du moins, elle pourrait avoir une prothèse qui l'aiderait. Ainsi, en se penchant vers elle pour lui rendre la main, il souffla bas, ayant peur qu'on ne l'entende, malgré la hauteur du plafond :

« - Crois-moi, si je pouvais, je les tuerais tous jusqu'au dernier. »

Il l'aida alors à se remettre sur ses pieds, puis, après avoir passé une main dans ses cheveux encore propre du bain qu'ils avaient pris le matin même, il souffla. Il commençait à avoir faim, et, si lui était un mec et avait une vessie plus grande que celle d'une fille, il se doutait bien qu'Adèle, elle, ne tiendrait pas indéfiniment sans pouvoir se soulager.
Mais, bien avant ça, eux deux ne tiendraient pas, enfermés comme des bêtes, dans cette espèce de cage géante. Mais le pire, c'est qu'ils ne savaient pas pendant combien de temps ils allaient rester coincés ici bas. S'ils savaient qu'ils devaient attendre deux heures, alors ils attendraient. Mais voilà, ils ne savaient pas s'ils devaient rester là pour une heure ou quatre, pour un jour ou une semaine. Et c'était certainement le pire.

« - Aucune idée, mais j'espère qu'ils viendront nous chercher avant qu'on ne soit qu'un tas d'os. »

Le caractère lugubre de ses paroles fut accueilli par le silence de leur caveau, et il se laissa de nouveau tomber au sol, les jambes relevées, les coudes sur les genoux, et le dos appuyé contre le mur crasseux. De toute façon, ils n'avaient rien à faire. Autant ne pas se fatiguer dès le début.

Finalement, le docteur Tsing abandonna Billie dès lors que la transfusion fut terminée, après s'être bien sûr assurée que son état serait convenable lorsqu'elle se réveillerait. Avec un sourire aux lèvres, la grande femme brune traversa lentement les couloirs pour atteindre l’ascenseur, les mains enfoncées dans les poches de sa large blouse. Et alors que les portes se refermaient lentement devant elle, l'une des mieux placées dans la législation du Month Weather lâcha un petit rire, qui se perdait entre la joie et la nervosité.
Ils avaient réussit. Les test précaires qu'elle avait exécuté sur John lui avaient accordés des doutes quand au potentiel du sang des jeunes du Sky People, mais désormais, après les résultats qui s'étaient avérés plus que concluants grâce au cobaye qui avait été sauvé par Billie, plus aucun doute n'était accordé : ce sang leur permettrait de lutter contre les radiations ! Mais à peine commençait-elle à se réjouir que son esprit se remit en marche, lui donnant encore une autre raison pour continuer ses expériences : si le sang permettait de guérir, serait-il assez puissant pour qu'ils puissent ... Aller sur Terre ? Cage, le fils de Wallace, nourrissait ce rêve depuis bien longtemps. Et lorsque Tsing lui rapporterait les résultats de sa dernière expérience, il serait plus que satisfait. Mais il faudrait, à la suite de cette réjouissance, encore réfléchir aux bénéfices accordés par le sang des 100. Combien de transfusions faudrait-il pour arriver à rester sur Terre ? Seules les expériences le diraient, et pour cela, ils allaient sûrement devoir sacrifier certains des leurs. Mais elle savait que pour arriver à leurs fins, le sacrifice serait plus que nécessaire.
La porte de l’ascenseur fini par s'ouvrir, coupant le docteur de ses pensées. La démarche toujours aussi lente et fière, elle avança droit devant elle, alors qu'elle se trouvait de nombreux étages en dessous de l'infirmerie où Billie ne tarderait pas à se réveiller. La femme en blouse blanche arriva finalement jusqu'à une pièce surveillé par l'un des gardes qu'elle connaissait bien, et elle congédia celui-ci d'un léger geste de la main, lui intimant de reculer pour qu'elle puisse passer. L'homme s'écarta, laissant entrer le docteur dans la pièce, avant de refermer derrière elle.
Quelques mètres plus loin, au fond de la salle, John était allongé sur le faux semblant de lit, qui recouvrait en fait une table d'opérations. Le grand brun était immobile, mais il était possible de savoir, rien qu'en regardant son torse se soulever et sa respiration régulière, qu'il avait le sommeil plus que léger, ce qui annonçait donc son réveil très proche. Tsing ramena une chaise près du jeune homme, et, sortant sa vieille pochette pleine de papiers ou elle annotait souvent quelques mots, elle soupira. Elle avait déjà une petite idée de la réaction du jeune homme lorsqu'il ouvrirait les yeux, c'est pourquoi elle ne s'était pas trop approchée de lui, étant donné qu'elle avait fait desserrer ses liens. Le garde le tiendrait en cas de besoin.
Et alors qu'elle avait les yeux baissés sur ses feuilles, griffonnant sur le papier, John se réveillait doucement. Alors qu'il avait encore les yeux fermés, il se sentit doucement reprendre conscience. Ses doigts bougèrent doucement, n'attirant toujours pas l'attention du docteur. Et puis finalement, de nombreuses minutes plus tard, il ouvrit les yeux.
Bordel, qu'est-ce qu'il s'était passé ?

« - Crois-moi, si je pouvais, je les tuerais tous jusqu'au dernier. »

Jack avait parlé doucement, presque sur le ton de la confidence, murmurant comme s'il avait peur que les Terriens ne les entendent de là haut. Bah, vu la hauteur de plafond, ils ne risquaient pas de le entendre, surtout que ça avait l'air agité, la haut. Parfois même, la brune avait l'impression que le plafond allait leur tomber sur la tête, et quelques cailloux s'écrasaient en effet sur le sol après le passage de certains Terriens qui ressemblaient probablement à des mastodontes.
En soupirant, la brunette regarda une nouvelle fois sa jambe abimée et son attèle défoncée, et c'est cette fois sans cacher sa joie qu'elle accepta en souriant la main de Jack lorsqu'il l'aida à se relever. Une fois debout, la jeune femme lâcha lentement le grand brun et vacilla quelques instants avant de retrouver son équilibre. Elle passa à son tour sa main dans ses cheveux, ou plutôt, tenta de rentrer ses mèches désordonnées dans sa tresse, sans succès. Elle abandonna donc sa maudite coiffure à son triste sort et soupira, les yeux tournés vers le grand brun.
Oh elle, si elle le pouvait aussi, aimerait tuer de nombreuses personnes qui se trouvaient au dessus de sa tête. Mais deux en particulier, avant de décimer tout le reste d'un coup.

« - Moi aussi » fit-elle simplement, concluant les deux réponses du brun en une seule de sa part.

Quoiqu'il en soit, ils étaient dans la merde. Car elle doutait sincèrement qu'ils viennent les chercher avant une bonne semaine. Et d'ici là, elle aurait le temps de crever la dalle, de se pisser dessus, d'être crade comme un porc, de manger Jack, de ruminer, et enfin, de se tailler les veines pour abréger ses souffrances et son désespoir. Encore fallait-il qu'elle trouve un putain de caillou pointu pour se les tailler, à moins qu'elle ne les arrache avec ses dents.
La jeune femme soupira alors, secouant la tête pour s'arracher à ses pensées stupides qui venaient d'envahir son esprit. Elle releva une fois de plus le regard vers Jack, gonflant ses joues pour lui monter à quel point elle était soûlée par la situation. Quoique d'un autre côté, elle n'aurait sûrement pas fait ça si elle était réellement désespérée. Peut-être était-elle donc juste soûlée et que, finalement, ce qui leur arrivait ne la touchait, la laissant indifférente face à leurs emprisonnements successifs.

« - De toute façon, on va crever. » finit-elle par lâcher simplement, le regard dirigé vers le plafond.

Et enfin, Billie finit par ouvrir les yeux. La poupée de porcelaine qu'elle etait, au teint pâle, aux lèvres presque trop roses, aux cheveux trop bruns répandus autour de sa tête sur l'oreiller, finit par se réveiller. Son regard chocolat, aussi profond qu'un puis immense et infini, se teinta d'incompréhension, et ses pupilles se rétractèrent quand les battements de son cœur s'accélèrent. Où était-elle ? Où étaient les autres ? Que lui avait-on fait ?
Ces questions tournaient en boucle dans sa tete, se fracassaient contre son crâne encore ensommeillé par les substances qui avaient coulé dans ses veines, l'envoyant au pays des songes assez longtemps pour que son sang miraculeux puisse sauver le patient qui se trouvait à l'autre bout de l'infirmerie. Et elle, en pleine incompréhension, sentait simplement son cœur frapper violemment sa poitrine a chaque battement, comme s'il voulait en sortir. Et, à chaque contraction cardiaque, elle ressentait un déchirement douloureux qui l'aurait presque fait grimacer si elle n'avait pas été tant dans les vapes.
Mais il fallait a tout pris qu'elle retrouve les autres. Ils devaient s'inquiéter, se demander où elle était, se poser des questions. Mais surtout, ils étaient ignorants. Ils ne savaient pas que les gens d'ici leur voulaient du mal, ils pensaient avoir trouvé le paradis. Alors que c'était tout le contraire. Mais il ne fallait pas qu'elle montre a Wallace qu'elle avait découvert qu'il voulait quelque chose d'eux, il fallait qu'elle fasse profil bas, comme ils l'avaient décrété avec John, pour qu'ils puissent ensuite ...
Elle se redressa subitement, si vite que sa tete en tourna, et, penchée sur les draps blancs, son souffle saccadé tentait de reprendre un rythme plus normal. John. Il était mort. Pour de bon. Alors qu'elle l'avait a peine retrouvé, qu'elle avait à peine laissé ses sentiments sortir de sa poitrine pour les lui avouer, il était mort. Elle avait cru pendant un instant que tout n'était pas perdu. Il était vivant, ils étaient enfermés, mais ils allaient s'en sortir, car ils étaient tous ensemble, et que l'union fait la force. Mais cette fois, il était bel et bien mort. Elle l'avait vu de ses propres yeux. Arrêt cardiaque. Il avait survécu à une puissant bague de flamme, n'était pas mort de ses brûlures. Et son cœur venait de le lâcher. Son cœur a lui, pourtant si vaillant, si puissant et courageux, avait simplement tiré sa révérence. Comme ça. S'en remettrait-elle un jour ? Là, affalée contre le lit, pliée en deux, essayant de reprendre sa respiration, le cœur comme fendu, un trou noir en son centre aspirant douloureusement tout ce qui se trouvait dans sa poitrine, c'était difficile d'en être certain.

« - Billie, calme-toi. Tu étais blessée, nous t'avons fait un pansement. »

L'infirmière qui venait de la redresser s'éloigna alors d'un pas pour la regarder, et la brune, les bras pantelants, avait le regard vide. Mort. Il était mort. C'est tout e qui tournait dans son esprit. Mort. Mort. A croire que jamais autre chose que ce mot horrible ne tournerait dans sa tête. Elle avait d'ailleurs cru devenir cinglée quand elle avait cru qu'il n'avait pas survécu au massacre des Terriens, mais finalement, il n'était pas mort. Sauf que cette fois, il n'y aurait pas de résurrection miraculeuse. Elle avait vu son corps sans vie, pale, immobile, et, quand elle y repensait, elle imaginait sans mal les bactéries de sa flore intestinale se développer exponentiellement et partir à la conquête de ce corps qui deviendrait rapidement le lieu privilégié pour toutes sortes d'insectes de pondre leurs nids.
Mais l'infirmière, en braquant sa lampe sur les pupilles de la brune, la sortit de ses pensées.

« - Tu peux retourner au dortoir, tout va bien. Jacob est là pour te raccompagner, si tu veux. »

Mais de toute manière, elle n'avait pas le choix. Alors, avec l'aide de la jeune femme et sans prononcer un mot, Billie se leva et quitta l'infirmerie comme un automate. Ne pas éveiller les soupçons, faire tout ce qu'on lui demanderait. C'était maintenant son seul et unique but. Faire sortir son peuple de cette foutue montagne, et pouvoir enfin m'aider les muscles de ses épaules se décontracter. Mais si elle n'eut apparemment aucune réaction quand Jacob passa une main dans son dos comme s'ils étaient amis de longue date, voire plus, c'était peut-être aussi Parce qu'au fond d'elle, pour le moment, elle n'avait plus la force de se battre. La mort de John l'avait comme anesthésiée, et, à part pour son peuple, elle n'avait plus la force de se battre. Alors se battre pour de protéger, elle ? Déjà que ça n'avait jamais été son fort, c'était désormais une qualité qu'elle ne possédait plus du tout.
Sauver les autres. C'était tout ce qui comptait. Et elle allait les sauver. Coûte que coûte. Quitte à y laisser sa peau. Son âme était déjà bien entachée, de toute façon.

Il n'eut meme pas le temps de pouvoir imaginer le fait qu'elle ne voulait pas de son aide et qu'elle pourrait refuser sa main tendue, qu'elle l'attrapait déjà, se servant de l'appui fort du brun pour se mettre debout. Et, après quelques secondes pour se stabiliser, elle était totalement immobile, debout près de lui. Elle essayer d'ailleurs de remettre des mèches de cheveux dans sa tresse défaite par toutes les cabrioles qu'ils avaient fait depuis qu'ils étaient sortis de la grotte de Lincoln, et, avant même que le bras de la jeune femme ne retombe le long de son corps, Jack sut qu'elle ne réussirait pas à se coiffer convenablement. Ses cheveux étaient bien trop indisciplinés pour ça.
Il esquissa donc un sourire en la voyant faire, avant de soupirer en l'entendant répondre. Oui, ils les auraient bien tués, tous, jusqu'au dernier. En épargnant peut-être les enfants, quand même, car, malgré tout, Jack n'était pas un tueur sanguinaire, sans cœur et sans remords, sans âme. Il l'avait bien perdue pour quelques secondes, pendant la fusillade, avant que tout ne parte en couilles, avant que la vague de feu ne les frappe, avant avant avant.
Ce jour-là, il avait tué sans remords. Sans se poser de questions, sans s'interroger sur l'âge des guerriers qu'il visait avec son arme de combat. Douze, treize, seize, vingt ? Aucune importance. S'il ne les avait pas tué, alors ils l'auraient tué, sans aucun doute. La loi du plus fort, tout simplement. Mais maintenant, son âme etait revenue, et il ne savait pas s'il était prêt à tuer des enfants jusye par désir de vengeance. Tant que tous les adultes étaient tués, les gamins ne survivraient certainement pas longtemps, de toute manière.
Mais la voix d'Adèle le tira de ses pensées, et, en tournant la tête vers elle, il la découvrit, le nez levé vers le plafond. Il plissa alors le nez et secoua la tête.

- On ne va pas mourir, Adèle. On n'a pas survécu jusqu'ici pour mourir dans une cage comme ça.

Il lui attrapa alors gentiment le bras pour qu'elle le regarde. Il ne voulait pas qu'elle ait de telles pensées idiotes dans le genre. Non, ils n'allaient pas crever, bordel ! Sinon, qui irait sauver leur peuple, prisonnier des hommes de la montagne comme l'avaient dit les Terriens ? Il fallait qu'ils survivent, et qu'ils aillent a l'assaut de certes montagne pour les délivrer. Ils ne devaient avoir qu'un but, après leur propre survie, et c'était cela. Les sauver. Mais pour cela, il ne fallait pas céder à la panique ou à l'abattement.

Contrairement à la première fois où il s'était réveillé, cette fois, la lumière ne l'aveuglait pas. Bien au contraire, il faisait sombre. Trop sombre.
La première chose que le jeune homme réussit donc à déduire, était donc le fait qu'on l'avait de chambre. Enfin chambre ... Ce n'était plus trop le cas de le dire. Il l'avait l'impression d'être dans une espèce de grotte miteuse et dégueulasse. Oui, dégueulasse était le mot. En baissant les yeux, toujours aussi lent et quasi immobile, il remarqua alors Tsing, assise à seulement un petit mètre de lui, qui griffonnait sur ses feuilles. Le sang du jeune homme se figea dans ses veines durant quelques instants, alors qu'il tentait vainement de déglutir en silence. Seulement, ce petit bruit du probablement attirer l'attention du docteur, puisqu'elle cessa d'écrire quelques instants, mais elle ne releva pas pour autant les yeux vers lui. Le jeune en profita donc pour inspecter à nouveau la pièce des yeux, puisqu'il savait que, de toute façon, il n'allait sûrement pas sortir d'ici.
Cette pensée le ramena d'ailleurs aux évènement qui s'étaient d'ailleurs déroulés de nombreuses minutes plus tôt, et il resta à nouveau figé quelques instants. Cette femme avait tenté de le tuer. Il se souvenait encore de sa main se pressant contre son cou, et de l'aiguille se plantant avec rapidité dans sa peau. Pourquoi n'était-il pas mort, d'ailleurs ? Comment avait-il fait pour survivre ? Le docteur l'avait-elle épargné au dernier moment ?
Oh merde? Billie? Qu'est-ce qu'ils avaient fait de Billie ? Cette fois, ce fichant bien de savoir si Tsing remarquait qu'il était éveillé ou non, le brun se releva rapidement. Enfin tenta, puisqu'il se sentit tiré de nouveau vers l'espèce de lit-table sur lequel il était allongé. Sérieusement ? Il était attaché, ou plutôt, ses poignets étaient liés à des cordes elles même accrochées au bois. Se méfiaient-ils de lui à ce point ?

« - Oh John, tu es réveillé. Ne fais pas attention à tes liens, ils sont juste là au cas où tu perdes le contrôle de toi même à nouveau. » entendit-il soudain, tandis que ses yeux se tournaient vers Tsing.

Ne pas faire attention à ces liens ? C'était plus facile à dire qu'à faire ! Il était attaché, bordel, comment voulait-elle qu'il n'y fasse pas attention ?! Il allait répliquer du tac au tac lorsque son cerveau analysa la fin de la phrase du docteur. A nouveau ? Comment ça, à nouveau ? Qu'avait-il fait ? Ou plutôt, qu'essayait-elle de lui faire croire ? Car désormais, il avait perdu toute confiance en cette espèce de charlatan qui se trouvait devant lui. Mais cette idiote, croyant probablement que lui même croyait au monde de bisounours qu'ils essayaient de présenter aux 100, essayait sûrement encore de lui raconter des conneries. Mais il n'y croyait plus. Et désormais, cela ne servait plus à rien de prétendre le contraire puis qu’apparemment, il allait rester attaché ici jusqu'à la fin de ses jours. Mais était-elle si loin, cette fin ?

« - Qu'est-ce que vous avez fait de Billie ? » se contenta-t-il de cracher
« - Je t'en prie John, ne sois pas si mauvais. Billie est en très bon état et ...
- Arrêtez de mentir ! Dites moi ce que vous lui avez fait ! Elle n'a rien à voir avec moi ! »

Le brun avait hurlé, tirant sur ses liens, et en voyant qu'il se rapprochait dangereusement d'elle, Tsing avait appelé l'un des gardes pour qu'il vienne resserrer ceux-ci. L'homme plaqua John contre la table et tira sur les cordes tandis que le jeune homme se débattait toujours, hurlant et donnant des grands coups devant lui. Ce fut finalement avec l'aide d'un deuxième homme que John fut maîtrisé et crocheté à son prétendu lit, les yeux emplis de rage.
S'ils avaient touché à Billie, où à une seule personne de son peuple, il les égorgerait tous ! Mais surtout, ils ne devaient pas savoir que Billie était au courant que rien n'allait ici. Car si elle était encore en vie, ce qu'il tentait d'espérer vainement, elle devrait s'en sortir sans lui et surtout, sans attirer les soupçons. Alors que son dos le brulait encore et qu'il sentait avec difficulté le sang se diriger vers ses poignets serrés dans les cordes, le brun serra les dents, le regard tourné vers Tsing.
Elle serait la première sur sa liste.

« - Tu as faim ? »

Une voix désagréable à ses oreilles la tira de l'étrange torpeur qui était tombée sur elle. Et pourtant, elle ne tourna pas la tête vers le jeune homme
blond qui venait de prononcer ces trois mots, la tête tournée vers la petite brune qui marchait, les bras ballants, à côté de lui. C'est bien simple, il avait l'impression de discuter avec un fantôme, un robot, ou tout ce que vous voulez qui ne soit pas humain. Car c'était bien là le problème. Elle n'avait absolument aucune réaction quand il lui parlait, quand il lui touchait subrepticement le dos ou le bras. Elle ne réagissait pas, ne tournait pas la tete vers lui. Comme si elle ne le sentait pas, comme s'il était invisible à ses yeux. C'était pourtant bien embêtant pour lui, Parce que la mission du garde etait pourtant bien claire, nette et précise : séduire la chef des 34 pour se les mettre tous dans la poche. Ils avaient bien fini par comprendre que John serait un obstacle à la réalisation de leur plan, alors, sans scrupules, ils avaient décidé de faire croire à Billie que ce dernier était mort. Et Jacob devait bien avouer qu'ils avaient été convaincant : il avait été lui-même presque convaincu par leur petit manège. Et autant le dire tout de suite, celle qui y avait cru plutôt trois fois qu'une, c'était justement la petite brune, qui paraissait plus frêle que jamais, à côté de lui. Comment était-elle devenue une figure emblématique de son peuple, fragile et faible qu'elle etait ? Ce n'était sûrement pas au combat ou en protégeant ses amis qu'elle avait du s'illustrer, et, pour le macho qu'était le blond, il était difficile d'imaginer comment quelqu'un comme elle avait réussi à se hisser jusqu'à la sphère dorée des 100. Comment elle avait réussi à revenir leur chef.
Mais il devait bien avouer que le corps du John avait tout fait pour montrer que ce dernier était mort, et Jacob ne s'étonnait donc pas tant que ça que la petite brune ait cru si facilement à leur petit tour de passe-passe.

« - Je veux juste prendre une douche. »

Elle parla, et, quand le garde tourna la tête vers elle, Billie s'efforça de ne pas grimacer. Honnêtement, voir la tete de ce toutou domestique qui ne faisait que la suivre partout où elle allait etait bien la dernière chose dont elle avait envie. Mais elle n'avait pas le choix, et, surtout, elle ne devait pas montrer de signe de résistance. Elle devait faire la gentille fille, la fille abattue - ce qu'elle etait sans aucun doute - mais aussi et surtout la fille reconnaissante envers ce peuple de les avoir accueillis et de les avoir certainement sauvés d'une mort certaine. Alors, même si tout ce qu'elle désirait se résumait simplement à se laisser tomber dans un coin, se recroqueviller sur elle-même et laisser le temps passer, effacer la douleur, les souvenirs, effacer toute cette peine, purger son corps de tout ce qui la faisait souffrir. Et elle finirait par le faire, mais pas tout de suite pour le moment, elle n'avait qu'une chose a faire : délivrer son peuple. Et, le regard fermé, le cœur saignant et la tête haute, elle entra alors dans son rôle à la perfection. Leur faire croire qu'elle coopérait. C'était la seule chose qui importait. La seule et unique. Et Billie n'était pas du genre a faire les choses à moitié.
Ainsi, quand Jacob l'amena près des douches, elle se tourna vers lui, et, avec un air reconnaissant plaqué sur le visage, elle posa une main sur son bras en le remerciant chaudement pour tout ce qu'il avait fait pour elle. Pour lui avoir évité les ennuis au maximum, pour l'accompagner encore en cet instant, qui était certainement l'un des plus difficiles de sa vie ...
Oh, jouer l'idiote aux yeux pleins de larmes ne fut pas compliqué, car elle etait littéralement une bombe chargée, prête à éclater en sanglots a n'importe quel instant. Mais transformer toute la haine, la rage et la rancœur qu'elle avait dans le cœur en ce masque de gratitude fut quelque chose de bien moins aisé, et, si cela avait encore existé, elle aurait mérité un oscar de la meilleur actrice.
Ainsi, une fois que Jacob l'eut l'aider seule dans les douches, avec le nécessaire dont elle pourrait avoir besoin, Billie se glissa sous l'eau chaude, nue, ses mèches brunes venant frotter dans son dos, et, une fois sous l'averse brûlante, elle baissa la tête et s'autorisa quelque chose. Elle se lava ensuite pendant un long moment, et, à l'eau de la douche se mêla rapidement les larmes salées de la petite brune. Mais elles ne se voyaient pas. Alors elle ne les cachait pas.

Mourir. Depuis que les 100 étaient sur Terre, Adèle n'avait que ce mot au creux des lèvres. Mourir, survivre, courir, sauver sa peau. Pas un seul instant, non pas un seul, n'avait été synonyme de répit. Elle avait l'impression de revivre la même journée à l'infini, une journée dont le matin commençait par la lutte contre le froid, qui se poursuivait par la famine qui sévissait dans leur camp, et qui se finissait chaque jour par une nouvelle catastrophe. Enfin ça, c'était avant. Avant que leur monde ne s'écroule une fois de plus. Comme si descendre sur Terre n'avait pas été suffisant, et que s'adapter à cette nouvelle vie n'avait pas été assez dur ... Il avait fallu qu'une fois de plus, tout ce qui les entourait tombe en cendres à nouveau. Même eux. Comme si leurs âmes n'avaient pas été assez martyrisées par les Terriens ici bas ... Comme si leurs corps bleuis par les coups n'étaient pas assez déchirés par le quotidien ...
Adèle baissa lentement les yeux, détachant son regard du plafond. Son esprit s'évada quelques instants vers des souvenirs quelques plus heureux, qui lui redonnèrent quelques instants le sourire. En fait si, il y avait quelques moments de répit. Comme les rares minutes de tranquillité qu'elle avait passé avec Jack. En y repensant, la jeune femme effleura légèrement ses propres lèvres avant de se reprendre : aucun de ces rares instants n'avaient su réparer ce qui était brisé en elle. Lorsque Jack fini finalement par lui adresser la parole, et qu'il lui attrapa lentement le bras, la jeune femme fini par reprendre pleinement conscience. Elle releva la tête vers Jack, les lèvres légèrement retroussées.

« - On ne sait pas de quoi ils sont capables. Ils pourraient très bien nous laisser crever la dalle ici, et parler avec les responsables de l'Arche alors qu'ils viennent juste de poser le pied sur Terre. Comment la Commandante peut-elle seulement les privilégier par rapport à nous ? »

Ses poings se serrèrent tandis qu'elle parlait, exprimant la rage qu'elle retenait dans ses paroles. Elle les détestait. Elle les détestait tous. Jamais elle ne les avait compris, et jamais elle ne les comprendrait.

De son côté, Jack s'était lui aussi laissé prendre ) s'évader dans ses pensées. S'évader. Le mot était bien choisi, quand, encore une fois, ils étaient prisonniers, enfermés quelque part, et incapables de s'échapper. Encore une fois, car, depuis toujours, ils avaient été enfermés. Depuis toujours, depuis leur naissance, ils avaient été entourés de quatre murs. Ca avait commencé sur l'Arche, et, pendant la majeure partie de leur vie, ils n'avaient jamais eu l'espoir vain et inutile de pouvoir respirer un autre air que celui, vicié, de la navette centenaire. Puis, toujours dans les étoiles, ça avait continué en prison, quand ils avaient tous, pas seulement eux deux, mais tous les cent, été emprisonnés pour délits plus ou moins graves. Là encore, ils n'avaient jamais espéré en réchapper. Et puis, miracles, on avait lâché les lionceaux qui n'avaient jamais connu que la captivité en pleine nature, livrés à eux-mêmes sur une terre qu'ils ne connaissaient que par les livres et les histoires de leurs arrières grands parents.
Alors, quand, une fois de plus, Jack sentit qu'il était emprisonné, une part de lui eut la tentation de se laisser abattre et de renoncer. Il eut envie, par lassitude, de s'asseoir dans un coin de la cellule et de ne plus penser à rien. Diriger était excitant, exaltant. Ca forgeait le caractère et ça amenait, en plus des mauvais côtés, une force que l'on ne peut soupçonner.Mais diriger était aussi éreintant, et, là, au fin fond de ce trou à rat dans lequel ils avaient été balancés, Jack eut l'envie de simplement arrêter de penser, arrêter de chercher une solution. Si les Terriens voulaient les tuer, alors ils les tueraient, quoi qu'ils fassent. Ils ne pouvaient rien faire pour rivaliser contre ses monstres de muscles et de haine.
Mais en même temps, la partie superticieuse de son esprit, celle, héritée de sa mère, ne pouvait s'empêcher de se dire que, s'ils avaient réussi à survivre à toutes ces épreuves, peut-être que leur bonne étoile était puissante et ne les lâcherait pas de sitôt.

Ce fut Adèle qui le tira de ses pensées, et, pour se reprendre, le brun passa une main dans ses cheveux, avant de baisser la tête vers elle.

« Tu as raison. S'ils veulent nous tuer, ils nous tueront. Ils nous pensent faibles, mais surtout, ils sont intimement persuadés que nous ne leur poserons aucun soucis. Mais il ne faut jamais être trop sûr de soi ... »

Son regard se perdit dans le vague, quand il se prit à croire à ses propres paroles, eux, réussissant par miracle à leur échapper et à s'enfuir dans la forêt vierge pour retrouver leur peuple. Mais une fraction de seconde plus tard, et il cligna des yeux en se redressant pour la regarder. La fatigue lui jouait des tours, et son esprit n'&rrivait plus à suivre le rythme. S'il voulait être bon à quelque chose, il ferait mieux de se reposer. Ou d'arrêter de se torturer l'esprit.

Tandis que Billie était en train de camoufler ses larmes sous la douche, John lui, sentait les liens qui enserraient ses poignets lui ciller lentement la peau. Il avait donc fini par renoncer de tirer sur ceux-ci, remettant à plus tard ses idées de masochisme.
Si seulement cette connasse de sing se rapprochait un peu, juste un peu, pour qu'il arrive à lui cracher dessus. Mais pour le moment, le docteur restait éloigné, toisant le jeune homme de toute sa hauteur. Car lui, enchaîné à sa table, semblait bien bas par rapport à celle-ci, et cela dans tous les sens du terme.
Son dos, encore douloureux, était pourtant rafraichi par l'espèce de table en marbre sur laquelle il se trouvait, et cela arracha un léger au sourire au jeune homme. Il quittait finalement un mal pour un bien. Ses yeux finirent finalement par se relever vers Tsing et les deux gardes, qui ne l'avaient toujours pas quitté du regard.

« - Qu'est-ce que vous comptez faire de moi ? C'est vrai, après tout, je ne vous suis plus d'aucune utilité. Pourquoi m'avez-vous laissé en vie ? Est-ce que les autres savent ou je suis ? Qu'est-ce que vous me voulez ? »

Au fur et à mesure que le jeune homme parlait, son ton s'élevait, jusqu'à ce qu'il finisse par hurler, son visage se rougissant par la colère. Et puis, finalement, en voyant le grand sourire de Tsing, le jeune homme cru comprendre.
Non, personne n'était au courant. Personne ne savait qu'il était en vie. Ils le croyaient le tous mort, tout cela n'était qu'une mascarade pour l'isoler des autres ... Pour que Billie le croit mort. Et qu'ainsi, elle devienne plus vulnérable que jamais.
Certes mais alors, pourquoi ne l'avaient-ils pas simplement tué ? Parce que ...

« - Voyons John, ne t'énerve pas ainsi. Ne t'inquiète pas, les tiens t'oublieront, mais pour nous, tu serviras à une grande cause.
- Une grande cause ? Qu'est-ce que vous ... ? »

Il n'eut pas le temps de finir que déjà, un des deux gardes se précipitait sur lui, lui bâillonnant la bouche, l'autre le retenant fermement. La dernière chose qu'il vit fut une fois de plus, le docteur s'approchant de lui avec une seringue.

Un nuage de vapeur tournait au-dessus de sa tête et venait flouter son visage dans le miroir, déformant ses trais et estompant les énormes cernes qui s'étalaient sous ses yeux, masquant ses pomettes émaciées, et ses joues qui s'étaient creusées.
Debout devant le miroir de la pauvre salle de bain, Billie, entourée de sa serviette, tendit le bras pour venir essuyer la buée qui s'était déposée sur le verre. Son reflet lui apparut alors, et la brune put enfin, après plusieurs mois, découvrir son visage. Pour dire vrai, elle se reonnut à peine, et ce, même si elle était propre et et qu'elle sortait de la douche. Mais son visage ... avait totalement changé. D'une part à cause de leur maigre régime alimentaire, qu avait creusé ses joues, mais aussi les creux de ses épaules, ses côtes, ses jambes ... Maid d'une autre part, c'était les épreuves qui l'avaient totalement changée. Son regard n'était plus le même. Le regard pétillant et plein de vie de Billie était désormais vide, morne, et distant. Elle, si généreuse qu'elle en oubliait de prendre soin d'elle-même, regardait désormais les autres, et surtout les étrangersn avec cette suspicion propre à ceux qui ont trop souffert. Son coeur avait saigné, par deux fois, et elle doutait qu'il réussisse à cicatriser une seconde fois. Ses yeux, rougis et gonflés par les larmes, n'avaient plus la force de pétiller grâce à ses prunelles chocolat. La mort de John l'avait meurtrie, et la seule chose qui la faisait tenir et avancer, c'était la haine. La vengeance. Son peuple était là, enfermés comme des rats dans cette montagne maudite, retenus prisonniers par ces monstres qui attendaient d'eux elle ne savait quoi, mais elle allait tout faire pour les en faire sortir. Désormais, la seule raison de vivre de Billie, c'était de les délivrer. Peu lui importait qu'elle y laisse la vie au passage, car tout cce qui comptait, et tout ce qui compterait jamais, c'était de les tirer de là. Alors elle le ferait. Car la douce Billie, celle qui était incapale de faire du mal à une mouche, étai morte et enterrée. Ou, si elle ne l'était pas, elle n'était plus présente. Car la seule chose qui animait la jeune femme, c'était cette flamme brûlante et ardente qui brûlait dans son coeur. Celle de la vengeance, et celle qui ne se laisserait éteindre pour rien au monde.
Les hommes de la montagne avaient fait une grave erreur. Billie avait toujours paru faible et délicate. Fagile et manipulable. Si ça avait un jour été le cas, son petit séjour sur Terre, et aux côtés de John, l'avait bien changée. Alors, en tuant le jeune homme, ils avaient simplement fait la pire erreur qui soit : lui retirer ce à quoi elle tenait le plus. La petite Billie avait fermé son coeur, qui brûlait désormais de colère.

Alors, quand, une dizaine de minutes plus tard, la brunette sortit de la salle de bain, habillée, lavée et coiffée, le teint un peu plus frais que quelques temps plus tôt, et que Jacob, toujours là à l'attendre, lui tendit le bras pour la soutenir, la jeune fille ne refusa pas son aide. Au contraire, elle se serra contre lui, feignant de n'être qu'un petit être fragile qu'un rien pourrait casser. Elle qui acceptait si difficilement les contacts avec John se retrouvait aujourd'hui à jouer avec ce garde. Tous les deux jouaient, d'ailleurs. Lui avait pour mission de la séduire, et elle, san le savoir, était en train de déjouer ses plans.

« - Je vais te ramener dans le dortoir pour que tu te repose un peu avant le dîner. »

Elle hocha simplement la tête. Le regard fixé devant elle, Billie était déterminée. A tous les exterminer.

Il ne faut jamais être trop sur de soi. Les Terriens l'étaient eux, sur d'eux même, et à juste titre. Comment de maigrelets jeunes hommes et femmes pouvaient-ils résister face à eux, surtout après avoir déclenché la guerre ? Ils ne le pouvaient pas. Jamais ils ne sortiraient d'ici, ils allaient croupir dans ce trou à rats, servant de modèle à une future résistance.
La brunette secoua lentement la tête, exténuée. Elle releva ses yeux chocolats vers Jack, plantant son regard dans le sien. Si jamais ils en venaient à mourir, que regretterait-elle de ne pas avoir vécu avant de s'éteindre ? De l'avoir mené à sa perte ? De pas lui avoir assez rendu la gentillesse qu'il lui avait offert depuis leur rencontre ? De ne pas sentir une fois plus, la douceur de l'eau effleurer sa peau blanchâtre ? De ne pas ... ?
Elle s'arracha rapidement à ses pensées, quittant Jack des yeux par la même occasion, se sentant ridicule de l'avoir fixé ainsi. Et puis soudainement, prise d'un instant de folie, Adèle leva la tête vers la trappe qui les enfermait et ramassa des morceaux de cailloux par terre, entreprenant de les jeter vers le plafond.

« - Laissez nous sortir ! Laissez nous sortir ! Vous n'avez aucun droit de nous enfermer ici ! Je veux voir la Commandante, laissez moi sortir ! »

Hurlant à gorge déployée avec le peu de voix qu'il lui restait, la jeune femme balançait des cailloux en l'air, évitant les débris qui retombait. Face à son inefficacité, mais toujours empreinte d'une espèce de folie temporaire, la jeune femme stoppa quelques instants avant de reprendre en hurlant toujours aussi fort, envoyant valser les cailloux contre les murs.

« - Laissez nous sortir ! Laissez nous sortir ... »

Alors que ses forces s'épuisaient lentement, le peu de voix qu'il lui restait fini par se noyer dans les larmes qui coulaient sur ses joues, exprimant finalement toute la tristesse et toute la faiblesse qu'elle avait retenu depuis si longtemps. Adèle s'écroula alors sur le sol, en larmes.

Le jeune homme remarqua à peine qu'elle 'était mise à le fixer pendant de longues minutes, lui-même perdu dans ses propres pensées. Et ce fut Adèle, lançant des cailloux comme une folle furieuse contre les murs, qui le sortit de ses réflexions sur la vie qu'ils avaient menées jusqu'à présent. Elle hurlait comme une tarée, balançant des pierres vers le plafond et sur les murs, exprimant toutes la rancoeur et la colère qu'elle devait retenir depuis longtemps.

Mais, avant qu'il n'ai pu la retenir ou l'empêcher de continer, elle s'ffondra au sol, e une marque de faiblesse rare, et le brun se rendit compte à quel point elle devait être fatiguée et lasse de paraître frte à toute épreuve, elle qui ne se laissait ébranler par absolument rien.

Il se mit alors à genoux près d'elle et la prit dans ses bras, posant une main sur ses cheveux toujours aussi rebelles, tandis que l'autre la tenait contre lui. Ainsi, il ne vit pas l'ombre qui vint obscurcir la cellule déjà sombre. Un Terrien s'approchait de leur cachot.

Dans les sombres profondeurs du Month Weather, le docteur Tsing retira lentement la seringue du coup de John, jetant celle-ci dans une corbeille prévue à cette effet. La brune le regarda une fois de plus sans sciller, soupirant très légèrement.

« - Enfermez le dans une cage. On testera son sang d'ici demain matin. »

D'un simple geste de la main, Tsing ordonna aux deux gardes de sortir de la pièce avec le corps de John. De son côté, le docteur avait d'autres chats à fouetter pour l'instant. Et plus particulièrement un : Billie.
C'est donc en utilisant des escaliers inconnus de presque tous les habitants du Month Weather que Tsing remonta vers les étages supérieurs, se dirigeant vers les dortoirs.
Elle bifurqua juste avant le couloir menant à ceux-ci, s'arrêtant quelque instants, appuyée contre le mur. Bientôt, tous les habitants de la montagne réaliseraient enfin leur rêve, si ses calculs étaient exacts. Bientôt, ils pourraient respirer l'air pur de l'extérieur.