Il s'avéra que le garçon ne l'emmena pas en prison. Ni en cellule, ni même dans sa chambre toute blanche. Non. C'est avec un regard effaré que la brune avait observé tout autour d'elle, tous les couloirs plus gris les uns que les autres, et surtout, munis d'absolument aucune fenêtres, pendant qu'il la traînait vers elle ne savait où. Ils avaient pris l'ascenseur, un vieil ascenseur brinquebalant, si vieux qu'elle se demandait comme il pouvait encore marché, et il lui avait semblé qu'ils étaient montés. Mais jusqu'où ? Ou plus précisément, à quelle profondeur se trouvaient-ils ? Et d'ailleurs, où était-elle ? Qu'était cet endroit ? Qui étaient ces gens, qui portaient d'étranges combinaisons qui les isolaient totalement de l'air extérieur ?
Elle se posait encore ce genre de questions, quand, après un long moment, toujours coincée entre le torse et le bras du garçon, elle avait aperçu une plaque de métal fixée au mur. « Quarantaine, Mont Weather. » Ses pieds, qui la faisaient avancer, trébuchèrent alors, s'emmêlèrent l'un dans l'autre, et, si elle n'avait pas été soutenue par son geôlier, elle serait certainement tombée, à moins qu'un mur ne se soit trouvé là pour l'aider à se rattraper.
« - Debout, Pocahontas » railla-t-il en la remettant sur ses pieds, sans aucune douceur.
Et puis, il tourna, et la plaque disparut du champs de vision de Billie. Mont Weather. Elle était au Mont Weather. Là où le Chancelier leur avait dit d'aller trouver le ravitaillement. Mont Weather. Des êtres humains toujours en vie, pas spécialement affectés par les radiations. D'abord les Terriens, puis eux. Cette découverte glaça le sang de la jeune femme, qui se laissait entraînée. Elle n'opposait plus aucune résistance, pour la simple et bonne raison que son esprit tournait à plein régime. Mont Weather. Certains avaient dû s'y réfugier, et les murs anti-atomiques les avaient protégés des radiations. D'autres humains. Le choc fut lourd à encaisser. Pendant des années, l'Arche avait fait subir une politique intraitable et dure, pour assurer la viabilité du vaisseau le plus longtemps possible, en attendant de revenir sur Terre. Pendant près de cent ans, ils avaient vécu dans l'espace, alors que pendant tout ce temps, la Terre était habitable. Et non pas par une seule tribu d'humain, mais par plusieurs. Et, à ce qu'elle pouvait voir, ces humains là avaient accès à beaucoup plus de technologies que les Terriens. Tout ça lui coupait la voix. Mais désormais, la question était : pourquoi ? Pourquoi les avaient-ils enlevés ? Que voulaient-ils d'eux ? Pourquoi les enfermait-on, pourquoi Peter avait été fait prisonnier durant si longtemps ? Tant de questions, encore ...
Quand Billie avait appuyé sur ce bouton, pour déclencher les premières bombes, elle avait répondu à la plupart de ses questions. Sauf celles concernant John. Mais pour celles là, il était désormais trop tard. A cause d'elle, il était mort. Et elle n'allait pas laisser cela arriver aux autres. Mais encore fallait-il qu'elle les trouve.
« - Où sont mes amis ! »
Elle rua alors, comme elle l'avait déjà fait tant de fois, mais cette fois, le garçon la lâcha, ne la tenant plus que par le bras, et, tout en la maintenant fermement, il la fit entrer dans une pièce, dans laquelle plusieurs lits étaient alignés. Une infirmerie. Des bips incessants témoignaient de la vie qui courraient encore dans les quelques corps allongés, tandis qu'une étrange machine était reliés à eux. Mais, endormis, les malheureux semblaient simplement paisibles. Que leur était-il donc arrivé ? Pourquoi leur peau était-elle couverte de ...
« - Billie ! Quel plaisir de te voir enfin. »
La petite brune tourna alors la tête vers celui qui venait de l'interpeller. Un vieil homme, un vieillard, aux prunelles si claires qu'elles semblaient n'avoir jamais connu que la lumière artificielle, et à la peau parcheminée, si transparente qu'on voyait ses veines à travers. Où était-elle tombée ? ...
« - Si tu permets, nous allons nettoyer ton bras. »
Il avait un drôle d'accent, parlant lentement, comme si les syllabes avaient du mal à sortir de sa bouche. Et, en y réfléchissant, le garçon aussi parlait de cette étrange façon. Certainement une déformation du langage, songea-t-elle alors même qu'on prenait son bras pour le désinfecté.
« - Comment vous connaissez mon nom ? » demanda-t-elle, méfiante.
On lui posa quelques compresses sur l'avant-bras, et le vieil homme lui tendit la main. Mais elle ne la serra pas, et se contenta de le regarder dans les yeux. Bille était une gentille fille. Elle n'avait jamais voulu la mort de quiconque, avait toujours privilégié le dialogue à la force. Mais elle s'était bien rendue compte que ces méthodes pacifiques avaient leurs limites. Alors peut-être que si tout ça c'était passé plus tôt, elle n'aurait pas été si méfiante. Peut-être aurait-elle essayé de parler. Mais voilà, c'était trop tard. Elle avait été forcée à tuer plus d'une centaine de guerriers Terriens, elle avait été obligée d'accepter la mort de John. Ce qu'elle n'avait toujours pas fait, d'ailleurs, et une pointe de couleur et de culpabilité transperça son coeur, alors même que le vieux tendait toujours la main vers elle.
« - Tes amis me l'ont dit, Billie. Mon nom à moi est Dante Wallace. »
Et, voyant qu'elle n'était pas prête à accepter sa poignée de main, il se recula, l'air légèrement ennuyé. Enfin, on lâcha le bras de la brune, et elle croisa les deux sur sa poitrine.
« - Je peux les voir ? »
Un ton sec, désagréable, qui ne lui ressemblait pas. Mais désormais, elle était prête à tout pour les sauver. Et elle n'allait pas se montrer faible.
« - Absolument, mais avant, tu peux te changer. »
Il fit alors un geste de la main, et deux hommes amenèrent une malle. On l'ouvrit, et Billie put alors découvrir une montagne de vêtements plus beaux les uns que les autres. On essayait donc de l'acheter ? Pour qu'elle veuille rester ?
« - Nous t'emmènerons dans vos quartiers une fois que tu seras prête. »
Et, quand elle leva la tête, ils étaient déjà partis. La laissant seule avec ces vêtements, dont elle ne voulait pas. Ainsi, sans jeter un regard aux malades endormis, la brune se vêtit d'un sweat et d'un pantalon, qui feraient parfaitement l'affaire en cas de fuite. Et, quelques dizaines de minutes plus tard, on l'emmenait, entre les longs couloirs, pour rejoindre ses amis.
« - Billie ! » entendit-elle soudain, venant du bout du corridor dans lequel elle se trouvait.
Et soudain, Andrew était à son cou. Alors, avec un sourire, la brune referma ses bras sur lui et sourit, tandis que les autres se pressaient autour d'elle.